Thème 2016 : UN LIVRE / UN FILM
Dans la brume électrique
Cela se passe en Louisiane du sud, dans les bayous de New Iberia. Deux histoires s'entrecroisent entre passé et présent.
Le livre a été écrit en 1992, le film est sorti en 2009. Entre temps, la Louisiane a affronté l'ouragan Katrina... et vous verrez que Tavernier a intégré l'épisode tragique de Katrina dans le film, avec l'accord de l'auteur James Lee Burke.
Le personnage central, - qui se retrouve dans de nombreux livres de cet auteur - est l'inspecteur Dave Robicheaux, finement interprété dans le film par Tommy Lee Jones. Quel attachement j'éprouve pour cet inspecteur, ancien alcoolique, ancien du Viêt-Nam, tourmenté et violent, pathétique dans ses remords, émouvant dans ses doutes et sa recherche de vérité.
Mais ce qui m'a autant, sinon plus, enthousiasmée, c'est la description de ce territoire, son omniprésence. C'est un pays à très forte individualité, remarquablement décrit dans le roman, et que Bertrand Tavernier a voulu retrouver dans l'adaptation qu'il en a fait.
L'histoire est à son image: violente, poisseuse, douloureuse. Comme le passé des gens qu'on y croise. Comme le présent avec lequel on est confronté quand on y vit : la chaleur, les cyclones, le pétrole...
Bonus : Bertrand Tavernier, le réalisateur du film, a écrit le récit du tournage, jour après jour, du 21 avril au 22 juin 2007. Cela s'appelle : "Pas à pas dans la brume électrique" et c'est paru chez Flammarion en 2009.Si la manière dont Tavernier a tourné en Louisiane, avec une production et une équipe américaines, vous intéresse, lisez-le. Même si parfois j'ai trouvé qu'il y avait quelques aspects trop anecdotiques ou trop techniques, cette lecture complémentaire permet de se rendre compte du contexte de tournage en Louisiane, de comprendre ses choix d'adaptation, ses rapports (parfois très difficiles) avec producteurs, techniciens, acteurs, ses doutes de metteur en scène...
Il y a une seule chose que j'ai regrettée dans l'adaptation, c'est...mais on verra cela plus tard ! Enfoncez-vous d'abord dans les bayous, mais faites attention, c'est plein d'alligators, et de cadavres.
Cela se passe en Louisiane du sud, dans les bayous de New Iberia. Deux histoires s'entrecroisent entre passé et présent.
Le livre a été écrit en 1992, le film est sorti en 2009. Entre temps, la Louisiane a affronté l'ouragan Katrina... et vous verrez que Tavernier a intégré l'épisode tragique de Katrina dans le film, avec l'accord de l'auteur James Lee Burke.
Le personnage central, - qui se retrouve dans de nombreux livres de cet auteur - est l'inspecteur Dave Robicheaux, finement interprété dans le film par Tommy Lee Jones. Quel attachement j'éprouve pour cet inspecteur, ancien alcoolique, ancien du Viêt-Nam, tourmenté et violent, pathétique dans ses remords, émouvant dans ses doutes et sa recherche de vérité.
Mais ce qui m'a autant, sinon plus, enthousiasmée, c'est la description de ce territoire, son omniprésence. C'est un pays à très forte individualité, remarquablement décrit dans le roman, et que Bertrand Tavernier a voulu retrouver dans l'adaptation qu'il en a fait.
L'histoire est à son image: violente, poisseuse, douloureuse. Comme le passé des gens qu'on y croise. Comme le présent avec lequel on est confronté quand on y vit : la chaleur, les cyclones, le pétrole...
Il y a une seule chose que j'ai regrettée dans l'adaptation, c'est...mais on verra cela plus tard ! Enfoncez-vous d'abord dans les bayous, mais faites attention, c'est plein d'alligators, et de cadavres.
Syngué sabour d'ATIQ RAHIMI
Je vous propose de lire ce livre comme la partition d’un opéra: le tempo est scandé par le souffle de l’homme, qui donne le rythme sur lequel vont jouer, les gouttes de la perfusion et les grains du chapelet dans la main de la femme.
Au début tout semble immobile. Homme et femme sont confondus dans cette scansion répétitive. Mais par la modification du comptage, quelque chose se détraque, pour s’emballer dans un rythme fou.
Posée sur ce tempo nait une mélodie. Elle aura plusieurs voix. A celles des hommes, de la voisine, des enfants, répondra celle de la femme.
Vous allez l’entendre dans un étonnant solo. La femme ne fait pas un récit, elle improvise. Les mots la traversent et cela la libère. C’est en ça que le film et le livre se différencient. A mesure que se déploie ce mouvement au cœur de la femme, par son discours, son interlocuteur va lui aussi gagner en humanité. Il deviendra Syngué Sabour. C’est là que l’on peut mesurer le poids que joue l’imaginaire dans une relation amoureuse.
J’ai aimé ce type d’écriture et de mise ne scène, car tout a son rôle : les différents acteurs mais aussi les rideaux, le vent, les objets, le comptage de la perfusion et du chapelet. Sans pour cela ne pas s’arrêter sur ce que dit la femme, qui bouleverse.
Le film ne peut pas reprendre toutes ces dimensions. Nous sommes dans le domaine du scopique avec de véritables images qui éliminent les subtilités de l’écriture. Mais le film est très fidèle, quant au cadre matériel. J’ai apprécié qu’il commence par un plan sur les rideaux aux oiseaux, par exemple.
A lui seul, ce film met en scène cette belle histoire, avec des images que j’ai trouvées de grande qualité. La femme est très belle et le côté tragique du livre s’y retrouve. C’est très rare que j’aime et le film, et le livre. C’est le cas ici.
TERREUR APACHE, de W.R. Burnett
FUREUR APACHE, de R. Aldrich
Le livre Terreur apache est le premier publié dans la collection « L’Ouest, le vrai » par Bertrand Tavernier chez Actes-Sud. Je me suis réjouie de l’apparition de cette nouvelle collection, fin 2013, qui permet de constater que les premiers auteurs de westerns étaient des écrivains, et pas des moindres.
Par ailleurs, cela fait un petit lien avec le livre du mois dernier adapté en film par Bertrand Tavernier. Quant à Burnett, c’est aussi un auteur de la « Série noire » et vous pourriez avoir lu Quand la ville dort, adapté aussi au cinéma.
Ce que j’aime dans Terreur apache et vous propose de découvrir, c’est la complexité des situations, des personnages et du monde qui nous est décrit : pas de manichéisme, de simplisme. Les Indiens ne sont pas systématiquement mauvais, les cow-boys bons ; les hommes et les femmes (il y en a peu, mais elles ont du caractère) sont forgés par leur histoire.
On trouve des pages sur la nature, un genre d’osmose entre les solitaires et le monde environnant que l’on peut qualifier de spirituel. Et puis il y a aussi l’épopée des conquêtes et, là aussi, les choses ne correspondent pas aux clichés véhiculés dans beaucoup de westerns : qui étaient les premiers occupants du territoire ? Lesquels sont légitimes ?
Je vous propose comme film Fureur apache, inspiré assez librement du livre. Les personnages ne portent pas les mêmes noms, mais l’histoire est la même. Il y a un autre film Le sorcier du Rio Grande mais je ne l’ai pas trouvé. Le hic, après les deux films récents que nous venons de voir, c’est que Fureur apache date de 1972 ! Et ça se voit !
Je vous propose de lire ce livre comme la partition d’un opéra: le tempo est scandé par le souffle de l’homme, qui donne le rythme sur lequel vont jouer, les gouttes de la perfusion et les grains du chapelet dans la main de la femme.
Au début tout semble immobile. Homme et femme sont confondus dans cette scansion répétitive. Mais par la modification du comptage, quelque chose se détraque, pour s’emballer dans un rythme fou.
Posée sur ce tempo nait une mélodie. Elle aura plusieurs voix. A celles des hommes, de la voisine, des enfants, répondra celle de la femme.
Vous allez l’entendre dans un étonnant solo. La femme ne fait pas un récit, elle improvise. Les mots la traversent et cela la libère. C’est en ça que le film et le livre se différencient. A mesure que se déploie ce mouvement au cœur de la femme, par son discours, son interlocuteur va lui aussi gagner en humanité. Il deviendra Syngué Sabour. C’est là que l’on peut mesurer le poids que joue l’imaginaire dans une relation amoureuse.
J’ai aimé ce type d’écriture et de mise ne scène, car tout a son rôle : les différents acteurs mais aussi les rideaux, le vent, les objets, le comptage de la perfusion et du chapelet. Sans pour cela ne pas s’arrêter sur ce que dit la femme, qui bouleverse.
Le film ne peut pas reprendre toutes ces dimensions. Nous sommes dans le domaine du scopique avec de véritables images qui éliminent les subtilités de l’écriture. Mais le film est très fidèle, quant au cadre matériel. J’ai apprécié qu’il commence par un plan sur les rideaux aux oiseaux, par exemple.
A lui seul, ce film met en scène cette belle histoire, avec des images que j’ai trouvées de grande qualité. La femme est très belle et le côté tragique du livre s’y retrouve. C’est très rare que j’aime et le film, et le livre. C’est le cas ici.
TERREUR APACHE, de W.R. Burnett
Les adieux à la reine de Chantal Thomas et Benoit Jacquot
Agathe-Sidonie Laborde, celle qui raconte, est une des lectrices de la reine Marie-Antoinette. Elle a été choisie pour sa voix un peu sourde qui a un effet apaisant quand la reine est agitée ou veut s’endormir.
Elle est maintenant en exil, avec toute cette société qui a fui la France au moment de la Révolution, et c’est un triste exil.
Mais elle se souvient de ces jours, ces trois jours, 14, 15, 16 juillet 1789 où tout a basculé, de la grâce, du charme le plus parfait à l’incompréhension, entraînant pagaille, agitation et pressentiment de la chute d’un monde séculaire vers un autre ordre pas encore défini.
Sidonie assiste à tout cela dans une sorte de fébrilité incrédule, parce qu’elle est attachée à son rôle auprès de cette reine capricieuse mais attendrissante, et aussi par une curiosité infinie pour ce Versailles à plusieurs couches. Et elle peut traverser les différentes couches.
Donc elle nous donne tout à voir, à entendre.
Et quelle fresque, mazette ! Un Versailles mêlé, labyrinthique, grouillant, tour à tour intime ou protocolaire, déchirant et historique.
Benoît Jacquot reprend l’écrit de Chantal Thomas avec brio, jouant de la confusion pour un défilement d’images et de scènes contrastées, étranges, et un effet de brouillon volontaire qui témoigne de ce moment si particulier.
Je vous souhaite de puiser dans les deux œuvres des moments riches, intéressants et pulpeux.
Art – de Yasmina Reza
J’ai choisi ce thème sur l’ART Contemporain car je suis familière des galeries en tout genre peut être comme vous et sans formation artistique particulière, simplement le contact de mon compagnon artiste lui-même. Ce petit livre se décline sous forme de dialogues, dialogues jubilatoires, envolés, décalés sur l’ART. Vaste sujet au demeurant, traité ici avec de l’humour à travers ces trois hommes qui vont se chamailler leur amitié. Art très souvent déroutant, incompréhensible au premier regard, loin du figuratif et ou de l’abstrait, nous obligeant à lâcher nos représentations mentales classiques. Pour comprendre une œuvre souvent conceptuelle il faut parfois la notice de l’artiste ou simplement se laisser guider par les émotions ou le rejet qu’elle suscite. Ce livre est léger sur la forme et très intéressant sur le fond pour comprendre l’engouement de celui qui achète cette œuvre blanche. A priori il connaît celui qui l’a créée. Seule moquerie pour les autres c’est son prix. Mais derrière le simple coup de peinture vous comprendrez aisément qu’il y a autre chose.
Allez laissez vous aller et dites-moi ce que vous en pensez.
Orgueil et préjugés de Jane Austen (livre) - Joe Wright (film)
Ce roman du début du XIX siècle décrit la société anglaise campagnarde de cette époque. Derrière des histoires d’amour (en effet, Mr et Mme Bennett espèrent pouvoir marier leurs filles) une critique des mœurs, des convenances, de l’environnement étriqué avec ses codes, des différences de classe sociale sont exposées. Ce roman ainsi que d’autres du même auteur met aussi en lumière la dépendance des femmes par rapport au mariage afin d’obtenir un statut social et une sécurité financière. Jane Austen nous dépeint donc cette société anglaise avec ses règles régissant la vie privée et la vie mondaine. Au travers une série de personnages variés, elle nous donne de nombreux détails sur le caractère de chacun dans une écriture très fine, dans laquelle les paroles de chacun se déroulent en de nombreuses circonvolutions pour exprimer les opinions et les ressentis.
Une des principales héroïnes du roman est Elisabeth qui essaie de s’affranchir un peu des conventions préétablies, devant dépasser ses préjugés envers la personne de Mr Darcy qu’elle va tout d’abord cataloguer comme étant orgueilleux alors que peut être que sa manière d’être en société cache une certaine timidité…
J’ai trouvé que le film retraçait bien l’ambiance du roman et les caractères de chacun des personnages.
C’est un livre que j’ai aimé pour son style et les thèmes qui sont abordés.
Bonne lecture
Kennedy et moi de Jean-Paul Dubois (livre) - Sam Karmann (film)
Je vous propose "Kennedy et moi" (de Jean-Paul Dubois), un petit récit divertissant même s'il traite de sujets peu légers. En effet, Samuel Polaris se cherche, il est mal dans sa vie, en panne d'écriture, en crise conjugale et familiale et devient obsédé par ...la montre de son psychanalyste qu'aurait portée le président Kennedy et qu'il veut absolument récupérer.
Voici la toile de fond du roman.
Le personnage principal est totalement désabusé et pose un regard caustique sur la vie, sur les gens qui l'entourent et surtout sur ses enfants, il en a 3 dans le livre, 2 dans le film (terrible le regard sur ses enfants !)...j'ai beaucoup aimé le côté irrévérencieux de Samuel Polaris, il peut apparaître exécrable (il l'est) mais on se surprend à éprouver une certaine sympathie pour lui sans doute à cause de son impertinence.
Fait singulier pour moi j'ai d'abord vu le film (de Sam Karmann) avec Jean-Pierre Bacri dans le rôle principal, c'est peu de dire qu'il excelle dans ce rôle et qu'il m'a été impossible d'imaginer une autre incarnation du personnage à la lecture du roman. Il est parfait en râleur dépressif en pleine crise. Nicole Garcia, qui joue le rôle de sa femme est aussi parfaite.
Autre fait singulier pour moi : j'ai préféré le film au livre (lisez plutôt le livre d'abord si vous pouvez), j'ai beaucoup apprécié le travail d'adaptation.
Ma proposition n'est pas un chef d'œuvre mais un livre+film cyniques et drôles, et puis j'aime beaucoup le titre !
Le livre (1996) est en poche, et le film (1999) se trouve pour la modique somme de 4,50 (d'occasion) ou 6 euros (neuf)
Une bouteille dans la mer de Gaza de Valérie Zenatti (livre)
Une bouteille à la mer de Thierry Binisti (film)
Dans ce roman jeunesse, ma surprise a été totale. Aborder avec autant de justesse, de vérité un sujet aussi difficile m'a surprise.
Les deux principaux personnages sont justes, avec leurs préoccupations de jeunes, décalés entre celle qui profite d'une vie matérielle simple et celui qui se débat dans les difficultés du quotidien. Mais tous deux dans la peur quotidienne.
Autour de la question des attentats et de la guerre se déploie peu à peu la question fondamentale de la peur, du droit, de la justice, de la coloni-sation, de la vie et de la survie.
Étonnamment, le film amplifie les questionnements sur la guerre et diminue celle des attentats.
J'ai aimé la délicatesse du livre et du film qui apportent l'un et l'autre des éclairages complémentaires sur cette question internationale, si brûlante.
Je ne suis pas sûre que l'histoire d'amour qui n'est pas développée dans le livre apporte beaucoup dans le film. Par contre, le conflit avec les parents abordé différemment selon le livre ou le film est aussi intéressant à suivre, à mon avis, selon ces deux points de vue.
Je sais que certaines d'entre vous regrettent que cela soit un livre jeunesse, mais pour ma part je trouve que toute la littérature est intéressante et là en particulier il me semble que nous pouvons nous y retrouver au niveau du soin apporté à l'écriture du livre.
Agathe-Sidonie Laborde, celle qui raconte, est une des lectrices de la reine Marie-Antoinette. Elle a été choisie pour sa voix un peu sourde qui a un effet apaisant quand la reine est agitée ou veut s’endormir.
Elle est maintenant en exil, avec toute cette société qui a fui la France au moment de la Révolution, et c’est un triste exil.
Mais elle se souvient de ces jours, ces trois jours, 14, 15, 16 juillet 1789 où tout a basculé, de la grâce, du charme le plus parfait à l’incompréhension, entraînant pagaille, agitation et pressentiment de la chute d’un monde séculaire vers un autre ordre pas encore défini.
Sidonie assiste à tout cela dans une sorte de fébrilité incrédule, parce qu’elle est attachée à son rôle auprès de cette reine capricieuse mais attendrissante, et aussi par une curiosité infinie pour ce Versailles à plusieurs couches. Et elle peut traverser les différentes couches.
Donc elle nous donne tout à voir, à entendre.
Et quelle fresque, mazette ! Un Versailles mêlé, labyrinthique, grouillant, tour à tour intime ou protocolaire, déchirant et historique.
Benoît Jacquot reprend l’écrit de Chantal Thomas avec brio, jouant de la confusion pour un défilement d’images et de scènes contrastées, étranges, et un effet de brouillon volontaire qui témoigne de ce moment si particulier.
Je vous souhaite de puiser dans les deux œuvres des moments riches, intéressants et pulpeux.
Art – de Yasmina Reza
J’ai choisi ce thème sur l’ART Contemporain car je suis familière des galeries en tout genre peut être comme vous et sans formation artistique particulière, simplement le contact de mon compagnon artiste lui-même. Ce petit livre se décline sous forme de dialogues, dialogues jubilatoires, envolés, décalés sur l’ART. Vaste sujet au demeurant, traité ici avec de l’humour à travers ces trois hommes qui vont se chamailler leur amitié. Art très souvent déroutant, incompréhensible au premier regard, loin du figuratif et ou de l’abstrait, nous obligeant à lâcher nos représentations mentales classiques. Pour comprendre une œuvre souvent conceptuelle il faut parfois la notice de l’artiste ou simplement se laisser guider par les émotions ou le rejet qu’elle suscite. Ce livre est léger sur la forme et très intéressant sur le fond pour comprendre l’engouement de celui qui achète cette œuvre blanche. A priori il connaît celui qui l’a créée. Seule moquerie pour les autres c’est son prix. Mais derrière le simple coup de peinture vous comprendrez aisément qu’il y a autre chose.
