dimanche 20 décembre 2015

Janvier 2016 - Livre et film proposés par Geneviève



Syngué sabour d'ATIQ RAHIMI


Je vous propose de lire ce livre comme la partition d’un opéra: le tempo est scandé par le souffle de l’homme, qui donne le rythme sur lequel vont jouer, les gouttes de la perfusion et les grains du chapelet dans la main de la femme.
Au début tout semble immobile. Homme et femme sont confondus dans cette scansion répétitive. Mais par la modification du comptage, quelque chose se détraque, pour s’emballer dans un rythme fou.
Posée sur ce tempo nait une mélodie. Elle aura plusieurs voix. A celles des hommes, de la voisine, des enfants, répondra celle de la femme.
Vous allez l’entendre dans un étonnant solo. La femme ne fait pas un récit, elle improvise. Les mots la traversent et cela la libère. C’est en ça que le film et le livre se différencient. A mesure que se déploie ce mouvement au cœur de la femme, par son discours, son interlocuteur va lui aussi gagner en humanité. Il deviendra Syngué Sabour. C’est là que l’on peut mesurer le poids que joue l’imaginaire dans une relation amoureuse.
J’ai aimé ce type d’écriture et de mise ne scène, car tout a son rôle : les différents acteurs mais aussi les rideaux, le vent, les objets, le comptage de la perfusion et du chapelet. Sans pour cela ne pas s’arrêter sur ce que dit la femme, qui bouleverse.
Le film ne peut pas reprendre toutes ces dimensions. Nous sommes dans le domaine du scopique avec de véritables images qui éliminent les subtilités de l’écriture. Mais le film est très fidèle, quant au cadre matériel. J’ai apprécié qu’il commence par un plan sur les rideaux aux oiseaux, par exemple.
A lui seul, ce film met en scène cette belle histoire, avec des images que j’ai trouvées de grande qualité. La femme est très belle et le côté tragique du livre s’y retrouve. C’est très rare que j’aime et le film, et le livre. C’est le cas ici.

16 commentaires:

  1. Ce huit-clos constitue une situation habile pour permettre de faire parler une femme sur des thèmes interdits et inavouables : amour, sexe, mensonges,... et crier l'injustice faite aux femmes. J'ai trouvé intéressant que ce soit un homme qui écrive ce texte, cela en est d'autant plus fort.
    J'ai plusieurs interrogations :
    - Est-ce possible de laisser une femme et ses deux enfants en bas âge seule avec un mari mourant - pour une histoire sordide - alors que c'était un combattant ? famille partie, voisinage absent, solitude extrême. Est-ce ordinaire ? Est-ce un artifice d'écrivain ?
    - Du côté des femmes, mère et sœurs victimes de la tyrannie du père, belle-mère (victime elle-même ?) épouvantable qui reprend le schéma patriarcal avec beaucoup de méchanceté, voisine qui devient folle... Seule la tante en réchappe, et encore peut-elle être une prostituée heureuse, ce que laisse supposer le film ?
    et quelques regrets sur l'adaptation :
    - Du côté des hommes, ils sont tous abjects, méprisables, à l'excepté du père de son mari, personnage que l'on ne retrouve pas dans le film, et c'est dommage, parce qu'il atténuait un peu l'impression que les hommes sont tous des monstres.
    - Belle écriture dans le livre,recherche d'esthétisme dans le film, trop à mon avis : grand contraste entre l'actrice, superbe, et le reste. Était-ce nécessaire ? Texte très dur, intérieur pauvre, ville saccagée, et au milieu cette fille superbe...Le choix de l'actrice, n'est pas anodin dans une telle adaptation. Je regrette qu'Atiq Rahimi ait pris une si belle actrice, parce qu'elle attire trop le regard, elle "crève" l'écran. Mais je dois reconnaître que sa manière de mettre sa burqa comme un chapeau, naturellement, dès qu'elle sort, est très insolite,et qu' elle a une souplesse dans la démarche qui est bien agréable à regarder dans cet univers sordide.
    - La fin : j'avais compris que l'homme et la femme mouraient dans le livre, ça me paraît plus ambigu dans le film, elle a un sourire qui pourrait faire penser qu'elle s'en sort, qu'elle a un avenir à elle, débarrassée de ce mari qui lui a servi enfin à se libérer ?

