mardi 22 octobre 2013

NOVEMBRE - Livre préconisé par Marie-Pierre


LES BELLES ENDORMIES de Yasunari KAWABATA


"Les belles endormies" est d'abord publié en 1960 sous forme de feuilleton. C'est l'histoire d'un homme qui va se rendre, conseillé par un ami, dans une maison où il va passer la nuit auprès de jeunes filles endormies profondément, et qui ne se réveilleront pas.
Il y va d'abord par curiosité, pour lui, venir dormir auprès de jeunes filles endormies, c'est accepter l'horreur de la vieillesse, l'impossibilité de se comporter en homme avec une femme, mais cela ne le concerne pas vraiment car il n'est pas comme les autres clients de cette maison, "un client de tout repos".

Au cours des nuits passées dans cette maison il va vibrer de joie et de bonheur de redécouvrir la beauté et la jeunesse de ces filles, il va revivre des souvenirs enfouis.
 
Mais ce livre n'est pas un long fleuve tranquille, est-ce si facile d'accepter la décrépitude de la vieillesse? Non;  Eguchi a aussi des envies de révolte et de destruction, de violence et de mort.
Tout s'accélère et la fin arrive comme un couperet .

Je vous laisse découvrir ce livre magnifique.
Bonne lecture .

15 commentaires:

  1. Je viens de re-finir « Les belles endormies », je l’avais lu il y a vingt-cinq ou trente ans et en avais gardé un léger souvenir de malaise et d’ennui… Je viens de le relire et je suis surprise que ce soit Marie-Pierre qui nous le propose : c‘est un livre sur la vieillesse, la décrépitude, l’approche de la mort… et j’aurais plutôt vu un vieux monsieur s’intéresser au sujet. Sans aucune allusion, Olaf !
    Ceci dit, la surprise passée, reste le sentiment de la lecture : ces Japonais, ce sont quand même de curieuses personnes. Inventer un tel lieu ! Je n’ai aucun doute sur le fait que cela puisse exister au Japon d’hier, d’aujourd’hui aussi…
    J’ai beaucoup aimé le début, le mystère de cette « relation », l’idée de toucher un corps quand on n’en a pas à la maison, pour rien, pour tout, pour le toucher. L’idée que développe ce livre me plaît beaucoup, mais les développements m’ennuient. Je comprends – et je suis touchée – par le fait que ce faux rapport ramène tant de souvenirs… Ne soit finalement que le support de la mémoire.
    A ce propos, permettez-moi de vous signaler Suzanne Minot, « Crépuscule », une Américaine, qui évoque dans ce très beau livre, le souvenir d’un premier amour d’une femme qui se meurt. C’est très beau – je me répète – mais on ne s’ennuie pas. Ca me ramène à notre livre où notre narrateur se remémore d’anciennes histoires de femmes : fille, femme, amante, mère et c’est cela, me semble-t-il, le plus intéressant. Dans cette inaction, renaît le souvenir… Et il se prépare à la mort, ainsi. Mais, par contre, je trouve que les descriptions des jeunes femmes et les discussions avec la tenancière du lieu sont longs, longs… trop longs.
    Mais on dirait que les Japonais ont le temps….

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  2. Si je peux me permettre... j'ai adoré ce petit livre de la
    femme -endormie objet de convoitise pour ce vieux japonais ,un objet d'amour au sens primaire : la mère puis l'adolescente et puis la femme et il y a tellement de sensualité là dedans, il la touche à peine,il s'enivre de son odeur ;;; . C'est la femme fantasmée ,"le Bouddha caché"elle est idéalisée , d'ailleurs à la fin du livre il aimerait qu'elle parle , la rendre vivante la : endormie !!!J'ai bien aimé ce lieu un peu mystérieux pour des clients qui vont eux aussi s'endormir en avalant leur cachet ... Il y a comme un interdit derrière :toucher mais pas coucher ....une culpabilité et donc un surcroit de plaisir .Avec ,de la sensualité pas du porno .. Il a envie de baiser ses lèvres mais des lèvres mortes quelle frustration !!!La virginité de la "fille" renvoie Eguchi à sa vieillesse : quelle tristesse !!!Et le souvenir que ces ados entraine m'ont touché et notamment celui de la scène avec sa fille du"Camélia Effeuillé". Et soit on l'étrangle tellementcela peut devenir finalement insupportable soit on la tue !!!
    biz anny