Allez laissez vous aller et dites-moi ce que vous en pensez.
Orgueil et préjugés de Jane Austen (livre) - Joe Wright (film)
Ce roman du début du XIX siècle décrit la société anglaise campagnarde de cette époque. Derrière des histoires d’amour (en effet, Mr et Mme Bennett espèrent pouvoir marier leurs filles) une critique des mœurs, des convenances, de l’environnement étriqué avec ses codes, des différences de classe sociale sont exposées. Ce roman ainsi que d’autres du même auteur met aussi en lumière la dépendance des femmes par rapport au mariage afin d’obtenir un statut social et une sécurité financière. Jane Austen nous dépeint donc cette société anglaise avec ses règles régissant la vie privée et la vie mondaine. Au travers une série de personnages variés, elle nous donne de nombreux détails sur le caractère de chacun dans une écriture très fine, dans laquelle les paroles de chacun se déroulent en de nombreuses circonvolutions pour exprimer les opinions et les ressentis.
Une des principales héroïnes du roman est Elisabeth qui essaie de s’affranchir un peu des conventions préétablies, devant dépasser ses préjugés envers la personne de Mr Darcy qu’elle va tout d’abord cataloguer comme étant orgueilleux alors que peut être que sa manière d’être en société cache une certaine timidité…
J’ai trouvé que le film retraçait bien l’ambiance du roman et les caractères de chacun des personnages.
C’est un livre que j’ai aimé pour son style et les thèmes qui sont abordés.
Bonne lecture
Kennedy et moi de Jean-Paul Dubois (livre) - Sam Karmann (film)
Je vous propose "Kennedy et moi" (de Jean-Paul Dubois), un petit récit divertissant même s'il traite de sujets peu légers. En effet, Samuel Polaris se cherche, il est mal dans sa vie, en panne d'écriture, en crise conjugale et familiale et devient obsédé par ...la montre de son psychanalyste qu'aurait portée le président Kennedy et qu'il veut absolument récupérer.
Voici la toile de fond du roman.
Le personnage principal est totalement désabusé et pose un regard caustique sur la vie, sur les gens qui l'entourent et surtout sur ses enfants, il en a 3 dans le livre, 2 dans le film (terrible le regard sur ses enfants !)...j'ai beaucoup aimé le côté irrévérencieux de Samuel Polaris, il peut apparaître exécrable (il l'est) mais on se surprend à éprouver une certaine sympathie pour lui sans doute à cause de son impertinence.
Fait singulier pour moi j'ai d'abord vu le film (de Sam Karmann) avec Jean-Pierre Bacri dans le rôle principal, c'est peu de dire qu'il excelle dans ce rôle et qu'il m'a été impossible d'imaginer une autre incarnation du personnage à la lecture du roman. Il est parfait en râleur dépressif en pleine crise. Nicole Garcia, qui joue le rôle de sa femme est aussi parfaite.
Autre fait singulier pour moi : j'ai préféré le film au livre (lisez plutôt le livre d'abord si vous pouvez), j'ai beaucoup apprécié le travail d'adaptation.
Ma proposition n'est pas un chef d'œuvre mais un livre+film cyniques et drôles, et puis j'aime beaucoup le titre !
Ma proposition n'est pas un chef d'œuvre mais un livre+film cyniques et drôles, et puis j'aime beaucoup le titre !
Le livre (1996) est en poche, et le film (1999) se trouve pour la modique somme de 4,50 (d'occasion) ou 6 euros (neuf)
Une bouteille dans la mer de Gaza de Valérie Zenatti (livre)
Fahrenheit 451 - Livre de Ray Bradbury (1953) et film de François Truffaut (1966)
C’est le film vu dans les années 70 qui me donne envie de vous proposer aujourd’hui ce titre. Ne connaissant pas le livre j’ai désiré le découvrir.
Ce thème d’une société soumise à un régime totalitaire, où les livres seraient brûlés, la lecture interdite, me paraît particulièrement intéressant pour notre groupe, ce réseau social, qui s’est justement donné comme but la lecture, le partage des points de vue sur les ouvrages, les auteurs, et cette année leur interprétation cinématographique.
Je lis rarement des ouvrages de science-fiction, et je ne me souviens pas en avoir lu avec vous, donc voila une nouvelle expérience entre nous. C’est un best-seller, vous le connaissez probablement déjà ! Le début m’a paru un peu compliqué et s’est découvert passionnant après une centaine de pages. Quant au film, il date de 50 ans, ça se sent ! Selon moi, il a l’avantage de simplifier le début, c’est pas mal, mais ensuite il a tendance à ajouter des idées nouvelles… je n’en dis pas plus. Je donnerai mon avis lorsque les commentaires commenceront à arriver.
Je lis rarement des ouvrages de science-fiction, et je ne me souviens pas en avoir lu avec vous, donc voila une nouvelle expérience entre nous. C’est un best-seller, vous le connaissez probablement déjà ! Le début m’a paru un peu compliqué et s’est découvert passionnant après une centaine de pages. Quant au film, il date de 50 ans, ça se sent ! Selon moi, il a l’avantage de simplifier le début, c’est pas mal, mais ensuite il a tendance à ajouter des idées nouvelles… je n’en dis pas plus. Je donnerai mon avis lorsque les commentaires commenceront à arriver.
Juste, pour le suspens, une surprise vous attend à la fin du film. C’est du Truffaut, et pas du Bradbury…
MAUPASSANT – Histoire d’une fille de ferme - Le saut du berger - Histoire vraie - Miss Harriet - Toine - Le père Amable (sélection de nouvelles et contes normands) - préconisé par Claire
Au moment où j’ai proposé « La civilisation ma mère » de Driss Chraibi, pour notre programme 2012, Odile m’a suggéré de changer de projet dans la mesure où Myriem nous proposait un livre du même auteur. Alors j’ai cherché dans mes « désirs » de classiques. J’y ai retrouvé Maupassant. Je vous le propose donc.
Depuis
longtemps je veux connaître Maupassant et je ne trouve pas l’occasion de le
lire. Il a en effet vécu dans ce coin de Normandie qui m’est cher : le
pays de Caux (précisément les environs d’Etretat). Je sais qu’il met en scène
des gens comme j’en connais depuis ma plus tendre enfance, dans un cadre qui
m’est plus que familier.
J’ai
certainement étudié l’auteur au cours de mes Humanités, vous aussi je pense.
Mais je n’en ai pas grand souvenir. Trouverons-nous le plaisir de le lire ou de
le relire aujourd’hui ? Les premières pages que j’ai parcourues ces
jours-ci me font percevoir un auteur bien pessimiste. J’ai peur que le ton de
l’ensemble fasse passer au second plan le plaisir de retrouver l’ambiance
particulière de ce pays de falaises, peint par les impressionnistes, et le
parler cauchois dont je ne cesse encore aujourd’hui de me régaler. Nous
verrons !
Peu
après avoir publié « Le passé simple », l’écrivain dut le renier un
temps… En effet, un bon marocain, intellectuel de surcroît et vivant à l’époque
de la colonisation se serait contenté d’en dénoncer la perversité, aidant ainsi
son peuple à conquérir son indépendance. Driss CHRAÏBI, dans le fracas de mots
écrits en français, sur un mode à la fois imagé et coloré, cru et cruel, empreint d’odeurs délicieuses puis
saturées jusqu’à la nausée, de sonorités feutrées ou criardes, de lumières
aveuglantes ou sombres, prit le parti de se libérer du fardeau de la société
traditionnelle et d’une culture dévorante figée dans le temps et dans des lieux
qui ensorcèlent pourtant toujours nos yeux d’étrangers.
On
entre dans le roman à pied, à contre-courant d’une foule composée de mendiants
experts en mimiques et formules oratoires, dans une atmosphère bruyante
ponctuée de ferveur coranique programmée et quasi apocalyptique. Peu à peu, le
« je » se dévoile parce
que mes vêtements sont européens et que je suis presque européanisé. Le
fossé se creuse entre le narrateur et son Seigneur de père, entre le lettré en
devenir et l’analphabète mu en cerbère. Les femmes s’achètent et les enfants se fabriquent, clame le tyran! Il sait que l’Occident vers lequel il
m’a délégué est hors de sa sphère. Alors il le hait, répond Driss…
Ce texte, dont l’acuité et
la force littéraire demeurent inchangés, pose la question du déchirement, de la
remise en question de l’héritage transmis et d’un possible compromis entre deux
points de vue sur une réalité donnée à l’écrivain: le point de vue oriental et
le point de vue occidental ; cette mystérieuse « ligne mince », qui fait triompher le romanesque de cette œuvre
majestueuse dont la relecture m’enchante.
Myriem
PS : merci de m’avoir
accueillie si gentiment au sein des Pisteurs de livres !
Hiroshima mon amour, de
Marguerite Duras, préconisé par Geneviève
Classique ? Pourquoi pas ?
Et si nous décidions qu’il le
devienne ?
J’ai hésité entre ce livre et celui
d’Euripide, « Les Bacchantes », qui pour moi a quelque chose en
commun ! Que ceux ou celles qui ont lu les deux trouvent l’énigme !
Vous donner des questions à résoudre ?
Pourquoi pas, si je veux à tous prix vous décider à le lire ou le relire !
Vous le relirez donc, si je vous dis
que :
Le livre ne se contente pas de donner le
texte du scénario.
Le livre nous fait mieux saisir que le film
n’a pas pour objet une histoire d’amour.
Une phrase de Marguerite
Duras : « l’érotisme est tenu en échec par l’amour », nous
donne une clé, pour saisir ce qu’il se passe entre la femme et le Japonais.
Il y a une raison pour que Marguerite Duras
fasse parler « la femme » en l’appelant : Riva.
Il y a une autre raison pour que Marguerite
Duras fasse également taire Riva et que ce soit elle-même qui poursuive.
Il y a une raison d’écrire un ‘Japonais’ et
une ‘Française’, en respectant ces
majuscules.
Il y a eu un différent entre Marguerite Duras
et Resnais, sur la façon de terminer cette histoire, et ce n’est pas ce que
vous trouverez sur internet qui donne la réponse mais votre propre lecture en
suivant le mouvement que prend ce texte.
Il
y a une raison pour que ce livre soit une ouverture à une réflexion concernant
le féminin chez l’homme !
J’espère que mon « quizz » décidera
les plus hostiles à ouvrir ce livre qui n’a pas pris une ride!
Et puis, si tout cela vous donne l’envie de
revoir le film, en ce qui me concerne, j’ai le DVD, qui peut effectivement servir
à une « séance » en commun ! Bonne lecture, au-delà du quizz
grâce à la poésie de cette oeuvre !
Dalva de Jim Harrisson, préconisé
par Claire - août 2011
Si l'histoire des indiens d'Amérique du nord
vous intéresse, lisez ce livre. Il m'a accompagnée pendant une partie de l'été
dernier. Dalva que je vous propose de lire, ou dans lequel vous vous êtes déjà
plongé (je suis en retard pour ma préconisation, je m'en excuse), nous conte
l'histoire d'une famille américaine sur plusieurs générations, à travers les
journaux intimes de quelques membres de cette grande famille.
Dalva, au centre de cette saga familiale, est
à la recherche de son fils en même temps que de son histoire familiale et plus
largement de celle de son peuple opprimé. Vous serez peut-être désarçonné par
la construction non-linéaire du roman. Mais une fois passée cette difficulté
laissez-vous emporter par ce long récit qui vous amènera dans l'Amérique
profonde des grands espaces, en compagnie d'hommes et de femmes au caractère
bien trempé, vivant au rythme des saisons, en osmose avec chiens et chevaux.
Une odeur de gingembre d'Oswald
Wynd, préconisé par Catherine pour le mois de juillet
Ouf c'est les vacances ! Vous
allez pouvoir suivre le parcours de Mary, une écossaise qui part en Chine (au
moment de la révolte des Boxers) rejoindre son futur époux qu'elle connait à
peine. De la Chine elle ira jusqu'au Japon et c’est un incroyable destin qu'on
découvre au travers de son journal intime et des courriers qu'elle
écrit de 1903 à 1942.
Le récit de ses aventures m'a
captivée, impossible de lâcher ce petit livre de poche avec une belle
couverture ("L'ombrelle rouge "de Howard). La modernité de cette
femme, son instinct de vie vont l'amener à dépasser des obstacles qui auraient
pu être insurmontables. C’est une féministe avant l’heure, elle est malmenée
mais se bat pour exister en tant que femme et pour préserver sa liberté
d’action et de pensée. Elle en paiera le prix fort.
J'étais tenue en haleine,
impressionnée à chaque page par cette femme curieuse, courageuse, sensible,
libre, incroyablement moderne. Que ce soit face aux règles chinoises ou
japonaises ou face à celles des expatriés, personne ou presque ne comprendra sa
vivacité d'esprit et sa lucidité.
Ce format "journal
intime" est très intéressant, on y trouve une réflexion sur l’écriture
intime, sur le poids des cahiers qu'on
noircit de confidences et que l'on conserve en secret...On plonge aussi dans
l'histoire et la culture de la Chine et du Japon.
Vous me direz si, comme moi,
vous tombez sous le charme de ce roman et de son style, et surtout sous le
charme de Mary, "une sacrée bonne femme" (!) dont on découvre les
troubles, les pensées, les impressions à travers un parcours étonnant .
Asteraï de Teg'Amlak préconisé par Véronique pour le mois d'avril
Le livre « Asteraï », fut une
découverte car je ne connaissais pas l’auteur et très mal l’histoire de cette
tribu juive perdue en Ethiopie dont le voyage vers Jérusalem est racontée dans
ce récit.
La première partie du livre m’a enchanté.
C’est le récit d’un petit berger qui apprend à vivre avec les forces cachées de
la nature et instaure une relation intime avec un oiseau l’ Asteraï. Cet enfant
est accompagné par sa grand-mère qui l’initie aussi aux contes et aux récits
initiatiques.
La seconde partie est l’arrivée et l’essai
d’intégration dans une société aux antipodes du vécu de cette tribu…douloureux
et moins poétique !!
Ce livre interroge l’immigration,
l'intégration, la place de sa culture face à celle du pays d’accueil. Question
qui reste entière encore aujourd’hui…
Bonne lecture à tous et toutes
La marquise d'O..., préconisé par Odile
Je vous proposé donc lire en mai La Marquise d’O… J’ai choisi ce livre
d’un auteur de la fin du XVIIIe parce que je l’apprécie, bien sûr,
mais aussi pour aller voir un peu d’un autre côté que de celui des lectures
contemporaines, que j’apprécie aussi.
Ce que j’aime dans ce livre, c’est
l’intransigeance des personnages, c’est l’excès ( ?) de leur exigence, la
quête de la vérité… au prix de l’invraisemblable, de l’incroyable, de
l’incompréhension du monde ordinaire. Les débats que cette histoire suscite
m’amusent énormément : « ce ne serait pas possible
aujourd’hui », « je n’y crois pas »…
Ces êtres d’exception et la manière dont ils
réagissent suscitent un certain attachement, comme on peut l’être à des
personnages de roman. Et j’apprécie la manière dont l’auteur conte l’histoire.
Lisez la première phrase. Si vous n’êtes pas
accrochés, je ne peux rien pour vous !
L'amour est à la lettre A, Paola Calvetti, préconisé par Anny
Ce
livre est assez vite joyeux , coloré , italien ,convivial ,dans le plaisir
,simple, d’une femme de 50 ans (avec ses interrogations sur sa vie ,son corps,
sa culture)….LE PLAISIR DES LIVRES . Original n’est ce pas pour les
pisteurs ?????
D’autres
diront à l’eau de rose mais tant pis ! Pour une fois c’est bien, c’est
sans prétention. C’est à lire pendant des vacances sur la plage , prés d’une
rivière ou a la terrasse d’un café à MILAN pour être en accord avec Emma comme
aimer et qui aime ses amis et amies dont Alice ,jeune et amoureuse , son
fils Mattia ado parfait en douce rébellion , son copain banquier , et son
ancien ami amant qu’elle retrouve . Bien sûr je ne vais pas tout vous dévoiler.
Elle
décide donc de se monter une petite ….LIBRAIRIE à son image, un refuge pour
lecteurs avertis ou en panne de lectures
ou en panne d’amour, de tendresse.
Elle
les accueille, elle leur fait un petit nid douillet avec des recoins, puis des
boissons et elle range ses livres par thèmes par titres, par vitrines.
C’est logique vous me direz, oui, mais c’est rigolo ces rangements.
Puis
de leur faire lire ses livres à ses lecteurs à haute voix, par des gens très
différents, des jeunes ou des moins
jeunes, des timides, des téméraires, des curieux . Et si on faisait ça
nous la prochaine fois que l’on se voit ?
Alors
cette librairie, c’est comme votre cuisine, votre piscine, votre jardin, votre
lit on y resterait bien toute la journée avant de ressortir se cogner
contre les scooters dont elle fait la chasse dans cette ville que
malheureusement je ne connais pas.
Vous
vous surprendrez à reconnaitre des tas de livres que vous connaissiez bien sur
vous, les pisteurs enthousiastes et pour
les autres, dont vous en prendrez les coordonnées.
Et
puis elle s’en échappe pour aller poste restante chercher ?.... DES
LETTRES. De qui ? Allez devinez encore. De belles lettres de NEW YORK et
surtout d’un autre endroit magique en construction ? Un lieu de
conservation de ? …..LIVRES.
Bon,
j’arrête là, à vous de connaitre cet homme raffiné et amoureux qui les
écrit : amoureux d’une histoire inachevée si courante ma foi, mais simple,
que l’on peut avoir avec quelqu’un ou avec un pays, une ville, un endroit et
dont on rêve d’y retourner pour la dernière fois.
Puis
elle se refugiera encore et encore dans les
livres pour survivre comme
elle le dit page 435.
Bonne
lecture !
Lost of love : Scott et Scottie, 1936-1940, Scott Fitzgerald Francis et Frances, préconisé par Gisèle
J’ai aimé l’auteur de
Tendre est la nuit et j’ai découvert,
à travers cette correspondance, un père, ses fêlures et ses contradictions.
Cette correspondance
se situe entre 1936 et 1940, année de la mort de l’écrivain. En 1936, il a 40
ans ; détruit par l’alcool, au bout du rouleau, il espère en sa fille
Scottie, 15 ans, à laquelle il envoie ces lettres émouvantes. Il se montre
attentif, complice, disponible, soucieux d’épargner à l’adolescente ses propres
tourments. « Je ne veux pas que tu
perdes ta gaieté, ni ton sérieux » dit Scott à Scottie qui lui adresse
à son tour des missives qui ont le charme de l’insouciance.
Cette jeune fille
s’ouvre à la vie et ne comprend pas toujours les conseils donnés, avec dureté
parfois. Mais on sent toujours une tendresse et un amour infinis.
La
leçon d’allemand par Siegfried Lenz - préconisé par Geneviève
Voici un livre que j’ai lu cet hiver, et que
j’ai beaucoup aimé.