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  2. J’avais vu le film lors de sa sortie sur les écrans il y a trois ans. Je gardais le souvenir du décor, ce fameux rideau aux oiseaux particulièrement esthétique. Souvenir aussi de ce scénario original, où l’histoire se déroule dans une chambre austère de l’Afghanistan en guerre. J’avais eu peu après, l’occasion de lire le livre. Sur le coup j’avais trouvé qu’il ne m’apportait pas grand-chose par rapport au film. J’ai donc relu le livre ces jours-ci, sans revoir le film, et ne le regrette pas. La seconde lecture contribue à une meilleure compréhension des souffrances de cette femme que j’avais un peu oubliées au bénéfice des images esthétiques du film.
    Comme lorsque j’avais lu "Hiroshima mon amour", j’ai l’impression ici que le livre est un scénario de film. Que Atiq Rahimi, prof d’audiovisuel en Université, se préparait à faire un film à partir de cette histoire. Tout est consigné : les déplacements du personnage dans la pièce et dans le reste de la maison, les mouvements de son corps, ses attitudes successives, la couleur des tissus, sa robe, son voile, les rideaux, le tapis, les déplacements de son regard pendant les longs silences, les bruits in et off, les entrées et sorties des personnages secondaires, la voix de la voisine et du muezzin, la guerre… Je trouve que le livre c’est ça, une liste d’éléments extrêmement concrets et précis ET le monologue de la femme qui se souvient, raconte, avoue ses secrets en allant crescendo. L’intérêt que je trouve au livre par rapport au film, c’est que se concentrant strictement sur la femme et son monologue il donne bien à voir la condition de la femme dans ce pays, la mysoginie et l’hypocrisie de la société.
    La condition de la femme ne me semble pas exagérée. Je repense à un autre film, afghan aussi : « Osama » de Siddig Barmak, paru en 2004, où une jeune enfant se déguise en garçon pour pouvoir travailler, aider sa mère, et échapper aux hommes jusqu’au jour où son stratagème est découvert et on la marie à un très vieil homme qui l’enferme pour en faire sa chose. Et dernièrement ce film qui a provoqué des tollés au Maroc « Much Loved » de Nabil Ayouch, montre aussi l’hypocrisie des musulmans, par rapport à la prostitution.
    Une des questions posées par Velyne est la représentation esthétique des horreurs de la guerre. Eternelle question. Je n’y réponds pas, je pense seulement que c’est l’avantage de la fiction par rapport au documentaire. Le propos du réalisateur ici, est de dénoncer le sort fait aux femmes. Un beau film, des beaux acteurs selon moi, favorisent la connaissance et la compréhension par le public.

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    1. Merci pour ton commentaire Claire.
      Cela ne me plaît effectivement pas, ce rajout qui me semble factice, superfétatoire, du "beau" à voir. Rien que la photo de couverture du livre m'agace....je pense que cela n'apporte rien, au contraire. J'avais trouvé "Osama" - film traité comme une fiction -, extraordinairement puissant dans sa dénonciation de la violence, mais je ne me souviens pas d'une telle recherche d'esthétisme.

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    2. J'ai attendu de revoir le film , hier soir pour ramener mon grain de sel.D'abord quand j'ai rencontré Atiq Rahimi il était loin de penser au film;c'est donc d'abord un livre qui l'animait..Aussi je n'ai pas aimé du tout que ce livre devienne finalement un objet illustré par la photo qui est hélas sur la couverture et aussi sur le blog ! Une telle image traitée pour qu'elle devienne pour moi, "hollywoodienne"! Cette image ne peut qu'être critiquée .En revisionnant le film j'ai trouvé que l'on était très loin de cette image,et j'ai été étonnée que l'on ait pu falsifier à tel point les choses en extrayant une image du film.
      D'autre part, ce livre n'est pas un synopsis.
      Je l'ai lu, quant à moi, avant qu'il ait le prix Goncourt,et avec une couverture blanche de chez P.O.L. c'est peut-être pour ça que je n'ai rien eu qui gênait ma lecture..Mais je l'ai lu des tonnes de fois! Merci d'avoir comparé ce livre à "Hiroshima", à la nuance près qu'il n'a pas été une commande pour un film.
      Atiq Rahimi à écrit des choses à propos des images et du rôle d'un film comme un processus pour dire mais surtout se réapproprier cette réalité terrible , qui a fait partie de ce qu'il est .Il faut lire et visionner ce film avec cette idée en tête.Le rencontrer m'a confirmée dans mon intuition.Remarquons que dans ce livre
      il commence par une citation d'Artaud.
      A la page suivante il écrit:"Quelque part en Afghanistan OU AILLEURS".Ce n'est donc pas un livre qui a la prétention de nous faire vivre la réalité d'un moment précis à visée documentaire mais de nous y faire réfléchir à propos de la réalité dont il est parti:la mort d'une amie tuée par son mari.Il m'en a parlé .Je tiens à en témoigner car j'ai eu la chance de le rencontrer seule dans un petit salon du livre où il n'y avait quasiment que moi à cette heure de la matinée,et j'ai été touchée par sa simplicité.
      Je ne suis pas sûre qu'il ait chercher à faire du beau.Ça ne vas pas avec ce qu'il m'a dit à propos de son rapport à l'image.Mais c'est bien sûr ma vision des choses, et un beau souvenir!