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  3. Un peu par hasard, j’ai trouvé « Les belles endormies », dans une version brochée et illustrée par des pétales de fleurs et des petites photos de femme endormie à chaque page. Je n’ai pas été insensible à ces accents apportés au texte.
    J’étais très contente de relire Kawabata que j’avais découvert il y a plus de trente ans. Cette lecture aujourd’hui, où j’ai plutôt l’age d’Eguchi, me laissera un souvenir j’en suis certaine. Avec moi, la magie a fonctionné puisque c’est le texte qui a fait surgir des souvenirs, des rêveries… J’ai aimé ce thème de la présence de ces corps endormi(e)s qui fait naître chez cet homme, pas si vieux que ça ( !), des souvenirs, des pensées, et des rêves quand il s’endort à son tour. Mais après la première rencontre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ces femmes réduites à des objets (Odile dit « pas ça à la maison », je viens d’entendre la même expression à la radio dans l’interview d’un homme dans le débat sur la pénalisation des clients de la prostitution). Et la répétition m’a lassée.
    J’ai tout de même trouvé très sensible cette écriture, très poétique. La couleur, les odeurs de la peau, de l’haleine, du sang, l’air, le vent, le souffle, le bruit des vagues, la moiteur… tous les sens sont mis en éveil. J’ai bien aimé cet automne de la vie, évoqué ici grâce à tout un camaïeu de rouge contrastant avec le blanc de la peau des jeunes femmes : les tentures de la chambre, les feuilles des érables, les camélias qui jonchent le sol, les pétales des dahlias et les fruits rouges des aucubas. Et l’hiver est bientôt là avec la neige qui fait ses premières apparitions…

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  4. Les belles endormies Nemureru bijo
    De Yasunari Kawabata
    Novembre 2013




    Pour moi, le décalage a été très tranché entre ma première lecture, il y a plus de trente ans, qui m’avait laissé un souvenir ébloui sur un texte d’une précision, d’une beauté et d’une poésie telles que cette œuvre était pour moi une référence enchantée, et deux autres lectures, dont cette dernière, qui m’ont refroidie.
    Ce que j’avais pris pour une volonté de ne rien sceller, j’y ai trouvé aujourd’hui une suite de détails inutiles, comme par exemple toutes les positions que prend le corps des filles dans leur sommeil.
    Ce qui me paraissait une confession honnête de vieil homme, je le vois maintenant comme une ultime vantardise : « moi, Eguchi, je peux encore quand tous les autres ne peuvent plus ! »
    Ce lieu, que je trouvais romantique à souhait et mystérieux, m’apparaît maintenant sous un jour plus glauque (quoique pourpre).
    Alors que me reste-t-il ?
    Cette poésie qui, comme le souligne Claire, court tout au long du texte, la beauté particulière de chaque corps, la sensualité qui en émane, très fort, l’accompagnement inattendu du bruit des vagues.
    L’intimité un peu hostile de ce thé préparé avec soin. La relation indéfinissable entre Eguchi et l’hôtesse. J’y ai trouvé à tour de rôle des conventions sociales, de l’hypocrisie, des sous-entendus, des menaces voilées, des provocations : un petit arsenal bien intéressant des relations humaines.
    Les réminiscences particulières du vieil Eguchi à propos des femmes qui ont jalonné sa vie. Là, les détails évoqués étaient intéressants pour moi, qu’il s’agisse de la répulsion de l’odeur du lait maternel par la maîtresse en titre, ou des situations plus incongrues ou tristes dont il n’est pas toujours fier.
    Et ce passage insensible d’Eguchi de l’orgueil viril mal placé à une autre vision de lui-même à travers les filles endormies et les souvenirs, ce rembobinage du chemin de la vie pour aboutir à l’évocation de la mère, donc l’acceptation du besoin de chaleur, de présence douce tout simplement, du besoin d’aide probablement, même pour passer sur une pierre glissante sans tomber.
    Quant à l’hôtesse, elle m’est apparue à la fin comme un personnage de conte de fée, bienveillante ou froide et sèche selon la situation, qui manipule la vie et la mort à sa guise.
    Alors, certains agacements ont été effacés au profit d’une lecture peut-être plus nuancée.
    Merci pour cette relecture Marie-Pierre.