Il s’agit de l’histoire d’un jeune garçon,
qui au début du livre, est mis en chambre d’isolement, car il est en maison de
redressement, située sur une île au large de Hambourg, après la fin de la
guerre de 39-45.
Il n’a pas réussi à rendre son devoir
d’allemand, qui avait pour thème : ‘Les joies du devoir’ !
Ce garçon se démarque des autres, car il
est calme appliqué, aimant l’enseignement. Aussi c’est une grande surprise,
quand, son enseignant vient chercher la copie, et que notre jeune homme va dire
qu’il n’a pas terminé !
Dans ce cas, il est de coutume d’enfermer
l’élève dans une pièce isolée, et il y reste jusqu’à ce qu’il ait terminé son
travail. A la fin de la première journée d’isolement, le devoir n’est pas
terminé. Et la surprise des adultes ne va pas s’arrêter là !
J’ai aimé ce livre car il est écrit avec une
écriture magnifique. Une amie allemande m’a dit qu’il était très bien traduit.
Ce livre va nous immerger dans la poésie de
paysages superbes, alors que nous sommes au Nord de l’Allemagne, dans un petit
village, au milieu d’une terre plate à perte de vue, composée de tourbières et
de canaux.
Mais
j’aime les encres Rembrandt et certaines œuvres de Van Gogh, qui ‘racontent’
déjà cela.
Ce texte va nous faire partager ce qu’il
s’est passé dans ce village durant toute la guerre, entre le père de ce garçon
et les habitants, dont un peintre qui a un nom d’emprunt, mais dans lequel on
reconnait Nolde.
J’ai aimé ce texte, car il mêle la rudesse du
climat, la dureté des gens qui résistent, chacun à leur façon, considérant leur
‘devoir’ de manière fort différente, et la description si belle des paysages et
du travail du peintre, comme s’il y
avait interpénétration entre ces trois dimensions.
C’est fort, et magnifique. Moi qui serais
plutôt « solaire », cela m’a immergée dans la rudesse d’un pays qui
m’a profondément touchée.
Cela se lit bien. Peut-être un peu trop
longuement, mais on s’y prête !
J’ai trouvé ce livre en bibliothèque, mais
il existe en poche broché et en 10/18 parait-il.
Bonne lecture !
Petite
préconisation concernant La théorie de
nuages de Stéphane Audeguy.
Par
Alberte-Marie
Je
crois que si j’ai aimé ce livre c’est qu’il contient les ingrédients que j’aime
à trouver dans un roman.
Des
personnages hors normes.
Le
mélange des temps de l’Histoire.
Des
horizons qui différent aussi.
Des
digressions qui sont comme autant de petits romans dans le roman.
Des
thèmes auxquels on ne s’attend pas.
Car
voyez-vous, en ce qui me concerne, je ne m’étais jamais posé la question de
savoir quand les nuages avaient été nomenclaturés ? par qui ? et
pourquoi ils ne l’avaient pas été plus tôt alors qu’ils conditionnent une
partie de nos vies. Ne sommes-nous pas toujours en train de nous soucier de ce
qui va tomber sur nos têtes : pluie, grêle, neige, tornade, tempête ?…et
n’avons-nous jamais regardé fuir les nuages dans un ciel venteux ?
Mais
les nuages ne sont pas les seuls personnages de ce livre.
Je
vous laisse découvrir les autres.
J’espère
qu’ils vous plairont ou vous agaceront, c’est selon.
Moi,
maintenant, je regarde vraiment les cieux dans les tableaux et c’est une
merveille.
Allez,
donnez-moi vite des nouvelles de ce livre .
On
a le droit de sauter des pages, mais il serait dommage de tout laisser tomber.
Je
vous souhaite une bonne météo .
La vie d'un homme inconnu,
d'Andrei Makine, préconisé par Odile et Jean Caron
J’ai
offert à Odile il y a plus de 10 ans le
«testament d’une vie» à l’occasion du
Prix Goncourt. Elle en a beaucoup apprécié l’écriture et a découvert, à
cette occasion cet auteur qui nous
était inconnu . Par la suite notre
attention a été retenue par les
parutions ultérieures de ses autres
romans, dont le dernier en date : 2009 « la vie d’un homme inconnu ». Un
voyage récent en Mai 2010 à Saint
Petersbourg nous a remis en mémoire ce
roman dont le déroulement se situe pour
une large partie à Saint Petersbourg
Très schématiquement deux
histoires sont en collusion dans ce roman : celle d’un écrivain
russe qui quitte l’URSS pour la France autour des années 1980 (période pré-
perestroïka ) et déçu de n’y trouver l’accomplissement espéré, décide d’y
revenir en 2003 sans trouver les repères
attendus .. et celle d’un russe plus agé qui a
vécu le siège de Saint Petersbourg (
1941- 45 ) puis la période de répression
et termine sa vie replié dans un mutisme akinétique.
Les 3
périodes historiques fortes de Saint Petersbourg depuis 1940 sont ainsi filmées
à travers l’histoire singulière des deux
principaux intervenants de ce roman
Nous avons retrouvé dans « La vie d’un
homme Inconnu » ce que nous avions aimé dans ses précédents romans à
savoir sa capacité de nous plonger
« délicieusement » dans son récit , y compris dans les événements extrêmes
qui y sont décrits .
L’histoire
singulière de cette ville que nous
avions perçue en la visitant, est
enrichie de ces témoignages forts
d’existence qui donnent des clefs
supplémentaires.
. Enfin
existe dans ce roman une quête de sens
de l’existence, une dimension « spirituelle » omniprésente à travers les vicissitudes de la vie des deux acteurs qui « captive ».
Novices dans votre club et dans la lecture
critique de livres, nous serons désireux de savoir quel intérêt vous avez porté
à ce livre
La pluie avant qu'elle tombe de
Jonathan Coe, préconisé par Carole
Ce livre m'est précieux puisque c'est une
amie qui me l'a offert.
Plus qu'un livre, elle m'a fait cadeau d'une
histoire finement racontée à partir de la description de vingt photos. Jonathan
Coe a eu, là, une idée vraiment originale pour mettre en abyme la vie de tous
ses personnages.
J'espère que ce livre saura vous donner la
chair de poule, comme il a pu me la donner à travers certains passages.
A vous de découvrir le fil de l'histoire, le
fil à tisser, le fil à penser (à panser), pour découvrir ce qui se cache
derrière « la pluie, avant qu'elle tombe ».
Un
court passage pour vous mettre en appétit :
La
main en visière, elle regardait les montagnes en disant :
« Regarde
ces nuages. Il va y avoir de la pluie et de l'orage, s'ils viennent par
ici. »
Thea
a entendu sa remarque : elle était très attentive au moindre changement
d'humeur – j'étais chaque fois surprise de constater à quel point c'était une
enfant sensible, en phase avec les émotions des adultes.
Du
coup, elle a demandé :
C'est
pour ça que tu as l'air triste ?
Triste
? Moi ? A répondu Rebecca en se tournant vers elle.
Non, ça ne me dérange pas, la pluie d'été. En
fait, j'aime bien ça. C'est ma pluie préférée.
Ta
pluie préférée ???
Je
revois Thea fronçant les sourcils en méditant ces paroles, et puis elle a
proclamé :
Eh
bien moi, j'aime la pluie avant qu'elle tombe.
Rebecca
s'est contentée de sourire, mais moi j'ai répliqué (de façon pédante, je
suppose) :
Tu
sais, ma chérie, avant qu'elle tombe, ce n'est pas vraiment de la pluie.
Qu'est-ce
que c'est alors ?
Et
j'ai expliqué : « c'est de l'humidité , rien de plus. De l'humidité dans
les nuages. »
Alors,
cette pluie avant qu'elle tombe ?
Qu'évoque
t-elle pour vous ?
Que
présage t-elle ?
Préconisation d'Olaf pour la rentrée 2010 : Eloge de la folie d'Erasme
Ce livre a été pour moi, à l'age de 20
ans, un grand sujet d'étonnement. On me l'avait conseillé, à cet âge, pour me
redonner goût à la philosophie. Etrange conseil puisque cela me poussait à
penser que la philosophie pouvait avoir un quelconque rapport avec la folie.
Plus de 40 ans après cette expérience et en relisant ce livre pour vous le
proposez, l'étonnement est le même. La folie peut-elle guider vers la sagesse,
voire la philosophie. La philosophie est -elle une plaisanterie ? La
philosophie est-elle liée à une personne ? La philosophie est-elle théologie ?
La philosophie est-elle morale ? La philosophie, enfin, est-elle divertissement
? Autant de questions qui surgissent à la lecture de ces pages. Avec une sorte
de questionnement « au
carré » puisque c'est la
folie elle-même qui fait son propre éloge... Et puis dernier trait qui
m'enchante, ce livre fut pensé,rêvé, écrit pendant un voyage entre l'Italie et
l'Angleterre au rythme de l'âne qui le portait...C'était en 1509.
J'espère que les noms anciens, les dieux de l'antiquité, les allusions savantes ne vous empêcheront pas de suivre le fil du livre et de la pensée...
Que ces quelques pages nous obligent à revoir nos « classiques », nous fassent faire une sorte de « retournement de la pensée ».
Vous voilà prévenu ! Je vous laisse savourer ces pensées qui peuvent surprendre et vous souhaite bonne lecture au contact de cet érudit de la renaissance.
Pour juin, voici la préconisation de Claire : Les pierres sauvages de Fernand Pouillon
« Les
pierres sauvages » de Fernand Pouillon - 1964
Après
des lectures nous conduisant au Portugal dans les années 3O, puis en Haïti il y
a quelques années, je vous propose de vous transporter au Moyen Age dans le sud
de la France, dans le Var précisément…
Je
ne sais si vous êtes comme moi, mais lorsque je visite une abbaye je
m’interroge sur ceux qui l’occupent, ceux qui y ont passé leur vie, leurs habitudes, leurs
activités, leur vie communautaire, mais rarement je me demande comment a été
construit ce monument. Comment est né le projet, pourquoi là et pas ailleurs etc.
Eh bien cet ouvrage que j’ai lu il y a déjà longtemps a définitivement
transformé mon regard. Il m’a fait d’une part apprécier l’architecture et mieux
connaître les préoccupations de ceux qui exercent ce métier, mais aussi il m’a
plongée dans ce Moyen Age qui m’a toujours passionnée.
J’aime
beaucoup l’abbaye cistercienne du Thoronet. Elle est pour moi un des plus beaux
monuments que je connaisse en France. Ce
roman « les pierres sauvages » retrace sa construction au 12ème
siècle racontée sous la forme d’un journal, par un moine, sorte d’architecte-
bâtisseur.
Fernand
Pouillon, architecte dont nous avons beaucoup entendu parler dans les années
60, et que ceux qui ont visité Marseille et certaines grandes villes d’Algérie
connaissent, était contemporain de Le Corbusier. A la différence de ce dernier
et des architectes de son époque comme Perret par exemple, il prend le parti
d’utiliser la pierre pour construire des logements sociaux après –guerre. Alors
que les autres font l’éloge du ciment et du béton, Pouillon fait l’éloge de la
pierre, matériau chaud, vivant, que met en valeur la lumière. Cette pierre du
midi il l’a touchée, mesurée, regardé vibrer, dans sa jeunesse lorsque pendant
la guerre, il a passé de longues heures au Thoronet.
Je
vous laisse apprécier, et serai heureuse de connaître vos réactions… et puis,
si vous ne connaissez pas l’abbaye, allez-y c’est une petite merveille.
La préconisation de mai par
Catherine : "L'énigme du retour" de Dany LAFERRIERE
Je suis une inconditionnelle de Dany Laferrière car je
trouve que cet écrivain originaire d’Haïti n’a pas son pareil pour décrire
l’exil, pour parler de ses souvenirs. Il va d’abord émigré au Québec (puis aux
Etats Unis) et écrire en 1985 son premier roman Comment
faire l'amour à un nègre sans se fatiguer. 9 romans vont
suivre, il les appellera « autobiographie américaine ». J’avais envie
de vous faire partager ce goût pour cet auteur.
Avec
son dernier livre L’énigme du retour
il revient sur le départ de son
pays d’origine Haïti et sur le retour à Port au Prince, 33 ans plus tard alors
qu’il vient d’apprendre le décès d’un père qu’il connaît à peine. Ce livre se
lit doucement comme un poème, d’ailleurs le style est parfois proche du Haïku,
ce sont des fragments d ‘émotions, des instants saisis. J’ai aimé dans ce
livre la forme poétique et les énigmes laissées en suspens. L’auteur nous offre
l’occasion de voyager, on l’accompagne vers les lieux de sa jeunesse, on touche
du doigt ce que sont les souffrances de
l’exil, il nous fait partager ses états d’âmes, ses impressions, ses sentiments
et comme dans tous ses livres il y a aussi la présence de l‘humour. Il
questionne avec intelligence les thèmes de la mort du père, de la transmission,
de l’exil, de l’absence d’appartenance, de la solitude. J’ai parfois eu
l’impression que le fait d’avoir lu ses autres roman facilitait l’accès à ce
livre, je compte sur vous pour me donner votre avis sur ce point.
Ce
livre demande un peu d’efforts en particulier pour ne pas se perdre dans les
dialogues (la typographie n'aide pas). J’espère que comme moi vous aimerez sa
poésie et que vous suivrez avec plaisir ce filet de pensée. Lorsqu’est survenu
le drame d’Haïti en janvier dernier les romans de Dany Laferrière ont eu pour
moi un écho particulier. Il a aussi écrit à ce moment là un témoignage
bouleversant que j’avais lu dans la presse. Je suis contente que ce livre lui
ait valu le prix Médicis.
« Les blessures dont on a honte ne se guérissent pas. »
« Je demande à Garibaldi pourquoi il ne rentre pas au pays. (…) Il me regarde alors droit dans les yeux pour me confier qu’il retourne chaque nuit en Italie. »
« Les visages autrefois aimés s’effacent au fil des jours de notre mémoire brûlée. Le drame de ne plus reconnaître même ceux qui nous furent proches. L’herbe repousse, après l’incendie, afin de camoufler toute trace du sinistre. »
Pereira prétend - Antonio
TABUCCHI - préconisé par Evelyne
La
question de la croyance en la résurrection des chairs, la littérature
catholique d’avant guerre, les rubriques nécrologiques des journaux de
province, cela devrait vous intéresser !
Je
sens chez vous un frisson d’impatience…
Et
pourtant, allez-y en fonçant.
Lisbonne,
été 1938. Une chaleur accablante, un climat politique identique à ce qui se
passe en Allemagne, un environnement à proximité immédiate, de guerre civile.
Dans
cette ville, Tabucchi va s’intéresser à un être quelconque, obscur journaliste
d’une feuille de chou, responsable de la rubrique culturelle. Nous aurons, sous
la forme d’une déposition, le récit minutieux d’un moment de la vie de cet
homme.
Et
c’est là que la force d’écriture de Tabucchi opère, sa manière de camper son
personnage, de le déplacer physiquement et moralement, dans cet univers de
plomb, grâce à des rencontres, qui lui font regarder son univers autrement.
La
vie arrive à s’immiscer partout malgré tout, et bon dieu, que c’est bon de lire
cela.
J’observe
souvent sur les trottoirs en ville, au milieu du bitume, une petite plante,
fragile, minuscule, qui pousse sa tige vers le soleil. Ce livre me fait penser
à cette image.
Un
livre à l’écriture magistralement simple, qui a fait écho en Italie sous
Berlusconi.
Si
ce livre vous a intéressé, je vous conseille d’aller plus loin dans la lecture
des ouvrages de Tabucchi, cet italien amoureux du Portugal, de l’Inde, et
traducteur de Pessoa. Vive Tabucchi !
Evelyne
- 27 mars 2010
L'enfant volé, préconisé par Odile
L’enfant volé, c’est l’histoire des parents d’un
enfant volé. Disparu, volatilisé, de manière incompréhensible.
J’ai trouvé ce livre très fort, très
émouvant. Les parents de cette petite fille, tout à coup absente sont pris de
stupeur : culpabilité, douleur, peine, illusions, retrait, agitation… De
différentes manières, l’un et l’autre réagiront à cette disparition.
L’incompréhension, l’angoisse, les pensées
des parents pour cette enfant dont ils ne savent plus rien sont, de mon point
de vue, complètement palpables : la terreur qui les envahit, les
cauchemars... Nous sommes situés du côté des parents, et plus particulièrement
du père, les deux parents ne réagissant pas de la même manière à cette
disparition.
Nous ne saurons pas ce qu’il est advenu de
cette enfant : c’est une histoire sans rebondissements ni suspens, c’est
l’histoire de l’évolution des personnages. J’ai apprécié qu’il n’y ait pas
d’explications à cette disparition : ce n’est pas le sujet.
Comment vivre un événement pareil ?
J’espère que ce livre n’angoissera pas trop les parents. À moi qui n’ai pas
d’enfant, il m’a paru très juste dans l’expression des émotions et des actions.
Véronique propose "La formule du professeur"
Une jeune mère célibataire entre au service, comme aide ménagère, d'un
ancien professeur de mathématiques.. Elle
doit assumer cette étrange situation d’être chaque matin une personne inconnue
pour son employeur. En effet, à la suite d'un accident de voiture, l'homme a perdu la mémoire, ou
plus précisément l'autonomie de sa mémoire qui n'est plus que de quatre-vingts
minutes. Passionné par les chiffres, cet étrange professeur va s'attacher au
fils de son employée, un petit garçon de dix ans. Entre ces trois individus s'ébauche une histoire d'amitié et une vraie transmission du savoir.
L’histoire est racontée du point de vue de l’aide ménagère. Au
cours du temps, elle apprivoise lentement cet homme en se glissant peu à peu
dans sa vie, découvrant ses passions et acceptant ses différents modes de
communication sans en être outre mesure décontenancée. Ses rapports avec lui
sont teintés de d’admiration, d’affection et d’attachement. La présence de son
fils replonge le professeur dans un nouvel élan de vie et il
« embarque » ce jeune garçon dans les méandres des formules
mathématiques, créant un lien de grand-père à petit fils, un lien de
transmission. Livre émouvant dans lequel le lecteur peut être touché et dérangé
par cet homme dont la mémoire n’est pas fiable. En effet, j’ai été interrogée
sur le fait que l’aide ménagère pouvait être une inconnue à certains moments et
pourtant j’ai l’impression que des liens plus subtils, invisibles se tissaient
entre ces deux êtres et plus tard avec le fils.
Nul besoin d’être un génie en maths pour lire ce livre !!! Je
n’y ai rien compris mais j’ai été sensible au plaisir que prenaient le
professeur et l’enfant, à la complicité qui se développait entre eux et aux
liens de ces trois êtres.