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  3. Ah!Voici les dijonnaises!! Anny Le 25/O1/21016 Je viens de revoir le film pour la quatrième fois et je ne m'en lasse pas car j'aime l'esthétisme de ce film justement: ces plans fixes qui ressemblent à des tableaux , la beauté de la femme comme de l'homme qui finalement nous font accepter l'horreur du pays en guerre autour .Le drapé de ses foulards qu'elle noue à une rapidité extraordinaire et le mouvement de son corps quand elle s'échappe de chez elle. Bien sur il y a l'extrême violence aux alentours et de sa condition de femme afghane :de son mariage au moment où elle se confie à lui , à côté de ce corps à moitié vivant . C'est terrible je suis d'accord mais je la voies en même temps si ingénue pour contourner tous ces obstacles , sa stérilité à lui etc...Heureusement qu'il y a sa tante pour la soutenir , petite ouverture dans le film si poignant.J'ai adoré ce huit clos , ces confidences qu'elle lui fait,comme une thérapie et je l'imagine à la fin vivre avec le jeune soldat .A chacune son interprétation n'est ce pas ? .Le livre rend très bien aussi l'immobilité des personnages immobilité physique mais pas psychique pour elle , et il est très bien écrit avec ces phrases courtes. Biz

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  4. Beauté et dureté du roman et du film!Ce sont deux oeuvres qui laissent une empreint forte.
    Il est incroyable pour moi, d'avoir pu retrouver dans le film les images que j'avais créées à la lecture du roman. Les personnages, les décors(enfin si on peut parler de décor) étaient en adéquation avec la parole de l'écrivain.
    Exception faite de la fin que j'ai ressentie comme une grande violence dans le livre, violence beaucoup moins forte dans le film.
    Si on peut parler d'écriture dans les deux oeuvres alors oui, ces deux écritures sont magnifiques. Difficile d'arrêter la lecture, difficile de quitter les images!
    Le récit d'une libération de soi comme réappropriation de son être et de son histoire est convaincante mais ce final de destruction m'inquiète. La parole de la femme est elle possible sans conduire à la mort?
    J'ai apprécié que dans le film on montre un jeune homme broyé par le même fanatisme et dans le livre la présence positive du beau père.
    Je regrette toutefois le manichéïsme qui fait que les hommes apparaissent comme des barbares en Afghanistan. L'islam n'est elle qu'une religion de terreur? Non , bien sûr. L'auteur a sans doute voulu alerter sur la situation si chaotique de son pays mais je ne peux m'empêcher de penser que tout cela ne nous aide pas à demeurer prudent, lucide, critique sur ce qui se passe en Afghanistan ou ici en France.
    Devant mon questionnement, j'ai fait une recherche sur l'auteur, partagé entre deux cultures, deux nationalités. Peut être un début d'explication à mes remarques.
    Comprnez bien, il ne s'agit pas de jouer les naïves en niant les horreurs que subissent les femmes mais aussi les hommes actuellement, mais ne le situer que dans un tel constat risque de renforcer des haines et des exclusions déjà fortes.
    Ce livre et ce film ne risquent-ils pas de nourrir cette fracture si prégnante aujourd hui dans de nombreux endroits?