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  5. Un livre qui m’a suivie durant ce mois de Novembre, qui a été chargé de soucis qui n’ont pas facilité sa lecture, il faut le noter.
    . Ce livre se lit facilement, heureusement. Mais, le contexte peut-être, m’a gênée pour passer au niveau du ressenti que l’on peut imaginer devant des jeunes femmes décrites avec sensibilité et finesse, jusqu’à la dernière vibrante de lumière dans la dernière page.
    J’ai bien noté le luxe des détails du cadre. La femme qui accueille, par exemple, qui sert un thé dont on peu imaginer la senteur, même s’il est servi de la main gauche.
    J’ai noté également cet espace tout tendu de rouge, au milieu duquel se trouve une très jeune femme endormie. Sorte d’utérus où l’on peut se laisser aller à tous les ressentis.
    Mais ces femmes étaient endormies par artifice et données à des vieux messieurs, qui, après tout, ne disaient pas ce qu’ils en avaient fait.
    Bien sur, on devine comment un telle proposition peut être à la fois une limite à ce qu’un homme pourrait en faire et source d’un bouleversement encore plus fort.
    Bien sur également, la distance qui instaure du temps pour le plaisir, fait naitre tous ces mouvements de ‘l’âme’ et du corps, sous fond d’une poussée érotique inhabituelle. Naissent alors les souvenirs, de la femme à la mère.Et là on ne peut qu'être traversé par la force de ce récit.
    De là, une réflexion sur la vie, la mort, le temps qui passe, qui là, a fonctionné pour moi et m’a rendu ce récit fascinant et fort, avec un petit sourire pour cette pensée japonaise qui ne cesse d’inventer des situations et des lieux surprenants, pour faire passer un message au lecteur.
    Mais j’ai gardé la distance.
    Je n’ai pu qu’être envahie par une nuance de dégout face à ce lieu troublant, à la fois tentant et glauque, qui consiste à « proposer » à des messieurs une femme non seulement endormie, mais vierge !
    Un endormissement, donc, qui les fait mourir, pour certaines, même si la mort est infligée à la « noire », alors que la vie demeure pour celle à la peau claire, avec tout le poids que l’écrivain met à cette situation.
    Et puis ces vieux messieurs ne sont pas si vieux que ça m’a-t-il semblé, étant donné l’âge d’Egushi !
    Alors on voit cet homme être traversé par des pensées contradictoires quant à sa virilité et ce qu’il va se permettre : les filles sont vierges, ce qui montrera qu’il n’a « rien fait » si elles s’en sortent intactes .mais on pourra penser qu'il est impuissant.
    .Alors que vaut-il mieux : faire peser le doute quant à sa virilité, ou courir le risque de montrer qu’il n’a pas ‘respecté’ le sommeil de la fille ?!Sacrée question, qui revient plusieurs fois, et qui semble ne pas risquer le ridicule comme cela risquerait de l’être près de chez nous.
    Alors, le brasero de paulownia, qui permet de préparer un thé succulent est resté sans la force pour moi qui aurait du être charmée, bien que je ne l’ai pas oublié.
    Ce livre reste cependantpour moi un bon livre.
    Il est une nouvelle fois l’occasion de variations sur l’amour et la mort, avec une forme, pour ce que j’en connais, qui sont caractéristiques de la littérature japonaise.
    Merci Marie-Pierre


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  6. Et bien marie -pierre avec ta sacrée question , moi j'ai tout de même le ressenti que Eguishi est trés respectueux du corps de la fille endormie et il la savoure d'autant plus qu'elle est endormie , aprés le respect de la femme endormie c'est unautre débat .Beaucoup ton interprétation du rouge utérus tendu aux murs !!Bisous anny