Gisèle Hidalgo préconise "Eloge de rien"
Eloge de
rien, collectif, Allia, 3 €
Je
cherchais un livre de poche et j’ai été séduite par ce petit format .Ce petit
rien….L’ auteur avec les mots rien et personne nous offre un texte plein
d’ironie, il joue avec la langue et la logique ; cette lecture m’a plongée
, l’air de rien dans un abîme de réflexion. C’ est profond.
Et
drôle.Il est bien de discourir sur rien plutôt que de parler à tort et à
travers.Il nous fait toucher à la vanité des choses , à la fragilité de l’
apparence .
Bonne
lecture.
Ce livre nous fait
participer à un phénomène de foule, dont les médias ont parlé, celui du stade
du Heysel, en traçant des liens entre différents personnages, qui se sont
rencontrés par hasard la veille du match.
Leurs histoires
respectives qui finissent par se croiser, donnent un visage à ce drame et nous
montrent comment, derrière la foule anonyme, se jouent des destins fragiles et
différents.
Quatre personnages
vont prendre la parole:
Jeff, venu de France
avec Tonino, Geoff, venu de Liverpool avec ses deux grands frères, Gabriel, qui
est de Bruxelles , et enfin Tana qui
vient d'Italie avec Francesco.
Nous allons vivre le
drame qui s'est joué à Bruxelles par un effet d'écriture particulier, je laisse à votre lecture le
soin d'en faire l'expérience.
En fait ce livre m'avait profondément touchée
quand je l'ai lu il y a trois ans, car j'ai rarement lu quelque chose qui dise
au plus juste des émotions comme la peur, la douleur, le deuil, l'amitié et la
tendresse , oui, tout cela, mêlé.
Laurent Mauvignier n'a pas seulement un rythme
d'écriture, mais également un style qui sait présenter comme des tableaux, en
donnant les couleurs, les textures, tous les détails d'un cadre où se tiennent
les personnages qui vont avec ce cadre, ajoutant à cela un vrai talent pour cerner
une expression, une attitude du corps, un geste. J'ai trouvé cette façon
d'écrire superbe, qui, malgré tout, ne tombe pas dans la lourdeur.
Ne croyez pas qu'il
faille aimer le foot pour lire ce livre, car cet évènement est seulement
l'occasion de faire se croiser des drames petits ou graves, de montrer comment
une vacherie entre jeunes, peut en fait vous sauver la vie, et du coup changer
profondément les rapports humains.
C'est magnifiquement
perçu et transmis, je me suis étonnée et
j'ai apprécié le fait de se mettre dans
la peau d'une fille de vingt-trois ans, qui doit affronter l'impensable, et de
savoir la faire parler et décrire avec tant de vérité ce qu'elle ressent dans les circonstances de
ce roman, dans l'instant, puis au fil des années.
Mais au fond, la
tragédie du stade est peut-être le seul évènement, pour notre auteur, qui était
à la hauteur du drame dont il voulait parler, et qui attendait d'être mis en
écriture.
J'ai choisi ce livre
qui avait laissé en moi une marque brûlante, parmi beaucoup d'autres que j'ai
lus récemment et que j'aurais aussi aimé partager avec vous, et qui auraient
été peut-être plus paisibles.
Mais parce que
l'auteur arrive sur la scène littéraire de la rentrée, et que grâce à cela il
parait en poche, je me suis dit qu'il ne
fallait pas manquer cette occasion que ce livre ne soit pas oublié..
Poisson d'or, J.M.G. Le Clézio - Préconisé par Claire
Quand
vous ouvrez « Poisson d’or » de Jean-Marie Gustave Le Clézio, vous
lisez en exergue, un proverbe nahuatl (aztèque) traduit ainsi « Oh
poisson, petit poisson d’or, prends garde à toi ! car il y a tant de
lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde ». Le ton est donné, ce
roman est une sorte de conte, le poisson d’or c’est une jeune marocaine, Laïla,
volée dans sa petite enfance, à sa tribu et vendue à une vieille dame pour qui
elle va travailler, à l’ écart des bruits et de l’agitation de la ville.
Elle n’a aucun souvenir de son enfance traumatisée par le rapt dont elle a été
victime, sa jeunesse, son adolescence (de 8 à 23 ans) elle va les passer à
rechercher son identité s’interrogeant sans cesse sur son passé, ses racines,
sa tribu d’origine, sa mère, le lieu où elle est née.
A
la mort de Lalla Asma sa « grand mère » elle s’enfuit et se trouve
tout à coup plongée dans un monde qu’elle ignorait complètement. Elle va
connaître tout un tas d’aventures, subir des agressions de toutes sortes, faire
des rencontres malheureuses mais heureuses aussi, au Maroc, puis ensuite en
France, à Paris en particulier puis aux Etats-Unis.
Pour
survivre elle puise dans ses ressources personnelles, son intuition, son bon
sens, son sens de l’observation, sa capacité à comprendre les autres et son
désir de connaissance.
Son
besoin de retrouver ses racines est le plus fort, elle finit par revenir en
Afrique du nord et le roman se termine avec ces mots « je touche la terre
où je suis née je touche la main de ma mère ».
Ce
roman nous plonge dans un monde de pauvreté, de misère, de violence, où les
faibles sont écrasés. Très vite cette fillette comprend que ceux qu’elle
rencontre cherchent à la piéger comme au jour du rapt. « Je pensais que
depuis que j’étais enfant, les gens n’avaient cessé de me prendre dans leurs
filets. Ils m’engluaient, ils me tendaient des pièges de leurs
sentiments ».
J’aime
l’écriture extrêmement simple de ce roman. Les phrases sont courtes, sans
fioriture. J’apprécie surtout le début dans lequel Le Clézio parle avec les
mots d’une enfant, toujours à la première personne. Les passages sordides de la
violence qu’on connaît pour en entendre parler sans arrêt ne retiennent pas
trop mon attention, par contre je goûte avec grand plaisir ces descriptions du
fondouk où Laïla se réfugie en fuyant le mellah et où elle est accueillie
par six « princesses »; sa rencontre avec un vieillard « El
Hadj » qui va lui enseigner, tout en douceur, le Prophète et la religion
de son pays…. Je vous laisse apprécier.
Alors,
bonne lecture à vous !
La flamme d'une chandelle, Gaston
Bachelard - préconisé par Odile
Voici un livre
précieux et intemporel : la flamme d’une chandelle ! Des chandelles,
on n’en voit plus guère aujourd’hui. Encore des bougies désodorisantes que l’on
allume en présence de fumeurs… Et pourtant, ce livre nous entraîne sur les chemins
de la rêverie d’une manière que je trouve irrésistible, « sur les chemins d’une très
vieille mémoire » dit Gaston Bachelard. La rêverie devant la
flamme agrandit notre monde : quelle belle idée ! Et la rêverie ne
suit pas les progrès technologiques… Une flamme n’est pas une lampe mais la
lumière de la lampe est aussi présente.
Il nous parle du
clair-obscur, de la chandelle comme d’une « petite
lumière », de la solitude du rêveur, de la puissance d’images
que dégage cette petite flamme, de la pureté.
Il fait référence à
Henri Bosco dont les romans situés dans les collines provençales, sont remplis
de mystères, d’évocations de la nature et de liens flous, fugitifs, immatériels
entre les êtres. J’ai tout lu d’Henri Bosco, ou presque, depuis mes onze ans où
j’ai découvert « L’enfant
et la rivière », la tentation de l’ailleurs. Et ce que dit
Gaston Bachelard des livres et de la lumière chez Henri Bosco me touche :
cette lampe allumée au loin, qui cache-t-elle ?
Il emploie des mots
surannés – ça aussi ça me plaît – comme : jadis, ou bien cite des poètes
utilisant « inde,
perse, azurée » pour des couleurs. C’est d’hier et d’autant
plus d’aujourd’hui. Il évoque la rêverie de celui qui écrit ou n’écrit pas
et contemple sa chandelle.
Il dirige ma pensée
et ma rêverie, à travers ce tout petit livre, vers des domaines aussi variés
que l’expérience, le passé, le présent, la religion, la pensée, la présence, la
mélancolie, le désir d’élévation que traduit la contemplation de la flamme.
« J’ouvre ma
lampe et la lumière coule… », voici une phrase sympathique entendue
parfois qui mêle les mots de deux champs lexicaux comme le fait Gaston
Bachelard.
J’espère, pour ceux
qui ne l’ont pas lu, que ce livre vous fera rêver à la flamme, à la lumière, à
la chandelle et j’espère que ceux qui l’ont lu le reliront avec rêverie comme
je l’ai fait.
Tokyo, Mo Hayder, préconisé par
Brigitte
Sur la photo du livre, on voit une jeune
femme blond cendré qui sourit aimablement et dont le visage est empreint de
tranquillité.
C’est pourquoi on ne soupçonne pas en
commençant ce livre dans quelles turpitudes inimaginables Grey la jeune héroïne
de Tokyo va être progressivement happée.
Grey est certes un peu déroutante dès lors
que nous la découvrons à Tokyo l’été 90 en visite chez le Professeur Shi
Chongming : que signifie l’étrange obsession qui l’anime à vouloir lui
extorquer un témoignage sur une certaine
chose qui serait arrivée pendant l’invasion japonnaise de Nankin en …
1937 ?
Et puis que lui veut donc Jason étrange jeune
homme blanc aimé des yasukas et notamment de Fuyuki san peut être le plus
terrible d’entre eux et qui serait plus fort aujourd’hui qu’à 20 ans comme il
s’en vante ? Quel secret terrifiant protège la Nurse sorte de monstrueux
épouvantail humain toute dévouée à leur service et qui n’hésite pas à commettre
le pire ?
Grey aura la réponse à sa quête terrifiante
au plus profond d’une noirceur humaine si proche … d’elle ? de nous ?
Amateurs de thrillers percutants et curieux du monde asiatique si fascinant à vos
livres !
Korsakov, d'Eric Fottorino
préconisé par Anny
J'ai choisi ce
livre par affinité professionnelle, côtoyant régulièrement des patients
souffrant de ce syndrome amnésique. Amnésie, composée de vrais et faux
souvenirs, de fabulation sur sa vie passée et ou récente. Puis, curieusement
,au fil de la lecture ,une autre affinité est apparue, cette fois-ci découverte
fortuitement , le récit du grand père du petit garçon en Tunisie où j'ai
retrouvé mon enfance.
Je l'ai aimé
pour la délicatesse de l'histoire de ce petit garçon coincé entre sa jolie
maman Lina, si jeune, si belle, si proche de lui , au point qu'il ne veuille la
partager, ses oncles marginaux et sa grand -mère dévote coincée dans ses
malheurs . Une Ardanuit , dans la nuit des soucis qu'elle tente vainement de
résoudre . Mais le petit François a d'autres chats à fouetter et notamment une
recherche effrénée d'identité présente tout au long de l'histoire, un lourd
compte à régler avec son géniteur un MAMAN, un juif du Maroc qui lui a laissé
les yeux piquants de sable et une douleur au dos.
Pour s'échapper
de toutes se préoccupations il fréquente les MONTES, une famille espagnole
tendre qui le gave de paellas. Maman , Lina , sa maman à lui , lui offre pour
ses dix ans un père , un vrai seigneur, si je peux me permettre , un Signorelli
,haut en couleur et en affection qui lui fera découvrir un autre monde , un
monde d'huîtres et de mer et d'amour. Mais aussi le grand père , un héros qui
lui raconte sa jeune vie de maire dans un village e au MAGREB , entouré de
désert , de chevaux, de chasse et d'amitié solides qui vont se défaire un peu
par la force de l'Indépendance du pays.
Devenu adulte et Neurologue à PALERME, le petit François ne cesse de se poser des questions sur des origines au cours de sa carrière puis il essayera ensuite de les combler en raison de sa mémoire devenue précocement défaillante. L'écriture est légère, joyeuse, fluide et le récit truffé de jeux de mots subtils et drôles malgré l'histoire un peu compliquée de cet enfant.
Devenu adulte et Neurologue à PALERME, le petit François ne cesse de se poser des questions sur des origines au cours de sa carrière puis il essayera ensuite de les combler en raison de sa mémoire devenue précocement défaillante. L'écriture est légère, joyeuse, fluide et le récit truffé de jeux de mots subtils et drôles malgré l'histoire un peu compliquée de cet enfant.
Ou comment même en
devenant un éminent neurologue - chercheur sur la reconnaissance des visages
on peut quelques années après, oublier le sien, de visage, et se
poser inlassablement la question : qui suis je vraiment ? le petit Francois
Ardanuit ou le petit Signorelli. On se promène en Italie, quel bonheur ! On le
suit dans les ruelles ensoleillées et l'on écoute cette langue chantante,
dépaysante en cette période si rude à Dijon ! ! !( si je peux .) On a envie de
le réconforter mais on sait bien qu'il perdra lui aussi et très tôt , à cause
de l'alcool ,sa propre vie.
Bonne lecture
Un conseil pour cette fin d'année 2008 : "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee - Préconisation de Catherine
J’ai choisi pour vous ce livre que j’ai lu l’été dernier avec beaucoup de plaisir. Le début peut paraître un peu lent mais ne vous découragez pas !
Ce qui m’a séduite c’est le ton juste de ce
récit, on entre dans un monde vu par une enfant à la fois naïve et futée.
L’auteure nous plonge dans l'atmosphère d'une petite ville de l'Alabama dans le
contexte de la grande dépression américaine des années 36-39, environ 20 ans
avant les droits civiques.
A travers le récit de Scout, une petite fille
de 7 ans, on découvre la société américaine peu reluisante, engoncée dans les
apparences et l’ordre moral. On apprend beaucoup sur la justice, la religion,
la condition des femmes, l'enseignement et on entre de plain pied dans le
racisme " ordinaire ".
Le père de Scout est commis d'office pour
défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. L’histoire de ce procès
illustre vraiment l'horreur de ce racisme et met en lumière le statut des Noirs
aux USA (bien longtemps pourtant après l’abolition de l’esclavage).
J'ai aimé la façon dont vivent, devant nous,
toute une galerie de personnages très divers : des méprisables, des naïfs,
des touchants... le personnage d’Atticus, le
père, est exceptionnel, bien campé, honnête, au dessus de la médiocrité,
il incarne le « juste », et
c’est une figure de père que j’ai trouvé magnifique.
Grâce au regard incroyable de cette gamine,
Harper Lee (dont c’est l’unique roman) a pu faire une histoire grave, mais
racontée de manière enlevée, il y a tout
au long du récit de l’humour et du charme. Si vous pouvez le lire en anglais
(ce qui n’est pas mon cas), c’est sûrement mieux pour profiter pleinement du
langage savoureux de Scout.
« Peinture réaliste d'un Sud qui n'existe plus ?
Voire : plus de quarante ans après sa première parution, Ne tirez pas sur
l'oiseau moqueur, unique roman de cette femme que personne n'a plus rencontrée
depuis quarante ans, est encore combattu dans bien des régions de ce même Sud,
et certains tentent de le faire interdire des bibliothèques scolaires : il
serait blasphématoire, ordurier…Un monde si petit ; mais un monde si
proche. » lecture de Pierre de Montalembert (trouvé sur le site Internet
de la Luxiotte.
Ne
tirez pas sur l’oiseau moqueur : un titre magnifique pour un livre fort
qui aborde des thèmes universels.
Bonne
lecture
Sébastian HAFFNER - Histoire d'un
Allemand - préconisé par Evelyne
Un
jeune allemand, destiné comme son père à une carrière de magistrat, dans
l’Allemagne bouleversée – fertile en apparence de tous les possibles - des
années vingt, observe l’histoire en train de se faire à travers les signes
parfois discrets ou insidieux, parfois manifestes et terrifiants qui ponctuent
la vie quotidienne d’un berlinois et qui emportent bien avant l’avènement
d’Hiltler ses concitoyens vers le grand élan barbare.
Sur
fond d’humiliation de la défaite, - d’ailleurs surtout ressentie par la jeune
génération qui n’a pas fait la guerre - , d’hystérie compétitive nourrie aux
valeurs des sports de masse, de crise économique et de disette, d’insurrections
ouvrières écrasées et de défaillance générale des partis de gauche, l’ensemble
de l’édifice social se prend à douter de lui-même, et abandonne ses repères
pour des fantasmes de régénération dans l’horreur.
L’histoire
immédiate est indéchiffrable à ses protagonistes, personne n’en écrit le
programme. Elle s’observe parfois dans la colère, et trop souvent dans
l’étonnement et l’indignation impuissante, au fil de petites concessions
quotidiennes qui isolément seraient risibles, mais qui deviennent redoutables
quand on découvre trop tard qu’elles sont le fait d’une génération entière. Les meilleurs amis se révèlent
complaisants à l’égard de « théories » qu’ils auraient honnies et
férocement combattues la veille.
Lorsqu’on en vient par exemple à devoir discuter avec des collègues s’il
est normal ou non d’avoir des amis juifs, le fait même de devoir entrer dans ce
questionnement que l’époque impose, constitue déjà la défaite complète des
valeurs humanistes.
Jour
après jour, au-delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer à une personne de
bon sens, une pathologie collective gagne la population qui abandonne son sort aux exactions des milices. Tout est
déjà en place bien avant l’avènement d’Hitler et de ses légions nazies. Sébastian Haffner, citoyen allemand
ordinaire, sous le choc de ce qu’il voit s’accomplir, qui sait déjà que le pire
est à venir, en fait méthodiquement la chronique, d’abord pour lui-même, pour
tenter de comprendre.
Le
manuscrit, publié à titre posthume ne sera découvert qu’après la guerre par des
membres de sa famille. Son message n’est pas sans parenté avec le thème du
magnifique film d’Ingmar Bergman, « l’œuf du serpent ». Une leçon de
sociologie politique de portée universelle sur la grande fragilité des sociétés
qui se croient à l’abri de la régression barbare parce que protégées par leurs
valeurs et leurs institutions.
Exceptionnellement
rédigé par Daniel à la demande d’Evelyne
La chanson des mal-aimants, Sylvie Germain - Préconisation de Geneviève Schnep
Pourquoi
ce livre?
D'abord
parce que c'est un livre qui m'a paru plus facile à préconiser que " Le
Livre des Nuits ", qui est pour
moi celui qui m'a amenée à lire tous les autres.
Ensuite,
parce que pour connaitre Sylvie Germain il faut lire d'elle "Les
personnages", et j'aurais bien choisi ce livre, mais il n'existe pas
en poche.
Nous
allons donc écouter un des personnages de Sylvie Germain, Laudes-Marie
Neigedaoût, dans La chanson des Mal-Aimants .C'est elle qui parle, et
nous raconte sa vie, de sa naissance qui se situe au début de la dernière
guerre mondiale jusqu'au moment elle va enfin se poser, une soixantaine
d'années plus tard.
Dès le
début, sa façon de dire les choses est décalée, par rapport à ce qu'elle a à
dire:
Elle va
nous raconter les conditions difficiles
de sa venue au monde, et au lieu de s'en affliger, elle fait de cette histoire
une aventure, qu'elle va nous faire partager, n'oubliant pas de préciser
l'odeur des framboises, et la pluie d'étoiles.