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  5. Comment ne pas être touché par la voix de cette jeune femme qui ose dire, face à la pierre humaine qu’est devenu son mari, tout ce qu’elle a sur le cœur ?
    Récit à la fois naïf, cru, révélé, timide aussi, récit qui s’interrompt, évidences jusque-là tues, souffrances, espoir qui se lève… Tant de choses passent dans la voix. Une voix physiquement magnifique, tantôt voilée, comme enrouée, tantôt douce ou hésitante, tantôt suspendue mais toujours présente.
    Et puis cette situation catastrophique dans laquelle elle se trouve : s’occuper de ses filles, soigner un mari comateux, trouver de l’argent, de l’aide, échapper aux factions en guerre, répondre à l’imam de façon satisfaisante.
    Il y a de quoi devenir folle.
    Et pourtant, avec constance, terreur, ténacité, avec humeur aussi parfois, elle va parcourir ce chemin de solitude et d’abandon presque total.
    De la poésie passe dans le texte de Attiq Rahimi, enfin quelque chose que je ne sais pas nommer et qui permet au lecteur de ne pas voir que de la violence, de la désespérance et de l’horreur dans la situation de cette jeune femme.
    Pour moi c’est un tour de force.
    Qu’en est-il du film ? Ce sera le même état d’apesanteur. Certaines images m’ont aidée à regarder jusqu’au bout cette situation insupportable.
    Cette façon simple d’endosser sa burqa verte, de la rabattre prestement sur son visage et de partir avec une fille de chaque côté et le tissu qui se gonfle telle une voile dans sa marche rapide ; les rideaux qui jouent sans arrêt dans les courants d’air ; l’atmosphère plus chaleureuse et plus humaine, plutôt tendancieuse pour des petites filles, du bordel de la tante ; et sans doute, la beauté de l’actrice Golshifteh Faharani qui illumine tout le film, sa gestuelle, rendent plus tolérable cette situation infernale.
    J’ai toutefois trouvé le film un peu long.

    Sensible aux remarques que vous faites, les unes et les autres.
    Personnellement ça ne me donne pas envie de me lancer dans un débat politico-socialo-religieux. Quant à l’esthétisme, je l’ai trouvé et dans le texte et dans le film et c’est sans doute cela qui me les a rendus supportables. Enfin, j’ai eu un doute aussi sur la fin. J’ai relu plusieurs fois celle du livre (y compris avec une amie pour être sûre) : je crois que Atiq Rahimi laisse planer une ambiguïté dans les deux cas. Il se peut que la jeune femme ne meurt pas malgré la violence de la scène. Elle rouvre les yeux….
    (Mais je ne donne pas cher de sa peau si les partisans s’aperçoivent qu’elle a planté un poignard dans le cœur de son mari !)

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    1. Oui, je pense aussi maintenant qu'il a volontairement laissé planer une ambiguïté dans les deux cas sur la fin, enfin plutôt sur sa fin à elle... parce que lui, il est bien mort.

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  6. Syngué Sabour, j’avais choisi de ne surtout pas voir le film quand il est sorti. Mais, pour ne pas rester trop en dehors des avis des autres, j’ai lu le livre. Rapidement, une petite soirée. Certainement trop rapidement. Mais cela m’a renforcé dans mon intention de ne pas aller voir le film, pour des raisons personnelles : je hais les histoires où la fatalité s’abat sur les individus avec un tel poids que rien n’est possible, rien, jamais… Et on est bien là-dedans. Et je hais particulièrement cela quand il s’agit d’un destin de femme !
    Je n’avais pas aimé ce livre écrit par un homme sur le destin d’une femme, de manière saccadée, à l’arrache. J’ai trouvé que c’était trop. Et le film est encore plus trop. Vous dites toutes que la femme est belle. Oui ? Peut-être, si on veut. Mais je trouve le film et son esthétisme encore plus difficile à digérer que le livre. Je n’aime pas non plus qu’on utilise l’esthétisme pour faire passer l’horreur. Je crois que je préférerais des images qui ne soient pas des tableaux.
    Pour la fin, je pencherais pour la version où les deux meurent, vu l'optimisme général de l'histoire.

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  7. C'est important pour moi, ta réaction que je n'ai pas saisie quand nous étions ensemble.Dommage j'aurais du être plus à l’écoute.
    Je n'ai pas du tout vu ,pour ma part,une dimension de fatalité...j'ai même trouvé des détails pour que la femme s'en sorte.Mais effectivement on peut voir cette histoire dans toute son horreur et oui, je comprends que "la fille soit belle" puisse vraiment te déplaire.