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  7. Gros malaise au début sur ces jeunes adolescentes assommées plus qu'endormies pour le plaisir malsain de vieux messieurs, jusqu’au drame. Drôle d’idée d’écrire à partir de ce thème, ce qui renforce chez moi le sentiment que les Japonais sont des drôles de gens. Vous avez vu la nouvelle japonaise dans le film « september 11», vous avez vu le film « de l’eau tiède sous un pont rouge », ? ça me donne la même impression d'une intense étrangeté.
    Mais il me faut reconnaître que je trouve un grand talent à Kawabata. J’avais l’impression d’être dans le lit à sentir les odeurs, à voir les pores et à humer la transpiration de ces filles, à les sentir respirer et à me sentir gêner par leurs jambes trop lourdes, ou par la couverture électrique. C’est sacrément talentueux dans l’écriture. Et les détails dans les descriptions m’ont fascinée : deux prises pour la couverture électrique ; l’ombre blanche du cou, le triangle fait par les cheveux sur le front...; on est dans le lit comme avec une loupe parce qu’il est myope, et qu’il ne voit que ce qui est très près ! moi j'ai trouvé ça extraordinaire, ça ne m'a pas ennuyé du tout.
    J’ai trouvé le personnage ambigu, conscient de l’être à chaque fois qu’il revient dans cette maison, et je me suis demandé ce que sa vie devait être par ailleurs. De quelle classe sociale est-il ? sa vie maintenant ? j'ai bien aimé les retours sur son passé, sur les femmes qu'il a connues.
    C’est une vieillesse en train de se faire, 67 ans ce n’est pas si vieux, il a encore du temps, mais plusieurs fois l’auteur emploie le terme de vieillard, ce qui m’a intriguée. Est-ce pour montrer que lui, il est encore capable de faire l’amour, et du coup lui vient toutes sortes de tentations « interdites » dans cette maison, encore que ça, il faut y croire, quand on fait entrer des « vieux messieurs » dans des lits avec des jeunes filles nues endormies, je ne suis pas convaincue qu’il puisse y avoir des interdits !
    La fin tragique m’a fait du bien ! il y a une morale.

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    1. Eh bien, c'était pas de l'ironie. J'ai été' bien contente à la fin , même soulagée, de voir que ce soi-disant endormissement aille jusqu'à la mort de l'une d'entre elles, et que notre vieillard se trouve là à ce moment. Ca le met quand même face à ses responsabilités, non ! d'abord il y a la mort d'un vieux, bon ça devait arriver, et puis une des filles, ça ne peut plus du coup tourner comme avant. Ya trop de risques, et c'est là que je trouve une morale à cette histoire, je n'arrive pas à voir ce livre autrement...on ne peut pas endormir des filles (ou n'importe qui) comme ça, indéfiniment, et cette chute me oonvient bien.

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  8. Je dois avouer que je penche pour la position d'Evelyne,car ce "sommeil" des filles m'a fort dérangée!

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  9. Moi j'ai essayé de faire abstraction de ce sommeil consentant de ces belles endormies pour me retrancher et sans lâcheté de ma part enfin je le crois , pour ne voir que le côté conte et donc où tout est permis et je n'ai trouvé aucune vulgarité chez ces vieux messieurs les regardant dormir .
    Biz

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  10. Au risque d’être un peu brutale dans mon propos, je me décide enfin à vous livrer mes courtes impressions sur ce texte :
    Une fois passée la curiosité de ma méconnaissance de cette pratique d’un vieux en mal de ne plus pouvoir « posséder » une femme, les descriptions à n’en plus finir du corps et les positions dans le lit de ces jeunes filles endormies m’ont lassées et indignées.
    Et oui, j’ai bien une lecture « morale » quelle que soit la culture locale, je n’accepte pas un regard et un geste rapportant une personne à une condition d’objet, cela n’a rien à voir avec un soi-disant féminisme c’est simplement une façon d’être dans les rapports humains. Une histoire bien écrite certes, mais centrée uniquement sur ce type de relation et les malheurs d’un vieux nanti qui supporte mal la vieillesse ne m’a pas intéressée.
    Marie

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  11. J'ai terminé ce livre depuis un moment mais j'ai un peu de mal à écrire un commentaire. J'ai été très dérangée par l'ambiance des lieux, par ces nuits où des jeunes filles sont endormies pour le plaisir des hommes. Moi qui suis pudique, j'ai été servie!!! Je dois dire que je ne comprends pas même en essayant de me dire que c'est une autre culture.Par contre, l'écriture est belle, ciselée et passe de descriptions de l'extérieur (le bruit de la mer, du vent) à l'intérieur (descriptions des postures, des odeurs...). Cela va et vient toujours en une ou deux lignes et on est soit dehors, soit dans la chambre. J'ai trouvé par ailleurs intéressant que des souvenirs surgissent chez Egushi au moment de la contemplation des belles endormies: moments de vie, amour de femmes.Cela donne de la vie au texte qui pourrait être ennuyeux car les descriptions des femmes sont toujours un peu identiques, même s'il s'agit de quelqu'un de différent à chaque fois.
    Mais aucunement déçue par cette découverte...Véronique