Dès cet
instant, nous découvrons et vivons à son rythme.
Nous
allons être entraînés dans une succession de milieux, habités de personnages
étonnants, certains attachants, d'autres abjects. Tous ces personnages et leurs
fonds de tableaux vont donner corps à
cette femme qui en a bien besoin, puisque dès sa naissance elle va être dans le
dénuement le plus total. Et comme par hasard, ce bébé est d'une pâleur
affligeante, ce qui ira avec la façon très effacée avec laquelle elle aura à
vivre.
Et cela
va la suivre, puisqu'elle change à plusieurs reprises de prénom, au point de
nous confier, à un moment difficile, son impression de n'avoir pas d'ombre.
Souvent,
ce qui est écrit se lit aussi bien comme métaphore que comme quelque chose à
prendre à la lettre.
Du
coup, me semble-t-il, ce récit de sa vie apparaît comme une obligation, une nécessité qui s'impose à elle, comme si
l'écriture était un moyen de se construire un corps, à travers la description de tout ce qu'elle met en
acte, comme pour survivre aux péripéties qu'elle aura à affronter...
Ce
qu'elle met en actes, sera aussi posé comme des rituels de passage, pour passer d'un moment de sa vie à un autre.
Et ces passages sont à chaque fois des épreuves de séparation, qu'il faut
qu'elle arrive à subjectiver, en donnant, peu à peu, du sens à son histoire.
Car il n'est pas simple d'être venue au monde sans témoin.
C'est
si difficile de sortir du couvent dans lequel elle a pris racine et a été
protégée de la guerre qu'il faudra au moins que l'enfant de la crèche
disparaisse de bien curieuse façon, pour arriver à laisser derrière elle tout
ce qu'elle a aimé et rentrer dans un autre monde où personne ne l'attend!
Un bébé
de cire disparaît, nouant sans la savoir la naissance à la mort, et elle
devient une petite fille qui doit chercher un autre toit. Elle a donc fait,
sans le savoir, ce qu'il faut pour quitter ce premier abri sans trop de
dommages et pour que cette séparation lui permette d'emporter un bagage, une histoire, qui s'est construite
là, imprégnée de toute la culture religieuse dans laquelle elle a grandi .Cette
histoire d'enfant Jésus volé, elle la réinterprètera plusieurs fois, pour
supporter les évènements qu'elle aura à traverser.
Ce
n'est pas rien non plus de sortir d'un abri exclusivement féminin et d'en être
la seule enfant, et découvrir le monde avec d'autres enfants. Et quels enfants,
puisqu'il s'agit d'enfants juifs, cachés pendant la guerre chez la chère
Léontine .Ils vont, à travers leur propre histoire, faire se poser à
Laudes-Marie, des questions qu'elle ne s'était pas posé, concernant le lien
parents enfants, tout en découvrant le monde et la guerre dont elle avait été
protégée. Cet épisode va se terminer avec la mort de celle qui a servi de mère.
Alors, notre fillette va inventer, ou plus, laisser s'inventer en elle toute
une suite de gestes et de pensées, pour arriver à "avaler" ces
découvertes douloureuses qu'elle n'avait pas envisagées et la laissent sans
mots :"Je me suis empiffrée de myrtilles, j'avais la bouche et les doigts
violets. Cela ne suffisait pas, j'étais affamée de couleurs"p40.
A-t-elle
besoin de s'envelopper d'une première couche de couleurs externe et interne,
pour affronter ce qu'il lui arrive? En tous cas cela lui permet de décoller, là
aussi au sens propre et métaphorique du mot, pour pouvoir penser et dire la
mort de Léontine. Je dis " décoller", car après avoir avalé des
couleurs, elle va devoir passer par les mots, encore difficiles d'accès .C'est
une construction imaginaire, qui lui fait dire "j'ai chevauché par dessus
la terre et j'ai crié à perdre haleine des mots en vrac, sans queue ni tête,
des grossièretés surtout".
Puis
vient le couple des Marrou, chez qui elle atterri. Couple qu'elle présente
comme "des plantigrades" à peine humanisés. Ce coup-ci, c'est la
réalité d'un couple ancrée dans sa culture montagnarde, dans un milieu rustre.
Elle
aura bien du mal, pauvrette a saisir ce qui lui est donné à voir, avec pour
dictionnaire ce qu'elle a appris au couvent!
Du
coup, le peu de paix qui lui restait s'effondre.
Et si
le réel de la vie est aussi féroce, elle ne peut que s'emparer du geste
terrible de celle qu'elle appelle dès le début "la grande ourse",
pour donner sens à ce qui se met, là aussi comme par hasard, à naître dans son
corps, juste après un évènement d'une rare violence.
Pour la
suite, je vous laisse lire ce livre.
A vous
de le lire avec ces clés, qui sont les miennes, mais je ne demande pas mieux
que vous m'en donniez d'autres.
Ceci
dit, j'ai envie de relever des éléments qui courent et m'ont parus
particulièrement justes et bien écrits tout au long de ce texte :
- Le
corps, il est présent dans toutes ses dimensions :
J'ai
déjà parlé de la peau.
Il faut
aussi noter le cri, magistralement introduit et utilisé dans ce qui fait sa
fonction, jusqu'à tomber dans l'aphonie, pour arriver à la fonction de la voix,
et pas n'importe laquelle, puisqu'elle va illustrer une époque et être un moyen
d'identification pour Laudes-Marie. Ce sont des cris qu'elle va pousser, mais
aussi ceux des autres:
Dès le
deuxième chapitre, c'est le cri de douleur, venu d'une enfant juive, dont elle
nous parle ainsi:"Esther ce jour-là a précipité un grand pan de nuit dans
ma vie balbutiante"(p30).
- Les
lieux. J'en ai présenté quelques uns, ils sont fondamentaux pour la
construction de notre personnage.
-
L'imaginaire. Il se conjugue en actes et en rêves, ou en hallucinations.
Et c'est
là que, pour moi, le style de notre auteur excelle:car c'est avec la force de
son imaginaire qui explose comme un feu d'artifice, qu'elle nous entraîne dans
un rythme qui caracole et nous fait parfois basculer dans l'impensé, comme le
font les mythes et les légendes. Elle montre tout son talent pour jouer avec la
folie, qui n'en n'est pas puisque jamais
elle ne s'y perd.
La
richesse de la culture qui est la sienne lui permet de ne jamais perdre le fil
d'Ariane qui l'aide à traverser tous les labyrinthes de la vie.
Ne vous
laissez pas affoler par la "folie" de certains passages de ce livre.
Ils ne sont pas fous .C'est en se laissant aller jusque là, que la réalité de
la vie, quand elle est inimaginable, permet de ne pas perdre pied. S'ils vous
dérangent, laissez-en quelques uns de coté, et revenez-y plus tard !
J'aimerais
vous faire partager la joie et une sorte de sentiment de renaissance que
provoque chez moi la lecture de ces passages.
L'écriture
de S. Germain est une solution pour
vivre qui réussit, quand la vie ne vous fait aucun cadeau.
Ainsi
Laudes-Marie nous dit : (194) "je ne suis pas morte, une vision s'est
interposée entre la mort et moi".
Après
bien des évènements, pour se trouver abri et nourriture, notre héroïne va enfin
être "à son compte", d'une drôle de façon , que je vous laisse
découvrir pour enfin retourner, paisible revivre à la montagne.
Ce
livre fait rêver, ce livre apprend à vivre, et surtout ce livre fait l'éloge de
l'écriture et de la lecture.
Bonne
lecture!
La métamorphose, Franz Kafka
Texte
connu. Peut-être plus connu que lu. (c’était mon cas !)
Mais
peu importe. C’est un texte court.
Par
contre je vais essayer de vous le rendre intéressant.
Dès
la première phrase, Kafka nous met au parfum, si je peux m’exprimer si
familièrement concernant un texte majeur.
A
savoir que le personnage de son histoire, quand il se réveille ce matin-là, se
retrouve transformé en… et là, selon les traductions, nous aurons droit à
différentes possibilités légèrement différentes les unes des autres . Ce
qui, à mon sens, ne nous fait pas tout à fait le même effet selon les
représentations culturelles ou les expériences de terrain que nous avons.
A
vous de voir.
Mais
déjà à ce stade, il est important de savoir que F. Kafka avait interdit toutes
illustrations possibles de ladite bête. (ce que n’ont pas respecté et ne
respectent toujours pas les éditeurs !!) C’est bien qu’il ne voulait pas
que se surajoute l’image au texte dans notre imagination et que peut-être il a
employé à dessein un vocable pas si précis que ça pour dire la métamorphose. Et
pourtant cela avait à voir avec une scène de sa vie qui s’était déroulée entre
son père et lui et les mots prononcés alors par le père.
Vous
voyez, dès le début, on peut déjà se poser mille et une questions et c’est ce
que j’ai envie que vous fassiez chacune à votre façon et aux endroits qui
seront pour vous une intrigue ou une horreur ou une incompréhension ou je ne
sais pas quoi.
Moi
par exemple je trouve qu’il y a une véritable énigme, imprécision,
invraisemblance dans la figuration que nous pouvons nous faire de cette bête
dans l’espace. Sa taille n’est jamais précisée et selon les scènes ça ne colle
pas.
Vous
me direz, mais on s’en fiche de ça, l’important n’est pas là.
Mais
F. Kafka est, par ailleurs, si précis dans son récit, au grain de poussière
près, que moi ça me pose question.
Sachez
aussi (excusez-moi, je fais un peu mon institutrice…) que Kafka a lu ce texte
d’abord devant un comité de proches et d’amis et qu’à certains passages, les
gens ont bien ri ! A vous de voir.
Par
ailleurs je me demande aussi, et en cela vous pouvez sans doute m’aider, s’il
existe un autre exemple en littérature d’une métamorphose aussi peu rédemptrice
pour le personnage qui l’endosse !
Pour
une fois je n’ai pris aucun recul avec cette histoire et j’ai mis tout le monde
dans le même panier : l’auteur, le narrateur et le métamorphosé ; ils
n’ont été qu’une seule et même personne pour moi. Peut-être ai-je eu
tort ? Mais je n’ai pas pu faire autrement. Et vous ?
Aussi ai-je trouvé à la fois très intéressant
ce point de vue sur une histoire de soi-même phantasmée, un peu comme une
manière de régler des comptes ou de dire des choses importantes qu’on ne peut
pas dire autrement que par cette fiction ; et par ailleurs le surgissement
du goût du malheur très prononcé, très noir, très saint-sulpicien.
Evidement,
j’ai eu scrupule à vous préconiser ce texte, pour toutes ces raisons.
Mais
par ailleurs, on peut le lire comme on regarderait dans un cabinet de
curiosités un écorché bien écorché ou autre délicieuseté issue de la plus pure
mélancholia.
A
vous. J’ai hâte d’avoir vos impressions, forcément différentes des miennes.
PS
. Peu importe l’édition ; il y en a de multiples en poche. Commentées ou
non. Et donc de multiples traductions.
La cloche de détresse, Sylvia Plath - préconisé par Odile
C’est l’histoire d’une jeune fille – dix-neuf
ans – qui se trouve propulsée en compagnie d’une dizaine d’autres jeunes filles
à New-York : elle a gagné un concours de poésie et cela consiste, dans une
espèce d’ambiance de « pensionnat futile » à aller de mondanité
en mondanité dans un univers de pacotille et à essayer de perdre sa virginité…
Mais c’est aussi la relation à l’angoisse, à la peur de la vie puisque, après
le séjour à New York, le retour d’Esther, l’héroïne, dans son milieu familial
va basculer dans la dépression et le refus de la vie.
Histoire
d’adolescence, histoire de fille-femme, histoire d’écriture… Ce roman – le seul
– de Sylvia Plath m’a beaucoup touchée : difficultés à vivre, grandir,
dans les relations avec les autres et, en même temps, regard lucide sur le monde,
avec humour et auto-dérision. Il faut ajouter la découverte et
l’incompréhension devant certains événements du monde : l’électrocution
des Rosenberg, par exemple !
Sylvia Plath a écrit
cet unique roman et s’est suicidée peu après. Elle a été essentiellement
poétesse, depuis l’âge de huit ans. Comme Virginia Woolf, la lire nous renvoie
au destin de femme et à la place de la création dans la vie de celle-ci.
C’est un beau livre, je ne vois rien de plus
à ajouter.
Ebène - Ryszard Kapuscinski - préconisé par Claire
J’ai
lu ce livre en 2006, peu de temps avant la mort de son auteur le 23 janvier
2007. J’apprenais alors que c’était un journaliste-reporter exceptionnel,
longtemps méconnu, qui venait de mourir à 73 ans.
Journaliste
polonais Ryszard Kapuscinski travaille la plus grande partie de sa vie pour
l’agence de presse de la Pologne populaire. Les dirigeants du Parti lisent ses
dépêches et les ré-écrivent en termes politiquement correctes avant de les
publier. Il le sait. C’est donc par ses livres, écrits à son retour à Varsovie
que le public pourra beaucoup plus tard, connaître ses reportages, approcher sa
compréhension des évènements qu’il aura traversés, et appréhender sa
connaissance des populations qu’il aura côtoyées. Car pendant de nombreuses
années il sillonne l’Afrique (comme plus tard, le continent indien) d’est en
ouest, d’Alger à Lagos, de Zanzibar à l’Érythrée en passant par le Ruanda… On
le trouve aussi bien dans les capitales que sur les pistes des déserts, dans le
calme des oasis que dans l’agitation des quartiers surpeuplés des villes.
Ce
qui m’a passionnée dans cet ouvrage (car c’est le seul que j’ai lu de cet
auteur), c’est la force de caractère de ce reporter, qui pour comprendre les gens, se mêle à eux,
vit au milieu d’eux, adopte leur condition de vie. Il sent, regarde, écoute… il
ressent dans sa chair les rythmes de la vie africaine, la chaleur, la maladie,
la peur, la faim auxquelles les populations rencontrées, sont confrontées en
permanence.
De
famille modeste, vivant avec peu de moyens, abandonné de son employeur, il sait
s’adapter et se fondre malgré la différence de couleur de peau au milieu des
populations.
Le
récit mêle donc évènements importants, rencontres avec des personnages-clés de
l’époque, mais aussi et surtout
anecdotes, scènes de sa vie privée, le tout raconté avec humour, distance et
gravité.
A
une époque où nous sommes abreuvés d’informations diffusées sous forme de
brèves à la télévision, ou à la radio, par des envoyés spéciaux dont on ne connaît
rien de l’exercice du métier de reporter, j’ai aimé le récit de cette tranche
de vie de Kapuscinski, ses réflexions sur son métier, les questions qu’il pose
sur la colonisation, le racisme etc.
J’espère
que comme moi, vous aimerez ce style direct et limpide. J’espère que celles
parmi vous qui à priori ne sont pas passionnées par la géographie ou par
l’histoire politique de l’Afrique, trouveront tout de même de l’intérêt et du
plaisir à connaître cet auteur.
Il
a été traduit tardivement, et ses livres en dehors de celui-ci sont difficiles
à trouver. J’aimerais lire « Mes voyages avec Hérodote ».
Alors
bonne lecture à vous toutes ! et… à bientôt, à Dijon pour en parler
de vive voix peut être ?
Eldorado - Laurent Gaudé - préconisation d'Anny
J’ai découvert GAUDE
grâce aux PISTEURS DE LIVRES avec La
Mort du roi Tsongor puis le Soleil des Scorta ensuite alors pourquoi ne pas
vous proposer en toute bonne fois ELDORADO !
Dans ses trois livres
on retrouve d’emblée semble-t-il des
livres toujours très documentés . Ici c’est une EUROPE en porte à faux avec la Lybie , Damas…..
L’écriture est
toujours fluide, sans entourloupe de style, on se laisse vite emporter
…Pas d’expressions vraiment marquantes
pour accrocher notre intérêt, il n’y a pas de bavardage. Ce n’est pas
nécessaire, les hommes et femmes parlent peu , vous verrez, ils en seraient
parfois même mutiques mais vous comprendrez pourquoi.
L’intérêt du livre se révèle dans son contenu,
dans ce thème existentiel d’être un autre ailleurs.
Assez vite on rentre comme « en
religion ». C’est d’emblée fort , « çà remue les tripes » c’est
si proche des questions que l’on se pose quand on a envie d’oublier le
quotidien, le matériel, les cons, les frimeurs, ceux qui nous lâchent ceux mais
aussi ceux qui sont là à nos côtés comme çà quand çà ne va pas du
tout : les vrais amis ceux que l’on compte sur les doigts de la main.
Cette vie d’immigrés
clandestins époustouflante de dénouement .
J’ai aimé pour
cela, changer de peau pour de vrai …...
Les
immigrés sont ainsi bafoués, rejetés,
meurtris, dépossédés de tout, et surtout
du regard de l’autre. Je ne veux pas tout vous dévoiler .
Il y a
une deux trois histoires qui fusionneront mais toujours avec ce même
déchirement ou cette même soif de ce dépassement de soi à travers l’abandon de
tout : des siens, de son pays de son argent mais pas de son âme, jamais !
D’ailleurs le Commandant PIRACCI à un
moment….. Tous les personnages sont attachants sauf un que l’on devine abject
mais il est du côté des oppresseurs. On suppose qu’il payera sa faute.
C’est un livre sur la solitude mais la
solidarité aussi, celle qui fait que l’on
n’abandonne pas l’autre même encore plus paumé que vous, étant soi-même
si démuni. C’est la richesse du pauvre qui est porté par la foi non raisonnée
de l’après.
Belle
leçon d’humilité, d’humanité. J’ai beaucoup aimé l’idée des passages d’un pays
à l’autre d’une frontière à l’autre qui peut être très proche, comme le bonheur
après qui on court et qui est là. Tout près.
Et puis, Il y a LA MER, la mer qui vous
porte, qui vous enveloppe pour mieux vous engloutir ou vous détruire…..qui vous
change un homme.
Définitivement.
Bonne lecture à toutes.
L'empreinte de l'ange - Nancy
Huston - préconisé par Catherine
J’ai un peu hésité avant de proposer ce livre
au programme de lectures, j’ai hésité parce que j’avais l’impression de prendre
un risque : soumettre à votre avis éclairé un livre dont je suis une
inconditionnelle. Je suis admirative des écrits de Nancy Huston, une admiration
sans réserve aucune. Mais finalement le jeu en vaut la chandelle et le risque
me tente. Il m’a offert déjà le plaisir de relire ce livre (je relis très
rarement les livres), je connaissais l’histoire et sa fin et j’ai pu me centrer
sur autre chose, sur l’écriture limpide et efficace de l’auteure, sur les
personnages campés avec brio et finesse.