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    1. Je souhaite répondre rapidement à Alberte Marie.
      Il me semble que le débat politico socialo religieux est intéressant dans nos échanges car car un livre ou un film ou toute autre création ont aussi l'intérêt, selon moi, de nous percuter dans notre "ici" et "maintenant"et évidemment mon "ici et "maintenant "est politico, socio, religieux et encore plus large!!. Et c'est tout l'intérêt que j'ai trouvé à ces deux oeuvres qui nous questionnent et donc nous enrichissent mais peuvent aussi nous irriter!

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    2. Ce portrait de femme pour moi est unique. Attiq Rahimi l’a écrit et mis en image ainsi.
      Il se trouve que je l’ai reçu comme ça, avec le caractère unique de sa situation et quoiqu’on puisse trouver de l’artifice de cette construction littéraire.
      Bien sûr qu’à travers la voix de cette femme on peut entendre la voix d’autres femmes afghanes ou soumises, dans d’autres régions du monde, au monopole tyrannique des hommes.
      Mais justement, il me semble que parce qu’on entend à travers cette voix le chœur de toutes les voix écrasées, interdites, muselées, on n’a pas besoin d’en rajouter.
      Les nouvelles quotidiennes nous en parlent suffisamment.
      De plus, ma position en ces jours calamiteux que nous vivons, et d’essayer de ne pas ajouter du discours au discours, mon opinion mal documentée à ce qui se diffuse déjà abondamment.
      Par ailleurs je n’empêche pas les autres de le faire ni de trouver que l’esthétisme les gêne.
      Moi au contraire, dans un monde où le trash devient un esthétisme en soi, j’apprécie les douleurs magnifiées.




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  8. Anny Pour répondre à odile je voies pas de fatalité dans la fin du film quand la femme sort son couteau est ce prémédité ou simplement une arme dans cette situation de guerre et encore une fois moi je la voies plutôt ré-accueillir le jeune soldat pour se protéger et à qui elle a appris l'amour et s'est réappris l'amour à elle-même . Et quand on se libère ainsi
    soi - même on retrouve une telle liberté psychique que l'on contourne les obstacles autrement.Cette femme est d'une ingéniosité magnifique.
    Et même si l'esthétisme est très fort dans ce film , l'horreur mentale et physique est palpable tout au long du film et l'ouverture reste dans ses confessions justement ... je pourrais en parler des heures de ce film et de ce livre .
    Allez bonne journée à vous

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    1. Ultime réaction!
      Merci Anny d'avoir parlé du soldat,j'attendais que quelqu'un le dise!
      Oui pour moi il suffisait que les rideaux se remettent à montrer qu'il y a du vent pour que je puisse penser que la femme s'en sort.Et je ne l'ai pensé que parce que l'auteur l'écrit.Il a aimé ma façon de l'avoir relevé.
      Les images et l'esthétisme, pour moi ça va ensemble:Un Piéta de Michel ange montre une vierge dans la douleur.Elle est bouleversante.Et ça suffit pour faire quelque chose de cette douleur.
      Une image qui fait sublimer un malheur, est déjà le moyen d'en sortir. Atiq Rahimi la crée.Heureusement pour lui, au moins.Mais pour moi l'esthétisme ne s'est posé qu'en voyant le film.
      Quant à nourrir la fracture actuelle de la société,(Nicole), la religion mise en scène ici n'est pas que celle de l'homme, c’est celle également de la femme,d'où le titre, et chacun s'y retrouve,me semble-t-il...

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  9. J’ai lu avec intérêt vos commentaires et voici le mien.
    Que ce soit à la lecture ou à la vision du film, j’ai trouvé très difficile de supporter à la fois la folie meurtrière de cette guerre, l’oppression des femmes, la violence des hommes…
    Le film que j’avais refusé de voir à sa sortie car je connais ma sensibilité face aux images, a été éprouvant mais je lui reconnais des belles qualités. Tout d’abord, cet huis clos entre la femme et son mari est bien maitrisé au niveau du tempo et des images. Cela ressemble parfois à une pièce de théâtre où les déplacements sont réduits renforçant l’impression d’étouffement. Puis, cette femme est belle et heureusement !!!! Certaines prises de vue la mettent en lumière simultanément fragile et forte. Cela est très esthétique mais m’a permis de respirer un peu tant j’étais oppressée. Enfin, j’ai trouvé plus de force à sa longue confession à l’écran que dans le livre. Est-ce le jeu des prises de vue ? de la mise en scène… Je ne sais pas. Je réalise que de l’avoir vu m’a permis d’avoir une vision plus globale de ce drame que je n’avais pas eu en lisant le livre car je commençais quelques pages, le reprenait, consciente de son impact sur moi… j’ai pu ainsi gérer le flot de mes émotions. Devant l’écran, j’ai pris les images en pleine figure...