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  12. Livre étonnant, dont je ne saurais dire s’il a suscité plaisir ou gène, voire dégout. Devant ces ressentis ambivalents, quel recul prendre ?
    Juste noter d’abord que le style de l’écriture a créé puis entretenu mon intérêt.
    A l’instar d’autres blogueuses, la sensorialité des situations m’a parue saisissante, et aussi la plongée parfois vertigineuse dans les souvenirs (l’odeur de lait, mais aussi la perle de sang sur le bouton du sein, la ballade avec sa fille cadette dans le jardin aux camélias effeuillés…. ).
    Je retiens aussi ce passage : « le corps de sa fille n’était pas fait autrement que celui de toute femme. Il était fait pour subir la loi de l’homme. Alors soudain s’étaient présentées à son esprit les attitudes disgracieuses que pouvaient avoir sa fille en pareille circonstance, et un vif sentiment d’humiliation et de honte l’avait assailli. » (p59). Vertige d’un père qui découvre une femme en sa fille, insupportable pour lui d’en anticiper ses conduites à venir, ou peut être ce que les hommes en feront.
    Là, je découvre un homme attachant, et qui chaque nuit dans cette étrange maison close, va rejouer ce vertige : de quel côté se situer, quand la condition d’homme et de vieillard lui octroie ce pouvoir sans limites sur les très jeunes filles : les toucher à sa stricte convenance, et parfois même les violer (à ma connaissance, vérifier la virginité d’une jeune fille suppose une « exploration approfondie »…) ; quel contrôle avoir sur ses pulsions, quelle limite alors donner à son pouvoir ?
    C’est ce questionnement là, qui renvoie à l’universalité de nos positions éthiques, qui m’intéresse.
    Je prends note de la date de parution de cet écrit, 1961, et forcément j’entends autrement ce qui se dit des femmes et des relations hommes-femmes.
    Alors ma gène, mon dégout ? Bon sang, me voilà témoin de cet homme égo centré, égoïste, qui indique « Il ne regrettait rien. Quoi qu’il eut fait à une femme endormie et inconsciente, cela n’avait aucune importance. Cependant, que pouvait signifier la stupéfaction qui subitement l’avait envahi ? » (p47)
    Je ne vais pas me défendre d’être, non seulement féministe, et pour le moins très sensible aux questions d’oppression. Précisément , cela crée t’il en moi une « inaptitude de lecture » ? Une sorte de carcan de l’esprit et du cœur, un moralisme aux antipodes des graces de l’écriture ? Jusqu’où faut il « oublier » le fond pour s’attacher à la forme ?
    Alors ce livre pourrait n’être qu’un exemple de plus d’une sorte d’esthétisation des abus de pouvoirs, d’une phallocratie qui m’est insupportable, montrant des hommes esclaves de leurs pulsions, incapables de se souvenir sans en passer par la soumission de l’autre féminin, les très jeunes filles, à la soumission à l’autre féminin, cette hôtesse maquerelle. Et bien entendu, c’est la femme plus agée qui perpétue la mise à disposition des jeunes filles.
    Mais j’entends, comme je l’indiquais plus haut, que le presque vieillard balbutie, trébuche, n’ose se réendormir après le décès de la femme noire, et puis accepte le cachet.
    Tout cela en 1961.
    M-Anne