Sur fond de guerre d'Algérie, quelques années
après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Saffie, une jeune allemande,
rencontre à Paris Raphaël Lepage, un flûtiste professionnel. Elle travaille
chez lui. Il tombe amoureux d'elle. Ils se marient et ont un petit garçon. Mais
Saffie reste mystérieuse et lointaine, on se demande ce qui est vraiment arrivé
à cette jeune femme qui a vécu la Seconde Guerre mondiale. Elle rencontre un
luthier Andras, juif et hongrois, et va vivre avec lui un amour adultère qui la
ramène à la vie.
A travers Saffie et Andras Nancy Huston, nous entraîne dans l'aventure
du XXe siècle, le nazisme bien sûr, mais aussi la guerre d'Algérie, la torture,
le massacre du 17 octobre 1961.
Je trouve ce récit d’une force incroyable, et
aucun jugement de valeur n’est porté sur les personnages.
L'empreinte de l'ange a un aspect
historique, très documenté et passionnant. L'Histoire fait partie intégrante de
l’histoire.
L'autre thème central du livre est l’amour
entre deux êtres que tout sépare. Deux amours parallèles y sont décrits celui
de Saffie et Andras, celui de Raphaël pour Saffie.
Dans ce livre, l'amour aveugle, l'amour
maternel, l'amour impossible, transfigure les personnages.
Nancy Huston est une
musicienne et dans ce roman, comme dans beaucoup d’autres de cette auteure la
musique est essentielle. J’y ai trouvé un autre thème récurrent de son œuvre :
le rapport à la langue étrangère (Nancy Huston est anglophone, elle vit en
depuis 30 ans France et écrit en
français), le rapport à l’étrangeté de l’autre qui ne partage pas la même
langue.
« En fait - ils ne se le disent pas mais
tous deux le savent - ils ont enfin touché là à l'essence de leur amour, à son
noyau secret et sacré. En l'autre, c'est l'ennemi qu'ils aiment ». Cette résume à merveille
la relation de Saffie l’allemande et d’Andras le Hongrois vécue à Paris, en
français.
Dès les premières lignes j’ai été bouleversée
par ce roman lu pour la première fois il y a 5 ans. Je n’en suis pas sortie
indemne, c’est pour moi un livre majeur et j’attends vos avis avec impatience.
Catherine, février 2008
SONIETCHKA de Ludmilla Oulistskaïa - Voici la préconisation d'Alberte-Marie Mouriès pour la nouvelle année !
C’est
un petit livre. C’est une vie . Celle de Sonietchka.
Avec
un prénom pareil, un diminutif si enfantin, on pourrait s’attendre à quelque
chose de mièvre, tout au moins de romantique à souhait.
Et
bien, sans doute y a-t-il du romantisme dans cette vie, dans ce personnage,
mais ce romantisme se loge alors dans un cadre qui lui ne l’est pas beaucoup.
Vous
savez, ce paupérisme russe, ces gens qui essaient de se débrouiller comme ils
peuvent pour survivre : solidarité, combines et surtout courage.
Et
puis, parce qu’il faut bien exulter comme dirait Brel, ces explosions de joie,
ces envies de fête, ce rire et ces larmes tout à la fois. Cette poésie du
regard présente aussi entre les lignes. En cela, L. Oulitskaïa est bien dans la
lignée des grands auteurs russes .
Avec
ce petit livre, et bien qu’elle ne nous épargne rien, elle nous fait tout de
même le cadeau d’un personnage atypique, une de ces figures illuminées de
l’intérieur que la vie, malgré ses revers, ne rebute pas et qui marche d’un pas
d’ange.
Vous
le comprenez, je suis extrêmement touchée par ce genre de personnages, ils me
paraissent être l’exemple même de la béatitude.
Lire
Sonietchka est un pur plaisir. C’est comme un cadeau de Noël !
P.S.
d’autres livres de Ludmilla Ouliskaïa m’ont aussi plu : Médée et ses enfants qui se
passe en Crimée et qui reflête ce même bonheur à vivre avec les autres ; De joyeuses funérailles : la
Russie à New York, complètement loufoque ; Le cas du docteur Koukotski que j’ai aimé sauf dans les
passages oniriques ; et puis des recueils de nouvelles.
Vous
trouverez Sonietchka en
édition de poche (je n’ai pas le N° !)
LE BILAN 2007 DES PISTEURS : On
continue de plus belle !
Nous avons recueilli sept questionnaires, et
les Enfrun nous ont envoyé un petit message d'adieu - merci à eux.
Alors, voici ce qu'Odile et moi nous en avons
retenu en synthèse. Vous trouverez ensuite en pièce jointe la totalité des
réponses classées par Odile par grandes rubriques.
Ce qui ressort :
- Sur le groupe : OK pour ne continuer qu'avec les "actifs", les "anciens" se sont exprimés sur ce sujet, les autres pas.
- Sur les règles : Préconisations : elles restent des avis personnels sous des formes variées. Rythme : OK pour une pause l'été. Programme : proposition de le faire en début d'année avec toutes les préconisations. Ajouter des autres formules (jeux divers). Veiller à respecter a minima les règles d'orthographe en se relisant pour le respect des lecteurs.
- Intérêt des livres : Oui sur la variété, il faudra cependant rappeler que d'autres formes que le roman peuvent être préconisées. Dire qu'on n'a pas aimé a pu paraître difficile, surtout à la première préconisation d'une personne qu'on ne connaît pas et ne souhaite pas fâcher. Important de respecter la personne et de parler
- Intérêt des commentaires : Difficile pour beaucoup d'apprendre à dire pourquoi on a aimé, apprentissage nécessaire. Court ou long, peu importe, mais que chacun fasse un effort de lisibilité.
- Intérêt de la lecture en groupe : Les livres des Pisteurs sont lus avec plus d'attention, amènent une ouverture. Cela permet de mieux se connaître comme lecteur. Des limites au partage : on ne peut pas tout dire (éléments personnels).
- Le blog : Range bien, fait une belle documentation, différences de réponse entre les anciens qui ont connu l'ancien système (simplement les mails) et les nouveaux. Moins direct dans la communication, parfois en panne.
- Suggestions : Se rencontrer
(presque tous) - Faire des forums - Exploiter la Liste des quatre
générations - Faire un prix des Pisteurs.
Premières actions pour redémarrer :
1 - Il faut q'uon prévoit une rencontre, mais il faut s'y
prendre longtemps à l'avance avec des propositions de dates et de lieux. Toutes
les propositions sont bienvenues, on triera après les plus faisables selon des
critères divers (beauté de la région - là je sens que ça ne va pas être triste
c'est peut-être pas un bon critère ! -, conditions d'hébergement,
coût...) !
2 - Mettre à jour la liste des pisteurs (nous avons une
nouvelle, Geneviève) qui sont plutôt des pisteuses pour le moment ! Du coup
nous serons huit pour redémarrer. Il faudra que chacune fasse de la
"pub" si on veut être plus.
3 - Pour ce qui est des préconisations, en janvier nous
allons "récolter" les préconisations de tous et éditer la liste pour
redémarrer en février.
Un mois un peu particulier pour notre club :
D'abord, nous n'aurons malheureusement pas de
préconisation pour novembre, Martine et Jean-Luc Enfrun étant dans
l'impossibilité de nous la proposer. Ils nous avaient donné précédemment le titre
d'un ouvrage de Yasmina Khadra : "l'attentat", donc nous allons faire
comme pour Millet "dévorations" l'année dernière, tout le monde y
étant allé de son commentaire, nous allons lire et commenter
"l'attentat".
Et puis, merci de nous renvoyer le questionnaire
/ bilan qu'Odile vous a adressé, avant le 30 novembre, ceci afin que nous
puissions faire un récapitulatif exhaustif, et proposer une organisation pour
2008. Vous pouvez le renvoyer à Odile ou à moi.
Donc pour novembre, lecture de Yasmina
Khadra "l'attentat",
décembre, au repos,
et janvier on redémarre...avec un nouveau
programme.
Evelyne
Kafka sur le rivage de Haruki Murakami. préconisé par Odile
Vous allez avoir le plaisir de découvrir - je l'espère - "Kafka sur le rivage" et peut-être aussi Haruki Murakami. Je dis bien Haruki et pas Ryu ("Les bébés de la consigne automatique"), ce n'est pas le même genre. Haruki Murakami est un Japonais contemporain dont l'univers est singulier et c'est ce qui m'a plu dans ce livre. C'est par "Kafka sur le rivage" que j'ai découvert cet auteur et ce n'est pas un mauvais début, je crois.
Le titre du livre intrigue, d'abord : que fait Kafka ici, et pourquoi sur le rivage ? Et puis, quand on s'enfonce dans le livre, on pénètre dans un monde étrange, à la fois très réaliste et complètement dans le rêve. Ce n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas de la féérie, ce n'est pas du réalisme... C'est quelque chose d'impalpable entre tous ces pôles.
C'est surtout une histoire de rencontre, d'une rencontre principale entre deux personnages qui ne paraissent, bien sûr, pas destinés à cela. Mais c'est aussi d'autres rencontres, des vies pas comme la nôtre (je ne suis pas sûre, mais je le parierais quand même). Il y a des genres d'épreuves : la quatrième de couverture parle de roman d'initiation ? Peut-être.
J'ai beaucoup aimé les personnages, la rencontre avec Johnny (ou Johnnie, je ne sais plus) Walker : même si l'on ne boit pas de whisky (ou rarement), on connaît l'image du personnage, la présence des chats (quoique... mais vous verrez). Et c'est surtout cette ambiance où des choses très surprenantes peuvent arriver qui m'a plu.
L'écriture est très belle, elle coule et nous entraîne. Un critique a dit : "Ceux qui n'ont jamais lu cet auteur-culte au Japon découvriront une langue limpide, fluide, presque éthérée, une manière diaphane de raconter une histoire en semblant effleurer les choses et les êtres. Jusqu'à ce qu'un incident, un souffle, brouille la surface et nous entraîne vers les profondeurs indéterminées de l'onirisme". (Pierre Sorgue). C'est bien dit, n'est-ce-pas ? Effectivement, l'auteur nous entraîne à sa suite...
Je ne veux pas vous en dire plus, ni vous raconter l'histoire, et j'espère que ce livre vous plaira plus que "Le dossier Rachel"!
Si l'auteur vous plaît, lisez aussi "Chroniques de l'oiseau à ressort", par exemple... et consultez sa bibliographie.
Bonne lecture d'octobre à vous.
Disgrâce - J. M. Coetzee préconisé par Xavier Barbin :
Ce livre m'a beaucoup troublé, c'est un récit dur, direct. Le personnage
principal, universitaire dans une ville sud-africaine, est renvoyé pour harcèlement sexuel. Il se rapproche de sa fille qui vit, isolée, en campagne.
Un drame les rapprochera, même si leur vision de la société post apartheid diffère.
J'ai été saisi par cette histoire, par les rapports entre les blancs et les noirs. Comment vivre avec le passé, avec cette violence, latente, diffuse.
Comment construire et vivre les relations sociales?
En refermant ce livre, je reste intrigué. Y a-t'il un sens a ce récit, et si oui lequel?
Je sors de cette lecture plein de questions et d'interrogations.
Aussi je lirai avec un grand intérêt vos impressions...
X. BARBIN juillet 2007
principal, universitaire dans une ville sud-africaine, est renvoyé pour harcèlement sexuel. Il se rapproche de sa fille qui vit, isolée, en campagne.
Un drame les rapprochera, même si leur vision de la société post apartheid diffère.
J'ai été saisi par cette histoire, par les rapports entre les blancs et les noirs. Comment vivre avec le passé, avec cette violence, latente, diffuse.
Comment construire et vivre les relations sociales?
En refermant ce livre, je reste intrigué. Y a-t'il un sens a ce récit, et si oui lequel?
Je sors de cette lecture plein de questions et d'interrogations.
Aussi je lirai avec un grand intérêt vos impressions...
X. BARBIN juillet 2007
L'élégance du hérisson - Muriel
Barbery
“Je
m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 de la
rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide,
grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins
auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à
l’idée que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne
que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 de la rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.”
Vous avez là les deux principales héroïnes de ce chef-d'oeuvre, l'une, très pauvre et très instruite, l'autre très jeune, très riche et très intelligente.
La pauvreté au service de la richesse.
De Cayenne, je revois ce Paris et son environnement humain méprisant et compétitif, ceParis qui redevient finalement humain grâce au "7, rue de Grenelle" où la pauvreté et l'intelligence ont rencontré la culture d'autrui. Sans rentrer dans les préjugés à tout va et dans les systèmes de caste, je salue ici l'Humanité des plus démunis.
Qui se soucie aujourd'hui de la sagesse du pauvre?
A tous les connaîsseurs d'Ahmadou Hampâté Bâ, je conseille ce deuxième livre de Muriel Barbery.
Issaka
Je sais quand Dieu vient se
promener dans mon jardin. Gary Victor
Gary Victor est un auteur haïtien très impliqué dans la vie de son pays et
comme peu d'auteurs haïtiens il n'est pas en exil. Sa vie aux côtés des pauvres
et des politiques en même temps lui donne une prise avec le réel que je trouve
fascinante.
Faire de la politique en Haïti c'est croire en l'impossible : l'impossible démocratie quand la politique américaine régente tout, l'impossible humanisme quand le peuple est affamé de telle sorte qu'il n'a d'autres choix que de s'entredévorer pour tenir jusqu'à demain au moins, l'impossible espoir quand l'île déjà petite est divisée en deux pays, l'impossible solution quand les gangs de Port au Prince font la loi dans la cité Soleil où on ne survit pas sans parrainage de clans, l'impossible idéal parce que toutes les mains sont tachées de sang: celles des manifestants, des contre-manifestants etc., et enfin l'impossible pureté parce que la conscience haïtienne est très développée depuis son indépendance de premier pays noir (les habitants d'Haïti savent s'autoanalyser contrairement aux occidentaux qui s'admirent trop souvent et même dans leur culpabilité!) Et pour moi, cet auteur a réussi à le faire passer dans son livre à travers un héros fort métaphorique mais en même temps fort réel.
J'ai aimé son masque humain.
J'ai aimé sa relation à sa femme
J'ai aimé sa force à essayer de faire qq chose
J'ai aimé sa peur
J'ai aimé sa naïveté
Ce qui m'a aussi touchée, c'est la force du sexe dans ce livre. Il est partout mais il est surtout très cru. La mendiante pourrie qui ouvre ses jambes à tous, la femme qui trompe son mari, le violence du héros dans sa jalousie à son médecin, etc.
Quant au style, j'ai trouvé que Gary Victor rendait bien la maladie de la schizophrénie par des phrases syncopées, des rythmes très forts et des répétitions entêtantes parfois. Je conçois que ce soit un peu lassant parfois au début, mais le livre avance ensuite vers d'autres épisodes qui relaient le suspens sur d'autres thèmes.
J'ai peur que certains et certaines trouvent ce livre très dur. C'est vrai mais je voudrais vous dire qu'il ressemble vraiment à Haïti ! D'ici nous vivons cela, alors que pour vous en France cela pourra paraître un peu exagéré. Il n'en est rien, gardez-le à l'esprit pendant que vous lirez et vous ne manquerez pas de frôler la même folie que le héros...
Je ne pourrais pas vous parler de la fin du livre sans vous enlever beaucoup de plaisir à le lire donc, à bientôt...
De toute façon je suis heureuse de partager ce roman avec vous !
Bien à vous.
Laetitia Copin
Faire de la politique en Haïti c'est croire en l'impossible : l'impossible démocratie quand la politique américaine régente tout, l'impossible humanisme quand le peuple est affamé de telle sorte qu'il n'a d'autres choix que de s'entredévorer pour tenir jusqu'à demain au moins, l'impossible espoir quand l'île déjà petite est divisée en deux pays, l'impossible solution quand les gangs de Port au Prince font la loi dans la cité Soleil où on ne survit pas sans parrainage de clans, l'impossible idéal parce que toutes les mains sont tachées de sang: celles des manifestants, des contre-manifestants etc., et enfin l'impossible pureté parce que la conscience haïtienne est très développée depuis son indépendance de premier pays noir (les habitants d'Haïti savent s'autoanalyser contrairement aux occidentaux qui s'admirent trop souvent et même dans leur culpabilité!) Et pour moi, cet auteur a réussi à le faire passer dans son livre à travers un héros fort métaphorique mais en même temps fort réel.
J'ai aimé son masque humain.
J'ai aimé sa relation à sa femme
J'ai aimé sa force à essayer de faire qq chose
J'ai aimé sa peur
J'ai aimé sa naïveté
Ce qui m'a aussi touchée, c'est la force du sexe dans ce livre. Il est partout mais il est surtout très cru. La mendiante pourrie qui ouvre ses jambes à tous, la femme qui trompe son mari, le violence du héros dans sa jalousie à son médecin, etc.
Quant au style, j'ai trouvé que Gary Victor rendait bien la maladie de la schizophrénie par des phrases syncopées, des rythmes très forts et des répétitions entêtantes parfois. Je conçois que ce soit un peu lassant parfois au début, mais le livre avance ensuite vers d'autres épisodes qui relaient le suspens sur d'autres thèmes.
J'ai peur que certains et certaines trouvent ce livre très dur. C'est vrai mais je voudrais vous dire qu'il ressemble vraiment à Haïti ! D'ici nous vivons cela, alors que pour vous en France cela pourra paraître un peu exagéré. Il n'en est rien, gardez-le à l'esprit pendant que vous lirez et vous ne manquerez pas de frôler la même folie que le héros...
Je ne pourrais pas vous parler de la fin du livre sans vous enlever beaucoup de plaisir à le lire donc, à bientôt...
De toute façon je suis heureuse de partager ce roman avec vous !
Bien à vous.
Laetitia Copin
Petits suicides entre amis. Arto
Paasilinna
Fiche
de préconisation concernant le roman de l’auteur finlandais Arto Paasilinna
: Petits suicides entre amis
Alberte-Marie Mouriès Février 2007
J’ai presque envie de vous dire : lisez-le et vous verrez !
Mais vous trouveriez cela un peu court, n’est-ce pas ?
Me concernant, déjà la maxime soi-disant populaire qui entame la première partie et que je soupçonne inventée de toute pièce par l’auteur, déjà quand je lis cette petite phrase, je suis « morte » de rire.
Elle donne tout de suite le ton sur lequel l’ouvrage va être traité.
Un mélange d’humour donc de distanciation et de philosophie volontaire, imagée et compassionnelle.
Il ne s’agit pas ici de se moquer de la mort et du désir de suicide qui peut prendre quelqu’un à un moment difficile de sa vie, il ne s’agit pas plus de traiter le sujet sur un mode sérieux et sauveur, pas plus que d’en faire l’historique.
Non, rien de tout cela.
On est entraîné dans une histoire, une vraie, qui s’invente au fur et à mesure, avec des personnages qui pour l’ensemble sonnent juste.
