mardi 12 novembre 2013

DECEMBRE - Livre préconisé par Anny

LES FUNERAILLES CELESTES  de  XINRAN

J’ai bien aimé ce petit livre d’une chinoise amoureuse qui se rend au Tibet pour retrouver son mari mort à 29 ans « au combat » pendant les années 50 dans le cadre de la «  Libération de ce pays ».

Sa vie sera courte avec lui, Kejun, mais non moins intense : elle  s’émancipe en faisant des études de médecine, de dermatologue et se marie librement en choisissant son compagnon: le pays changeait et se libérait de certaines coutumes aussi. Lui est très apprécié par sa gentillesse et son éthique et totalement dévoué au « Parti ». Cela étant, ils restent tous les deux très attachés comme tous leurs compatriotes à cette époque à leur « Mère Patrie » et lui à une raison que vous découvrirez à payer sa dette en partant pour ce pays inconnu. On est dans les années 50 et la guerre est très violente  entre la CHINE et le TIBET.

C’est dans le même état d’esprit un peu militaire qu’elle revêt, elle aussi, son uniforme  pour aller soigner les soldats et « libérer » le TIBET : un peu naïvement je trouve mais libérer de quoi ? On retrouve là  l’état d’esprit et le discours de tout colonisateur et de leur ambivalence.
Toute à son admiration pour lui, elle veut le retrouver, le voir de prés, le toucher pour y croire et comprendre sa mort et les circonstances de ce décès.

Shu Wen  vivra ainsi trente ans dans ce souvenir et dans ce pays  où tout lui est étranger mais qu’elle acceptera, comme enfermée dans ces tentes sur les montagnes : intriguée par ses occupants  puis envoûtée ensuite par leur mode de vie. Elle supportera toutes ces épreuves au détriment de ses sentiments pour sa famille qu’elle quitte. On se laisse envoûter avec elle par ces régions arides. Mais elle aura  à apprivoiser cette  vie de nomade si particulière.

C’est sans doute la spiritualité omniprésente à travers les prières , les mantras qui habitent ces hommes et ces femmes qui aura raison de sa ténacité ,vous me direz si vous êtes d’accord .Comment ces tibétains s’occupent de leur Yaks ,et ramassent des herbes médicinales , comment ils se couchent et dorment , leur relation affective(il y a une jolie anecdote là dessus ) , comment ils mangent , boivent du thé au beurre salé , comment ils s’habillent , et se parent de colliers somptueux , comment ils se regardent , et la regardent elle : les enfants et les adultes surprise de leur sérénité…Alors elle oublie sans doute au vu de leur accueil chaleureux qu’on lui réserve que les tibétains décrits comme des hommes violents à la guerre sont si paisibles au quotidien.

Sa rencontre avec Zhuoma, une Tibétaine amoureuse de la Chine et de son valet Tienanmen sera déterminante dans son périple, elle sera comme une sorte de sœur sans doute : s’épaulant l’une l’autre, chacune aidant l’autre à se comprendre (« effet miroir ? » n’est ce pas Geneviève ?).Elle sera sa  traductrice et  "sa conseillère en communication" ! Des actes et des échangent verbaux des habitants.

On ne peut lire ce livre sans être accompagné « des esprits » qui l’animent et ou de ce qu’on appellerait la foi, des forces occultes à travers la présence des Lamas qui sont dans les monastères et où les enfants séjournent jeunes. « Le Tibet est un grand Monastère » alors qu’en Chine la religion est « un code moral géré par des Laïcs ».

Cette façon de penser et de vivre va beaucoup aider Wen à affronter la famille de Gela et Ge’er sans savoir aucun mot de tibétain, cette vie de recluse et d’étrangère, dehors sur les chevaux puis sous la tente (comme dans une bulle, comme un bébé dans  le ventre de sa mère ?!!) où chacun a sa place et vaque à ses occupations en souriant comme Saierbao.

Tout cela  n’empêchera pas Wen  de sombrer dans une dépression profonde en désespérant d’atteindre son but dans ce désert montagneux et  n’ayant  plus de notion du temps (il n’y avait pas de calendriers) , ces hommes ne pensaient que deux saisons : hiver et été …Puis vous verrez comment elle sort de son mutisme et de cette situation, sans doute portée par la compassion de cette famille, et comment elle va à la rencontre de Qiangba l’ermite dans les  Montagnes Sacrées où l’on inscrit un vœu pour qu’il se réalise et  « Quand on met les doigts sur les mots on sent la présence des divinités » .

Avec cette histoire on traverse ces 30 ans avec elle, isolée de tout et isolée de la marche du monde : la révolution culturelle de 1970 avec MAO ZETONG et de la fuite du DALAI  LAMA entre autres. Le monde a tourné vite et sans elle.

Vous découvrirez comment  à travers cette phrase somme toute magique tout se noue et se dénoue « Om mani pedme hum », on a envie avec elle d’admirer les bannières de petits drapeaux à LHASSA et les lamas qui jouent de leurs grosses trompes et la foule qui s’y presse.
Et comment avec son humanisme son mari « se sacrifiera » avec ce rituel « en-vautour-ante » (à vous de comprendre)  et aussi forts et cruels que « ces funérailles célestes » qui le conduit à l’irréparable mais avec en âme et sa conscience de pur soldat chinois soldat. Certaines scènes auraient  pu être plus développées notamment celles de ce sacrifice.

Puis la fin de ce long parcours d’espérance de Shu Wen, d’abnégation de soi, de sacrifice fait réfléchir. On peut néanmoins s’interroger sur cet enfermement qui l’a empêché de revoir les siens plus tôt mais cela n’est qu’une projection de ma part, en avait-elle envie et elle n’était pas à l’aire d’Internet  !!! Et comme dirait notre amie Geneviève, elle s’est construite psychiquement autour de la symbolisation de cet amour pour ne pas mourir.

L’écriture y est un peu rapide, parfois on aurait aimé plus d’approfondissement, d’explications.

On ne peut s’empêcher de penser à Alexandra David Niels qui elle est partie elle, volontairement dans ce pays, aidée financièrement par son mari (très critiquée à ce sujet) déguisée en homme pour se cacher et être libre d’appréhender les mœurs et mieux comprendre les tibétains  ….. Allez voir ce joli musée à DIGNES qui résume sa vie.

Bonne lecture.