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  13. Un roman devenu pour moi un paradoxe, où se côtoient fascination et dégoût:
    Je l’avais beaucoup aimé il y a 30 ans, j’ai apprécié de le relire mais mon regard a changé (en lisant vos commentaires je vois que c’est le cas pour la majorité d’entre vous)
    J’ai rarement lu quelque chose d’aussi cruel et cru sur la décrépitude de l’âge, c’est un roman qui a été écrit il y a plus de 50 ans, (oui transposé aujourd’hui ce serait des vieillards de plus de 80 ans). L’écriture est sublime, ce n’est jamais grossier malgré la perversion flagrante. Jeu de domination/soumission orchestré par la maquerelle. C’est cruel, ironique et l’écriture est belle, suggestive et laisse la place aux réflexions et aux souvenirs du vieillard avec une forme de douceur et d’élégance. Tout se joue sur des détails. J’ai relu ce livre dans la même édition que Claire, avec des photos superbes de femmes endormies, l’écriture de Kawabata résonne de façon touchante avec ces photos, la fascination opère et puis vient le MALAISE (voire le dégoût pour reprendre le mot de Marie-Anne…je souscris totalement à ton commentaire, Marie-Anne), et l’étonnement : celui de ne pas avoir été offusquée il y a 30 ans car j’étais happée par cette écriture, par la découverte saisissante du Japon, d’un univers et d’auteurs totalement inconnus (qui n’étaient pas au programme du bac de français). 30 ans après la beauté de l’écriture n’a, à mes yeux, pas pris une ride mais mon regard n’est plus du tout le même. Tout au long de ma lecture j’ai pensé sans cesse au GHB cette drogue dite du viol qui annihile la volonté et qui fait régulièrement la une des médias avec des histoires sordides…Posséder une femme (jeune et belle) qui ne résiste pas…un fantasme masculin universel, qui traverse les âges et les lieux ? dit ainsi c’est le dégoût qui domine et puis m’est venu la pitié, pitié pour ces hommes vieux pathétiques dans leur vieillesse et dans leur désir de profiter encore de la chair fraîche, désir si violent de corps jeunes que le « simulacre » vient l’assouvir. Cette question de la virginité des filles m’a aussi taraudée, désolée d’être crue mais je ne comprends pas comment le vieil Eguchi vérifie cette virginité tout en veillant à ne pas l’atteindre ? (En relisant vos commentaires je vois que Marie-Anne a eu le même questionnement et qu’elle y répond). Ni l’homme ni les femmes n’ont le beau rôle dans ce livre, d’un côté la misère du mâle qui a perdu sa puissance, de l’autres la maquerelle et les filles endormies, la première profitant de la déchéance des vieux, les unes et les autres trouvant sans doute un moyen de gagner de l’argent.
    30 ans après la première lecture ce qui me fascine dans ce livre est cette capacité à faire cohabiter l’horreur et l’élégance, mais ce qui a changé dans ma manière d’appréhender ce livre c’est l’envie d’appeler un chat un chat et de qualifier d’horreur absolue cette domination de l’homme (vieux) sur la femme (jeune et vierge !), droguée et réduite à l’état d’objet. Impossible de ne pas lire avec mon regard de femme (et j’ai eu du plaisir à ressentir la proximité avec certaines d’entre vous à travers la lecture de vos commentaires), ce serait vraiment bien de savoir ce qu’Olaf en pense…Catherine

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    1. en fait ce livre est plein d’ambigüité. Car lorsqu'on veut relire un passage, comme nous le suggère Marie-Anne, et qu'on s'attarde un peu sur la suite des phrases, leur contexte dans le récit, on s'aperçoit que tout n'est pas si clair et que ce style qui nous paraissait si limpide donne lieu à une pensée assez complexe en définitive.
      Mais j'ai envie de dire deux choses : je crois vraiment qu'il fallait lire ce livre en dehors de toute option personnelle, de toute idéologie. Lire cette histoire vraiment comme une construction, une fantasmagorie (et après tout, il existe des livres qui narrent l'inverse, de femmes qui prennent les hommes pour les jouets de leurs besoins ). Donc ne pas se focaliser là-dessus.
      Et puis, je suis surprise qu'en lisant, certaines remettent en doute ce qui est écrit (mais ça m'arrive aussi bien sûr). Là, il est dit que ayant vérifié la virginité de la jeune fille, il ne l'a pas forcée. Moi je le prends comme argent comptant. Sinon, il n'aurait plus pu revenir dans cette maison puisque c'est une condition qui ne se peut transgresser. Mais devant votre incrédulité je me suis quand même renseignée. Certes ce n'est pas courant, mais c'est possible toutefois.
      Il me semble que nous n'arrivons plus à lire les livres avec un regard neuf. Nous sommes abreuvés de trop de renseignements et rien de ce qu'on nous raconte n'a de crédibilité. Je trouve cela dommage. En tout cas, quand ça m'arrive, je trouve cela dommage. (cf livre suivant)

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