C’est à dire qu’il y a un mélange de vraisemblance et de loufoquerie assez inimaginable et typique de cet auteur.
C’est quand même fortiche de vous parler de suicide pendant tout un ouvrage sans jamais plomber l’atmosphère, sans non plus ne vous faire rire que d’un rire gras et facile, en glissant des instants de poésie humaine (comme le coup des bouteilles d’alcool qui échouent, toujours entamées , sur la berge), en faisant réfléchir aussi (confrontation entre candidats au suicide et junkies over-dosés), en laissant apparaître la notion de libre-arbitre,…
Bref, vous l’avez compris, j’ai aimé ce livre, la relecture me l’a presque fait aimé encore plus.
Alors, certes, ceci n’est pas un argument, mais ….j’attends vos contre arguments avec passion si vous en avez.
J’ai presque envie de vous dire : lisez-le et vous verrez !
Mais vous trouveriez cela un peu court, n’est-ce pas ?
Me concernant, déjà la maxime soi-disant populaire qui entame la première partie et que je soupçonne inventée de toute pièce par l’auteur, déjà quand je lis cette petite phrase, je suis « morte » de rire.
Elle donne tout de suite le ton sur lequel l’ouvrage va être traité.
Un mélange d’humour donc de distanciation et de philosophie volontaire, imagée et compassionnelle.
Il ne s’agit pas ici de se moquer de la mort et du désir de suicide qui peut prendre quelqu’un à un moment difficile de sa vie, il ne s’agit pas plus de traiter le sujet sur un mode sérieux et sauveur, pas plus que d’en faire l’historique.
Non, rien de tout cela.
On est entraîné dans une histoire, une vraie, qui s’invente au fur et à mesure, avec des personnages qui pour l’ensemble sonnent juste.
C’est à dire qu’il y a un mélange de vraisemblance et de loufoquerie assez inimaginable et typique de cet auteur.
C’est quand même fortiche de vous parler de suicide pendant tout un ouvrage sans jamais plomber l’atmosphère, sans non plus ne vous faire rire que d’un rire gras et facile, en glissant des instants de poésie humaine (comme le coup des bouteilles d’alcool qui échouent, toujours entamées , sur la berge), en faisant réfléchir aussi (confrontation entre candidats au suicide et junkies over-dosés), en laissant apparaître la notion de libre-arbitre,…
Bref, vous l’avez compris, j’ai aimé ce livre, la relecture me l’a presque fait aimé encore plus.
Alors, certes, ceci n’est pas un argument, mais ….j’attends vos contre arguments avec passion si vous en avez.
Allah n’est pas obligé. Ahmadou
Kourouma - préconisé par Claire
Ce livre m’a été offert à la fin de l’année 2000, par un de mes enfants. J’ai
tout de suite été très impressionnée par le ton humoristique de l’auteur, mais
surtout par la correspondance que je trouvais dans les premières pages, entre
la vie de ce jeune enfant dans son village de brousse, et celle que je venais
de rencontrer au Burkina-Faso, pendant deux semaines, à mi route entre la
capitale Ouagadougou, et la frontière nord du Ghana. J’avais tout à coup dans
ce premier chapitre, l’opportunité de mieux comprendre ces gens que j’avais
côtoyés et dont je décodais mal les gestes, les croyances, les pratiques quand
j’étais près d’eux. C’est à cause de ce premier chapitre et de cette expérience
que j’ai vécue en le lisant que je propose ce livre à votre lecture
aujourd’hui… Je reconnais que le livre le se limite pas aux 50 premières pages,
il y a énormément plus, mais cela n’empêche que c’est cette expérience précise
là, que je vous transmets. 7 ans après cette première rencontre avec Ahmadou
Kourouma, je me remémore ce que j’ai vécu au Burkina, au milieu de ribambelles
d’enfants comme Birahima, le héros du livre. Les concessions, l’obscurité des
cases, les enfants vagabonds, chapardant pour se nourrir, la polygamie, les
fétiches et les signes de sorcellerie, les palabres interminables à l’ombre
d’arbres géants…
Aujourd’hui même, 5 février 2007, concours de circonstances, s’ouvre à Paris,
une conférence internationale, sous l’égide de l’UNICEF, consacrée aux
enfants-soldats. On considère qu’ils sont au nombre de 250 000 répartis dans
douze pays africains (en particulier le Sierra-Leone, le Libéria, l’Ouganda, le
Congo-Kinshasa et le Soudan). L’objectif de cette conférence : obtenir la
libération de tous les enfants-soldats, accentuer les efforts de réinsertion et
créer un environnement plus protecteur pour les enfants.
L’histoire racontée par Ahmadou Kourouma est justement celle de l’enrôlement des enfants dans les guerres tribales d’Afrique de l’est : Sierra Leone et Libéria. Ahmadou Kourouma né en 1927, est ivoirien. Il est considéré comme un des grands écrivains contemporains du continent africain. Pour ce roman il a obtenu en 2000 : le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens.
Alors tout d’abord quel est le sens de ce titre quelque peu énigmatique ? En fait ce titre est comme un leitmotiv, un refrain, qui ponctue le récit du jeune Birahima « Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ». Fatalisme, mais aussi résignation sont sous-jacents à la tragédie des enfants- soldats « Quand on n’a plus ni père ni mère ni frère ni sœur, et qu’on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s’égorge, que fait-on ? Bien sûr on devint un enfant-soldat, un small-soldier, un child-soldier pour manger et pour égorger aussi à son tour : il n’y a que ça qui reste…. Wallahé, au nom d’Allah ». Par moments, des notes plus optimistes « Chaparder n’est pas dérober, parce qu’Allah dans son excessive bonté n’a jamais voulu laisser vide pendant deux jours une bouche qu’il a créée. »
Le livre est donc une fiction, le journal d’un enfant de 10 ans, qui vit avec sa mère malade en Côte d’Ivoire, jusqu’au jour où il se trouve orphelin et part retrouver sa tante au Libéria avec un vieux marabout Yacouba. Le périple est long et éprouvant, Birahima est très vite enrôlé dans des milices armées qui s’entre-déchirent. Il est confronté aux horreurs, aux massacres. La réalité de sa vie c’est la mort, les viols, la drogue, la tyrannie des adultes sur les petits. Ce livre serait insoutenable s’il n’était pas écrit avec finesse et drôlerie. Il dénonce avec intelligence l’horreur des enfants-soldats.
La crudité de certains passages (vocabulaire grivois relatifs au sexe du père et de la mère), le rapport à la mort peuvent choquer. Moi, cela ne m’a pas gênée, je vois chez l’auteur une volonté de dénoncer le scandale des enfants-soldats, et je trouve que ce livre le fait peut être mieux qu’un film ou un documentaire de télévision.
Le discours très haché, donne du rythme à l’ouvrage. Je pense qu’il facilite la lecture de l’insoutenable par moments. Le langage est vivant, enlevé.. Il allie le français, les dialectes africains, l’anglais. « Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif…. Je possède quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harraps. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots et surtout à les expliquer…. »
Des questions fondamentales contemporaines sont ici abordées. Nous sommes invités à une prise de conscience. Comment peut-on être soldat quand on est un enfant ? quel rôle jouent les prêtres, la religion, ou plutôt les religions, dans l’enrôlement des enfants ? quelle place occupe le superstition chez les populations africaines en guerre ?
L’histoire racontée par Ahmadou Kourouma est justement celle de l’enrôlement des enfants dans les guerres tribales d’Afrique de l’est : Sierra Leone et Libéria. Ahmadou Kourouma né en 1927, est ivoirien. Il est considéré comme un des grands écrivains contemporains du continent africain. Pour ce roman il a obtenu en 2000 : le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens.
Alors tout d’abord quel est le sens de ce titre quelque peu énigmatique ? En fait ce titre est comme un leitmotiv, un refrain, qui ponctue le récit du jeune Birahima « Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ». Fatalisme, mais aussi résignation sont sous-jacents à la tragédie des enfants- soldats « Quand on n’a plus ni père ni mère ni frère ni sœur, et qu’on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s’égorge, que fait-on ? Bien sûr on devint un enfant-soldat, un small-soldier, un child-soldier pour manger et pour égorger aussi à son tour : il n’y a que ça qui reste…. Wallahé, au nom d’Allah ». Par moments, des notes plus optimistes « Chaparder n’est pas dérober, parce qu’Allah dans son excessive bonté n’a jamais voulu laisser vide pendant deux jours une bouche qu’il a créée. »
Le livre est donc une fiction, le journal d’un enfant de 10 ans, qui vit avec sa mère malade en Côte d’Ivoire, jusqu’au jour où il se trouve orphelin et part retrouver sa tante au Libéria avec un vieux marabout Yacouba. Le périple est long et éprouvant, Birahima est très vite enrôlé dans des milices armées qui s’entre-déchirent. Il est confronté aux horreurs, aux massacres. La réalité de sa vie c’est la mort, les viols, la drogue, la tyrannie des adultes sur les petits. Ce livre serait insoutenable s’il n’était pas écrit avec finesse et drôlerie. Il dénonce avec intelligence l’horreur des enfants-soldats.
La crudité de certains passages (vocabulaire grivois relatifs au sexe du père et de la mère), le rapport à la mort peuvent choquer. Moi, cela ne m’a pas gênée, je vois chez l’auteur une volonté de dénoncer le scandale des enfants-soldats, et je trouve que ce livre le fait peut être mieux qu’un film ou un documentaire de télévision.
Le discours très haché, donne du rythme à l’ouvrage. Je pense qu’il facilite la lecture de l’insoutenable par moments. Le langage est vivant, enlevé.. Il allie le français, les dialectes africains, l’anglais. « Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif…. Je possède quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harraps. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots et surtout à les expliquer…. »
Des questions fondamentales contemporaines sont ici abordées. Nous sommes invités à une prise de conscience. Comment peut-on être soldat quand on est un enfant ? quel rôle jouent les prêtres, la religion, ou plutôt les religions, dans l’enrôlement des enfants ? quelle place occupe le superstition chez les populations africaines en guerre ?
Les années douces. Hiromi
Kawakami
Chers
pisteurs et pisteuses,
Je
suis ravie de vous écrire en ce début d'année et je vous présente mes meilleurs voeux pour
2007, une année pleine de nouvelles rencontres littéraires
et amicales.
Je
sais, je suis en retard pour mon avis sur "Les années douces" et
Odile m'a déjà tiré les oreilles. J'attends toujours le "Procès des
étoiles" que j'ai commandé par internet mais la Poste est un peu
surchargée à cause des fêtes de fin d'année. Je m'y mets dès reception du
colis.
Je
préviens tout de suite Claire que je ne lirai pas "Allah n'est pas
obligé" qui est un très grand livre mais que malgré 3 tentatives, je
n'arrive pas à lire, tellement il me rend malade.
Donc
revenons à ma préconisation :
Tout
d'abord je suis une fan de la littérature japonaise et chinoise, classique ou
contemporaine qui représente environ 50% de mes lectures. Je trouve dans ces
livres une réelle proximité dans l'expression des sentiments, la retenue
d'émotions pourtant violentes, une vision de la réalité du monde.
J'ai
trouvé "Les années douces" en faisant des courses à la FNAC lors d'un
de mes voyages à Paris. Je l'ai pris après lu la 4ème de couverture et comme à
mon habitude le premier et le dernier paragraphe. KAWAKAMI Hiromi est une
femme. Elle est née en 1958. Plusieurs de ces oeuvres ont obtenu des prix
littéraires au Japon . Pour "Les années douces" elle a eu le
grand prix Tanizaki en 2001.
Ce
qui me plait dans l'histoire : Tsukiko est une jeune femme de 38 ans, seule. On
a l'impression qu'elle n'a personne autour d'elle, ni famille dont elle
n'évoque que des souvenirs, ni collègues de travail. Après sa journée de travail,
elle va boire un verre dans un café, du saké avec des petits amuses-gueles
(j'adore les détails sur les trucs à manger !! ). Un soir, elle reconnaît son
ancien professeur de lycée. Il a 70 ans, il est seul. Une relation se noue
entre eux. Elle l'appelle "Sensei" "Maïtre" comme au lycée.
Au fil des rencontres, ils deviennent indispensables l'un à l'autre. Leur
intimité se lie dans des échanges quotidiens, délicats et subtils : une
cueillette de champignon, une fête d'anciens élèves, des promenades et des
flacons de saké. Leur histoire n'est racontée que de leurs points de vue,
aucune personne autre ne donne son avis ou ne porte un regard. On croit de bout
en bout à cette histoire d'amour archi simple et si forte, on peut penser qu'on
est capable d'en vivre une semblable.
Ce
qui plait dans le style et la narration : Tsukiko est la narratrice. Elle parle
du Maître et de leur histoire. Cette narration à la première personne apporte
beaucoup de vie au roman et implique le lecteur dans l'intimité de Tsukiko. Le
style est d'une grande concision et c'est ce que j'aime en général dans la
littérature japonaise : une écriture de l'essentiel. Les sentiments sont
délicatement décrits. L'évocation des émotions est appuyée par la présence de
la nature qui n'est pas un cadre dans lequel se déroule l'action mais une
présence, presque un personnage, qui est lié aux protagonistes. Cette relation
à la nature m'intéresse beaucoup car elle exclut tout lyrisme ou romantisme,
elle est extrêmement simple, énergétique et sensuellement poétique. Ce n'est
pas un livre triste. C'est un livre calme, avec une gourmandise de la
vie.
Mes
passages préférés : La promenade dans la forêt avec la cueillette de
champignons. On voit les couleurs de l'autonme, on sent l'odeur des sous-bois humides,
et on goutte cette délicieuse soupe de champignons. On sent la grande énergie
du Maître, l'autorité de son âge.
La
nuit dans l'auberge à composer des haïkus : une belle manière de parler du
désir, de suggérer sa force. Le Maître est sans doute retenu par la différence
d'âge et je crois qu'il n'est plus très sûr de lui, il se pense bien meilleur
en composition d'haïkus car il se doit de rester le Maître.
La
fin : la délicatesse du fils, la serviette vide et l'immense solitude remplie.
Florence
Le procès des Etoiles. Florence
Trystram
Récit
de la prestigieuse expédition de trois savants français en Amérique du Sud et
des mésaventures qui s'ensuivirent. Edition Payot.Vous avez entendu parlé de La Condamine, de Jussieu, de Godin ? de ces savants du XVIIIème siècle ?
Il ne s'agit rien de moins que de mesurer la terre, notre Terre.
Sous Louis XV, sont organisées deux expéditions, l'une au pôle, l'autre à l'équateur, pour enfin arriver à décrire la forme exacte de la terre. Cette question passionnait l'Académie royale au début du XVIIIème siècle, et il y eu deux expéditions financées par le Roi, suite aux démêlées entre Newton et Descartes pour savoir si la terre était renflée aux pôles et aplatie à l'équateur.
Ce livre relate le récit de la longue expédition au Pérou, et c'est une véritable épopée historique, scientifique, humaine, que va vivre une dizaine de savants parmi les plus savants de l'époque des "Lumières".
L’auteur retrace donc une expédition scientifique qui a réellement existé. L'équipe de l’académie royale des sciences de Paris, notamment Bouguer mathématicien et astronome, Godin mathématicien, Jussieu médecin et naturaliste, et la Condamine géographe, est envoyée en 1735 au Pérou pour y mesurer un arc de méridien terrestre. L’expédition durera en fait plusieurs années (plus de trente cinq ans, de 1735 à 1771 !).
Ce livre raconte dans quelles aventures extraordinaires se sont lancés les protagonistes, et constitue un témoignage passionnant de personnes aujourd’hui oubliées mais qui ont réalisé un travail scientifique considérable à l’époque. Il a donc un premier mérite, celui de nous faire découvrir de manière plaisante, un pan de l'histoire des sciences du XVIIIème siècle.
Mais l'auteur aurait pu nous faire un récit froid, "savant". Or ces scientifiques se transforment en hommes, qui s'apprécient, qui se déchirent, et leur consistance au fil des pages est impressionnante. Ils sont jaloux, haineux, fascinés par le pouvoir et les ambitions personnelles... Au-dessus d'eux, des jeux de diplomates, de souverains. C'est suite à sa thèse d'histoire des sciences sur cette expédition, que Florence Trystram est "tombée amoureuse" de ces hommes envoyés mesurer la terre au Pérou. Et cela fait un bouquin absolument plaisant.
Le deuxième mérite de ce livre est de nous rendre un tableau vivant et poignant de cette expédition. C'est tout sauf ennuyeux et rébarbatif
J'ai donc trouvé la lecture de ce livre extrêmement tonique et instructive. Cette écrivain s'est révélée à l'écriture par passion pour son sujet, et cette manière d'écrire m'a bien plu aussi.
J'espère qu'il vous procurera beaucoup de plaisirs.
Evelyne
Pour
le mois de novembre, j'ai suggéré, parce que chaque membre à tour de rôle avait
fait "sa préconisation", et pour rompre un peu la routine (si on peut
parler de routine à moins d'un an d'activité !), de lire un ouvrage
d'actualité. Deux ou trois noms sont sortis des chapeaux, avec à la fin le
choix pour Richard Millet.
Il n'y a donc pas de préconisation, personne ne l'ayant lu !
Mais des commentaires bien sûr...
Evelyne
Il n'y a donc pas de préconisation, personne ne l'ayant lu !
Mais des commentaires bien sûr...
Evelyne
Ecoute-moi. Margaret Mazzantini
Bonjour à toutes,
Ma fiche de présentation sera courte mais j'espère vous donnera l'envie de lire le livre proposé. Il s'agit d'un roman d'une écrivaine italienne Margaret Mazzantini: Ecoute-moi, paru en poche, collection 10/18
J'ai découvert par hasard ce romain prêté par un ami. Je ne connaissais pas cette femme écrivain. A la fin de ma lecture, je me suis fait cette reflexion:" Le désir nait là où on ne l'attend pas".
En effet, cette phrase me semble résumer ces pages qui racontent, dans un long monologue, la confession d'un père, médecin. Il révèle des secrets de sa vie en attendant des nouvelles de sa fille, opérée à la suite d'un accident de scooter. Il replonge dans son passé où sa fille n'existait pas encore. Pendant un été, il rencontre Italia, femme ni belle, ni désirable et vivant dans un lieu un peu lugubre. Tout l'opposé de sa propre femme. Et pourtant, il va être emmené dans une étrange histoire de corps, de coeur, d'envies et de désirs.Au début de la lecture, j'ai été agacée par l'attitude de cet homme face à Italia et irritée par trop de détails médicaux. Mais peu à peu, au cours de sa confession, cet homme se met à nu et il se révèle par petites touches, dévoilant faiblesses, lâcheté mais aussi tendresse et émotions. Et cela m'a intriguée et touchée.
Mais c'est aussi la naissance du désir qui m'a interrogée: pourquoi cet homme est tant attirée par cette femme, Italia, qui apparemment n'a rien pour elle. Et pourtant, il s'agit pour cet homme d'une rencontre importante, peut être car surgit brusquement dans sa vie et qu'il se laisse surprendre.