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  10. Un livre terrible, terrifiant et morbide d’abord. Jusqu’à cette mouche qui pénètre dans la bouche de l’homme alité, du mari. Engluée dans la salive quad la petite fille l’en extrait. Cette araignée qui ose se glisser dans la barbe. Plus tard, elle se hissera jusqu’au plafond aux poutres noircies. Cette guêpe peut être attirée par cette chair demi morte. Mais pas complètement. Pas encore.
    Des détails presqu’évocateurs d’une légèreté : la robe de l’épouse avec ses épis de blé. La vieille d’à côté qui chantonne, l’ultime rempart contre le désespoir… se nicherait dans la folie ? Des couleurs, beaucoup de couleurs. Et des sons, du vent qui souffle.
    Une écriture du temps ravagé, presqu’en abîme. Des accents durassiens à certains moments.
    Des analogies magnifiques telle cette pierre de patience qui donne son titre au livre, et des contes cruels et infinis, tels nos grands mythes, dont le sens se dérobe … ou pas. La reine sa fille et le roi. Oublier les 3 amours…
    Une tante répudiée, pour avoir osé tuer le beau-père qui la violait nuit et jour… sans autre « refuge » que la maison close. Mais dont je devine la grandeur d’âme, cette affirmation au-delà des hommes et des mollahs et de leur justice, cette tante qui ose dire non : sa nièce n’est pas une démone.
    Ce très jeune soldat, malgré ses mots hachés, le bégaiement signant peut être l’empêchement à dire, à nommer les violences subies. Ce jeune homme qui vient réparer la porte, qui vient offrir le peu de choses belles qu’il parvient à soustraire à la cruauté ambiante, aux combats et aux couvre-feux. Ces présents incroyables, la mangue et la chainette d’or. Ce jeune homme qui vient chercher et trouver une confidente, une femme attentive et peut être la seule à offrir un peu d’humanité et de générosité. Malgré la sexualité tarifée.
    Et l’espoir nait.
    Non pas du Coran et de sa plume de paon entaché du secret tu, plume dérobée au père. Non pas des 99 noms du prophète, encore que le dernier trace un pont fragile vers une croyance moins vengeresse.
    La femme se relève, la folie s’éloigne, la résistance – mentale au moins- s’organise. Elle se moque. Elle ose se moquer, et se met en colère aussi, contre les hommes fous de Dieu et dans le même temps très hypocrites, molahs ou frères du mari, ou père qui couvait sa caille chérie dans son pantalon, ou son homme pitoyablement blessé dans une querelle entre frères d’armes. Le héros qui l’est si peu. L’homme qu’il n’a pas su devenir, assumer d’être. Ce « mari » qui la regardait comme de la viande. Cet homme si étranger à son âme, quoi qu’il en prétendait. Et pourtant elle le soigne.
    Et la question s’impose : Tous ces hommes qui traitent mal les femmes, au nom de Dieu pour masquer leur inaptitude, leur ignominie, leur incapacité morale. Toutes ces femmes qui en deviennent les bras droits. Faut-il les plaindre ou les mépriser ?
    J’ai aimé ce livre, âpre. Le courage de la femme. Sa beauté finalement. J’ai aimé écouté le beau-père dont la gentillesse et l’érudition discrète ont permis à la femme de devenir ce qu’elle est. Et la tante aussi. Et le jeune homme. Lumières vacillantes dans le chaos, dans cette guerre qui se veut sainte.
    Je n’ai pas compris la fin. Ce n’est pas grave. Je suppose qu’elle me dérange dans ma lecture et mes émotions, alors je ne la retiens pas. Ultime liberté de lectrice.
    Pas un mot sur le film, c’est vrai. Pas encore vu. Un second commentaire viendra peut-être plus tard….

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