Bonne lecture à toutes...je suis d'accord pour la proposition d'Evelyne pour le mois de Novembre. Ne connaissant pas le livre proposé, pourquoi pas celui là. A bientôt
Véronique
Le dossier Rachel. Martin Amis
Je vous propose ce livre pour vous distraire, si vous avez le même sens de
l’humour que moi… : il s’agit de l’histoire de Charles Highway, qui le soir de
son vingtième anniversaire, revisite sa courte vie au travers de ses journaux
intimes et nous livre ses pensées d’adolescent-adulte.Phraseur, prétentieux sur certains points, peu sûr de lui sur d’autres, dénigrant sa famille, obsédé par les filles, il nous présente un profil-type d’adolescent. Il croit savoir… comme on croit à l’adolescence, il se fait des programmes qui, pense-t-il, vont se réaliser automatiquement. J’aime bien la manière dont il nous décrit la façon dont il s’y prend pour « maîtriser les choses » et la façon dont sa tourne : ses journaux thématiques, ses rubriques… et le « dossier Rachel ».
L’affaire Rachel le désarçonne, et il se défend comme il peut. Et ça donne des passages succulents.
Je trouve qu’il n’y a pas tellement d’écrits – romans sur l’adolescence et celui-ci a de la fraîcheur, dans le sens de la verdeur : c’est un adolescent d’aujourd’hui qui aborde le monde et l’amour avec la culture et les méthodes d’aujourd’hui.
L’autre point que j’aime bien, c’est qu’il écrit, et qu’il écrit d’une manière organisée, structurée, rangée, même si c’est du désordre à l’intérieur.
Bonne lecture à toutes !
Odile
La Chambre. Françoise
Chandernagor
Je vous propose de lire ce récit de ce qui fut possiblement la réalité de
cet épisode triste, ce bout de vie écrit de l’intérieur, au plus juste des
témoignages du temps.
Il m’est difficile de vous en parler ouvertement, car si vous n’avez jamais lu
La Chambre, ce que je souhaite, le mieux est que vous en fassiez la découverte
comme je l’ai faite, au fil des pages, et que votre compréhension peu à peu
s’éclaire.
C’est le pari de Françoise Chandernagor il me semble. Nous faire entrer, par des indices distillés lentement, dans la reconnaissance de ce que nous lisons. Pourtant, on est tout de suite dans le vif du sujet, dans le sensible, le plus vrai que nature tellement sa manière de s’y prendre nous restitue une peinture plus que plausible ou vraisemblable, quelque chose que l’on lit à cœur battant, à cœur tremblant, à cœur horrifié.
Et alors que l’on se surprend à avoir pu être soi-même bourreau d’indifférence, à avoir « biffer la page » de l’Histoire avec tant de légèreté, à la fin de la lecture, on se retrouve comme la lavandière Rose à dire « je ne comprends pas… » parce qu’on refuse que cela se soit passé ainsi.
Chez F. Chandernagor pourtant dès le début, une envie de comprendre, d’expliciter, de trouver les raisons, d’aller au delà de l’évidence.
Et sous les aspects du récit qui nous emporte vers l’intime, une grande rigueur, toujours le soucis de coller au plus juste de ce qui fut.
Ensuite ou dans le temps de ma lecture, j’étais allée sur Internet chercher des documents iconographiques pour appuyer certains épisodes. Et j’avais trouvé en particulier un portrait surprenant et troublant fait à la plume par un certain Moriès, élève de David.
Voilà.
Vous ai-je convaincu d’aborder ce livre avec tout le mystère que j’ai mis à en parler ? Je l’espère.
Françoise Chandernagor m’avait déjà époustouflée par l’écriture de l’Allée du Roi, vie de Françoise d’Eaubonne, devenue Madame Scarron puis Madame de Maintenon. Œuvre remarquable également et utilisant le même procédé : raconter les choses de l’intérieur.
P.S. Les notes de fin d’ouvrage sont également éclairantes et sont une caution du récit en quelque sorte, si besoin était.
Alberte-Marie
C’est le pari de Françoise Chandernagor il me semble. Nous faire entrer, par des indices distillés lentement, dans la reconnaissance de ce que nous lisons. Pourtant, on est tout de suite dans le vif du sujet, dans le sensible, le plus vrai que nature tellement sa manière de s’y prendre nous restitue une peinture plus que plausible ou vraisemblable, quelque chose que l’on lit à cœur battant, à cœur tremblant, à cœur horrifié.
Et alors que l’on se surprend à avoir pu être soi-même bourreau d’indifférence, à avoir « biffer la page » de l’Histoire avec tant de légèreté, à la fin de la lecture, on se retrouve comme la lavandière Rose à dire « je ne comprends pas… » parce qu’on refuse que cela se soit passé ainsi.
Chez F. Chandernagor pourtant dès le début, une envie de comprendre, d’expliciter, de trouver les raisons, d’aller au delà de l’évidence.
Et sous les aspects du récit qui nous emporte vers l’intime, une grande rigueur, toujours le soucis de coller au plus juste de ce qui fut.
Ensuite ou dans le temps de ma lecture, j’étais allée sur Internet chercher des documents iconographiques pour appuyer certains épisodes. Et j’avais trouvé en particulier un portrait surprenant et troublant fait à la plume par un certain Moriès, élève de David.
Voilà.
Vous ai-je convaincu d’aborder ce livre avec tout le mystère que j’ai mis à en parler ? Je l’espère.
Françoise Chandernagor m’avait déjà époustouflée par l’écriture de l’Allée du Roi, vie de Françoise d’Eaubonne, devenue Madame Scarron puis Madame de Maintenon. Œuvre remarquable également et utilisant le même procédé : raconter les choses de l’intérieur.
P.S. Les notes de fin d’ouvrage sont également éclairantes et sont une caution du récit en quelque sorte, si besoin était.
Alberte-Marie
L’écriture ou la vie. Jorge Semprun
J’ai trouvé ce livre un peu par hasard chez ma mère, au milieu de quelques autres apportés par une de mes soeurs bibliothécaire. J’ai parcouru les premières pages puis l’ai lu entièrement, très rapidement. Il m’a émue mais plus encore surprise. Jamais je n’avais pensé au regard effrayé, horrifié, que les rescapés des camps de concentration avaient pu sentir peser sur eux à leur retour. « Ils sont en face de moi, l’œil rond, et je me vois soudain dans ce regard d’effroi : leur épouvante ». Ainsi commence le livre.
Jamais il ne m’était venu à l’esprit que les oiseaux avaient disparu des forêts vers lesquelles s’échappaient les fumées des fours crématoires. Jamais je n’avais imaginé le dilemme qui peut exister entre vivre et écrire…. on dit tellement souvent que pour tel ou tel, qui a vécu des moments difficiles, une maladie, la mort d’un être cher… l’écriture est, ou a été salvatrice. J’avais entendu des témoignages, vu des films sur les camps de concentration nazis, mais là je prenais conscience du silence auquel étaient contraints les déportés à leur retour des camps de la mort.
Pour moi la rencontre avec Semprun cet hiver de l’an 2000, est marquante. Après « l’Ecriture ou la vie » je m’empresse de lire « Le grand voyage » dont il raconte dans « l’Ecriture ou la vie », comment un beau jour, en 1962, il a tout bonnement jailli de sa mémoire. Grâce à cette lecture-ci, j’ai fait aussi la connaissance de René Char. Je vous laisse découvrir cette merveilleuse scène ou le jeune Semprun déclame un de ses poèmes sur la place d’appel du camp de Buchenwald, le jour de la libération, sous l’œil effaré des soldats alliés. On a l’impression de le voir, de l’entendre, de le sentir. « Sans l’avoir prémédité ma voix s’élève, se renforce, s’enfle, pendant que je poursuis ma récitation … Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées. Prenaient fin la renonciation à visage de lâche… Je crie désormais à pleins poumons, seul sur la place d’appel, la fin du poème de René Char ».
Pour les « pisteurs », j’ai relu « L’Ecriture ou la vie », pour dépasser cette première impression, toute dans l’émotion et la surprise. Je l’ai lu cette fois, plus lentement, pour pouvoir vous en parler et vous donner envie de le lire.
Espagnol, réfugié en France avec sa famille, militant communiste passionné, résistant, Jorge Semprun est déporté à Buchenwald en 1943. « Il traverse la mort » dans ce camp, pendant ces presque deux ans qui précèdent sa libération par les alliés. Les troupes de Patton arrivent en effet le 11 avril 1945. A son retour, lui qui enfant rêvait d’être écrivain croit qu’il pourra exorciser la mort par l’écriture. Tout au long de ce livre il explique comment la mémoire, les souvenirs le renvoient sans arrêt à la mort et l’empêchent de vivre. L’instinct de survie, la volonté de vivre l’emporteront sur la tentation du suicide puisqu’il il décide d’abandonner le projet d’écrire. Il faudra plus de 17 ans pour que se déclenche à nouveau le retour à l’écriture, pour qu’il sorte de l’oubli qu’il s’était imposé. J’aime justement cette façon de montrer comment inconsciemment, dans ses rêves ou à des moments auxquels il ne s’attend pas, remontent à la surface les souvenirs du passé : la mort d’un vieil ami dans ses bras, à qui en guise de prière il récite des vers de Baudelaire ; « la neige tombe sur son sommeil », et les souvenirs de son arrivée au camp l’envahissent ; il entend une musique de Louis Armstrong et le voila qui se remémore les moments de fraternité, le dimanche dans les latrines du block 56 ; et la fumée bien sûr qui hante indéfiniment ses nuits. « Il y aurait toujours cette mémoire, cette solitude : cette neige dans tous les soleils, cette fumée dans tous les printemps ».
Je trouve l’écriture simple, légère par moments, comme cette image des amis partis en fumée, qui ont « le ciel pour linceul »… On sent le choix de ne pas s’appesantir sur la souffrance. Le livre n’est pas lugubre, pas triste. Pas de voyeurisme non plus. J’aime la façon dont cet intellectuel, cet érudit, invite le lecteur à se poser des questions sur l’art d’écrire, sur le fonctionnement de la mémoire, sur les angoisses de l’écrivain, mais aussi des questions existentielles et philosophiques, sur la mort, la souffrance, le Mal, la liberté… Je ne suis pas coutumière de la lecture de Heidegger, Aragon, Brecht, encore moins de Kafka … Certains passages où les évocations de tous ces écrivains, qu’il connaissait me sont apparus un peu longs. Il faut dire que lorsqu’il est déporté, Semprun a 20 ans ; qu’il est passionné de littérature, de poésie, de philosophie. Il connaît toutes les personnalités politiques parisiennes de l’époque… On a comme l’impression qu’il a du mal à terminer son livre, il l’avoue d’ailleurs. Sa présence, ses confidences, forcent la lecture. Je n’ai pas eu envie d’abandonner.
Oui, je dirai volontiers qu’il s’agit d’une sorte de confidence, de conversation à bâtons rompus, entre l’auteur et son lecteur, truffée d’anecdotes, de digressions, de citations de poètes tant en espagnol, qu’en français ou en allemand, où le thème de l’écriture est comme un fil rouge.
Semprun a mis finalement 50 ans à écrire cet ouvrage. On pourrait dire que c’est l’ouvrage de toute une vie. J’aime beaucoup finalement cette façon d’écrire ses mémoires. Ce livre est intéressant, surprenant, on dit « questionnant » ? je vous invite à le lire. J’espère que comme moi vous l’apprécierez !
Claire
Le monde d’hier. Souvenirs d’un
Européen. Stefan Zweig
« Le monde d’hier », ce n’est pas un roman, mais les mémoires d’un homme issu
de la bourgeoisie juive autrichienne, cultivé, voyageur, curieux de tout, qui a
parcouru l’Europe, les Etats-Unis, l’URSS des années 20, qui s’est fait des
amis dans le monde littéraire et artistique d’alors, et qui, devant les
catastrophes mondiales dont il est le témoin par deux fois dans ce siècle
(d’abord la guerre de 14, puis la seconde guerre mondiale), écrit en exil, en
apatride, ce qu’il estime important de léguer aux générations futures.
Il se suicidera deux ans plus tard.
C’est un livre bouleversant, c’est un livre grave. Il est réfugié au Brésil, avec sa femme. Il n’a plus rien. Grand collectionneur (il dit qu’il avait acquis la plus grande collection d’autographes de tous les temps), il a tout perdu : il a tout laissé, sa maison, ses collections, ses livres, son identité. L’écrivain, qui a écrit jusqu’alors nombre de nouvelles, de biographies, qui a fait des traductions dans de nombreuses langues européennes, veut faire passer aux générations suivantes des éléments qu’il juge essentiels de l’histoire de cette première moitié du vingtième siècle, en y mêlant son histoire à lui qui est singulière. C’est à mon sens ce qui fait tout l’intérêt de ce texte : on y sent, - on peut presque le toucher, le respirer - un homme distingué, érudit, polyglotte, de « bonnes manières » qui fait face aux cataclysmes dont on a par ailleurs étudié les méfaits – en classe, dans les bouquins…-. Là, son angle de vue est extraordinaire, il est au cœur de la tourmente, il vit cette tourmente de l’intérieur.
Il y a dans ce texte des moments éblouissants, fulgurants : la rencontre avec Rodin, celle avec Verhaeren. La fougue de sa génération brimée à l’école, qui se rue sur la littérature comme une bouée de survie, se retransmet dans son écriture, et on est totalement en communion avec cette écriture : elle nous balade et nous secoue.
C’est un homme qui a un grand respect pour la culture, et les personnes qui représentent pour lui cette culture. Quelle vénération pour Goethe ! il en arrive à s’émouvoir du fait qu’il est peut-être la dernière personne vivante, à avoir « touché » la fille du médecin de Goethe, qui elle-même avait « touché » Goethe. Son émotion est communicative.
On sent que la vie est aussi faite de ces choses là, de ces fils invisibles qui relient les générations entre elles, qu’à certains moments, ces fils on les pressent, on les touche presque, et qu’à d’autres moments, tout est perdu : une autre histoire commence, qui efface la précédente.
J’aime cette alternance entre ces passages très forts où il relate les événements dramatiques de l’histoire européenne, en particulier autrichienne, et ces descriptions à la fois très physiques et très psychologiques des amitiés qu’il s’est forgées. Sa galerie de portraits est visuelle, et en même temps en ressortent la nature profonde des individus, leur personnalité, leur tempérament.
Il me donne envie de lire ou de relire Romain Rolland, Barbusse, Verhaeren (j’ai trouvé un bouquin de lui chez Emmaüs la semaine dernière et je l’ai tout de suite acheté), Rainer Maria Rilke, et tous ces noms qui me sont aujourd’hui inconnus.
En plus, je trouve que son analyse de l’histoire, du rôle de l’intellectuel dans les conflits, est très pertinente. Il fait entrevoir un pan de l’histoire qui permet de réfléchir à l’histoire tout court, et en fin de compte, au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Bref, s’il était encore de ce monde, je le remercierai d’avoir écrit ce texte. Mais le monde l’a désespéré.
J’avais lu ce livre il y a quelques années, un peu par hasard, sans avoir lu ses nouvelles ni ses biographies. Ce livre m’a accompagné durant tout ce temps, parce que j’ai ressenti cette volonté - poignante - de faire passer une sorte d’alerte, un témoignage vital sur ce qui était en train de disparaître.
Pour toutes ces raisons, je vous le propose.
Evelyne
Fiche de préconisation faite le 12 avril 2006
C’est un livre bouleversant, c’est un livre grave. Il est réfugié au Brésil, avec sa femme. Il n’a plus rien. Grand collectionneur (il dit qu’il avait acquis la plus grande collection d’autographes de tous les temps), il a tout perdu : il a tout laissé, sa maison, ses collections, ses livres, son identité. L’écrivain, qui a écrit jusqu’alors nombre de nouvelles, de biographies, qui a fait des traductions dans de nombreuses langues européennes, veut faire passer aux générations suivantes des éléments qu’il juge essentiels de l’histoire de cette première moitié du vingtième siècle, en y mêlant son histoire à lui qui est singulière. C’est à mon sens ce qui fait tout l’intérêt de ce texte : on y sent, - on peut presque le toucher, le respirer - un homme distingué, érudit, polyglotte, de « bonnes manières » qui fait face aux cataclysmes dont on a par ailleurs étudié les méfaits – en classe, dans les bouquins…-. Là, son angle de vue est extraordinaire, il est au cœur de la tourmente, il vit cette tourmente de l’intérieur.
Il y a dans ce texte des moments éblouissants, fulgurants : la rencontre avec Rodin, celle avec Verhaeren. La fougue de sa génération brimée à l’école, qui se rue sur la littérature comme une bouée de survie, se retransmet dans son écriture, et on est totalement en communion avec cette écriture : elle nous balade et nous secoue.
C’est un homme qui a un grand respect pour la culture, et les personnes qui représentent pour lui cette culture. Quelle vénération pour Goethe ! il en arrive à s’émouvoir du fait qu’il est peut-être la dernière personne vivante, à avoir « touché » la fille du médecin de Goethe, qui elle-même avait « touché » Goethe. Son émotion est communicative.
On sent que la vie est aussi faite de ces choses là, de ces fils invisibles qui relient les générations entre elles, qu’à certains moments, ces fils on les pressent, on les touche presque, et qu’à d’autres moments, tout est perdu : une autre histoire commence, qui efface la précédente.
J’aime cette alternance entre ces passages très forts où il relate les événements dramatiques de l’histoire européenne, en particulier autrichienne, et ces descriptions à la fois très physiques et très psychologiques des amitiés qu’il s’est forgées. Sa galerie de portraits est visuelle, et en même temps en ressortent la nature profonde des individus, leur personnalité, leur tempérament.
Il me donne envie de lire ou de relire Romain Rolland, Barbusse, Verhaeren (j’ai trouvé un bouquin de lui chez Emmaüs la semaine dernière et je l’ai tout de suite acheté), Rainer Maria Rilke, et tous ces noms qui me sont aujourd’hui inconnus.
En plus, je trouve que son analyse de l’histoire, du rôle de l’intellectuel dans les conflits, est très pertinente. Il fait entrevoir un pan de l’histoire qui permet de réfléchir à l’histoire tout court, et en fin de compte, au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Bref, s’il était encore de ce monde, je le remercierai d’avoir écrit ce texte. Mais le monde l’a désespéré.
J’avais lu ce livre il y a quelques années, un peu par hasard, sans avoir lu ses nouvelles ni ses biographies. Ce livre m’a accompagné durant tout ce temps, parce que j’ai ressenti cette volonté - poignante - de faire passer une sorte d’alerte, un témoignage vital sur ce qui était en train de disparaître.
Pour toutes ces raisons, je vous le propose.
Evelyne
Fiche de préconisation faite le 12 avril 2006
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