L'AMOUR, LA MORT ET LES VAGUES - Yasushi Inoue

Un
peu comme si les vagues, celles de la plage, étaient aussi à l’intérieur de
nous. Les vagues, ce mouvement de l’eau qui arrive avec son écume blanche,
gracieuse et légère, s’étale, s’installe et sitôt fait, se retire comme pris
d’un remords subit, comme s’il changeait d’avis.
Voilà,
je trouve qu’Inoué joue remarquablement avec ce concept d’instabilité, tout en
ancrant les évènements dans des lieux immémoriels et stables.
Il
joue avec les contradictions, les ambiguïtés, les paradoxes, les
malentendus intérieurs de ses personnages (et sans doute les nôtres) . Ils
veulent quelque chose, mais ils changent d’avis, ils regrettent, ils ne sont
plus sûrs de vouloir….
Ça
peut paraître très énervant, il y a même comme un peu d’ennui qui se glisse
dans ces pages, une forme de vacuité, de la tristesse, beaucoup de solitude et
cette incapacité que nous avons parfois à attraper le bonheur quand il est là, tout simplement.
C’est
assez terrible, mais en même temps, j’espère que vous serez sensible à la
manière dont Inoué glisse de la légèreté dans tout ça, comme l’écume blanche
des vagues…
Je
ne vous en dis pas plus et suis curieuse de savoir sous quel angle vous lirez
ces pages.
Ces trois récits sont chacun une petite merveille
RépondreSupprimerChacun parle de l’amour, enfin de sa comédie plutôt, avec une cruelle ironie mais porte une petite dose de « tendresse » même si ce mot n’est pas le plus adapté, je n’en trouve pas d’autre, quelque chose qui serait moins que de la tendresse mais de la tendresse quand même, un ersatz de tendresse ?
C’est la première nouvelle qui m’a semblé la plus prévisible. J’espérais que les suicides n’aient pas lieu, je sentais au fil des pages qu’ils seraient évités. Au japon où le suicide reste la solution suprême face au déshonneur (la nouvelle date des années 50 où le suicide est encore bien ancré dans la culture japonaise), preuve de courage et de désir de réparation, le retour vers la vie finalement, l’emporte en faisant un pied de nez à la « tradition ».
J’ai été touchée par l’homme Sugi, qui a décidé de s’accorder trois jours, dans le but de… terminer la lecture d’un livre sur l’histoire mongol écrit au XIVème siècle...! Que faire de mieux avant de mourir ?
La deuxième nouvelle « le jardin de pierres » m’a semblé être la plus terrible, la plus ironique montrant avec brio la fragilité des choix et la trahison comme un couperet implacable qu’on ne peut retenir… c’est ma préférée, c’est aussi à mon avis la plus triste.
Dans "Anniversaire de mariage", on est témoins de la médiocrité et de l’illusion de l’amour. Incroyable cette « non lune de miel » d’une journée et le souvenir plein d’émotions qu’en garde le veuf. En quelques lignes ont touche du doigt la vie de ce couple sans fantaisie et marquée par la pingrerie et par le poids du regard des autres. Là aussi en quelques lignes on comprend le ridicule et la tristesse de toute une vie.
Les différents personnages sont décrits avec une certaine distance, ils ne sont ni sympathiques ni attachants mais j’ai trouvé dans ces trois histoires cette forme de tendresse qui les rend émouvants. J’ai été troublée par leurs sentiments, touchée par la profonde tristesse et le pessimisme de ces histoires mais sans éprouver aucune compassion.
Une écriture précise, simple, limpide, sans complaisance mais pleine de poésie qui sait de façon remarquable montrer les fêlures de la vie. C’est cinglant, noir, sans appel. Le format « nouvelles » colle bien au propos et je suis toujours fascinée par cette capacité en quelques pages à planter un décor (dans chacune il y a un univers bien décrit : la mer remarquable, le jardin superbe, le voyage), des personnages, à nous raconter une histoire et à faire naître toute une vie.
Merci Alberte-Marie
J’adore.
Il me tarde de savoir quelle nouvelle vous avez préférée ?
Univers fermés et renfermés, soit sur soi-même, soit sur le couple ; j’ai trouvé ces trois nouvelles comme ressemblant à des coquilles d’huitre, avec beaucoup de solitude, de cruauté, de désespérance. Même la première, l’avenir des deux protagonistes - du fait qu’ils décident finalement de ne pas se suicider -, ne me paraît pas porteur d’espérance, de joie de vivre. Il n’y a du reste aucune joie de vivre dans ces nouvelles, c’est un regard très dur sur les êtres humains, leurs relations, et leur non relation au monde qui les entoure. Les paysages, les jardins, ils les regardent, les trouvent magnifiques, mais ça ne les rend pas plus heureux ni plus tolérants vis-à-vis des autres.
RépondreSupprimerDrôle de vision de la vie… Inoué me fait l’effet d’être un pessimiste achevé…. Ecrivant avec une trique, et regardant à travers une loupe ses personnages de manière un peu chirurgicale. Je n'ai pas vu comme Alberte et Cahterine une quelconque ou un ersatz de tendresse ! une compréhension certes, mais pas de tendresse
Très intéressant comme écriture.
Merci pour cette découverte.
Evelyne, je lis ton impression et ce qui en ressort c'est effectivement tout le côté pas très joyeux de ces histoires. Toutefois, il me semble qu'à les lire de plus près, et c'est ce que j'ai voulu vous faire comprendre en disant de vous appesantir aussi sur l'écume des vagues, cette jolie dentelle blanche qui les anime, il y a des passages rédempteurs de cette tristesse ou de cette grisaille.
SupprimerPar exemple : "Maintenant qu'ils avaient pris leur décision, il se sentaient tout joyeux. " Il s'agit du couple final. Et la suite p 113 est éloquente aussi.
De même que cet humour décalé dans la première nouvelle : "C'était la première fois qu'il se réjouissait d'avoir trouvé un endroit convenable pour se donner la mort ; soulagé, il se mit à fumer" Et un peu plus loin : "Cet endroit donnait envie de penser plutôt à la vie qu'à la mort" .
Autrement dit, les personnages ne sont comme pas dupes du rôle qu'ils se donnent à jouer et ne sont pas complètement enfermés dedans. Ils ont un troisième œil qui les sauvent de l'indigence complète.
J'espère que les camarades verront cela aussi, qui moi, ne m'a pas frappé tout de suite. Il m'a fallu plusieurs lectures.
Ceci dit, je pense que les écrivains japonais de cette génération-là et ceux qui les ont précédés de peu, n'étaient pas des tendres, pouvaient avoir un regard très réaliste sur leur société mais en même temps étaient encore extrêmement habités par les codes sociaux rigides et formels.
N'empêche que beaucoup d'entre eux, (et c'est cela qui m'a tout de suite fascinée dans la littérature japonaise quand je l'ai découverte) osent aborder des sujets sans fard, et même s'ils le font avec dureté, il s'y glisse toujours des éléments de poésie auxquels je suis très sensible.
Il y a aussi peut-être un lien étroit à comprendre entre les personnages et les paysages - naturels ou façonnés par l'homme - , qui sont très présents dans les trois nouvelles. Des paysages grandioses, minéraux, intemporels, et des êtres qui y sont très sensibles (choix d'un lieu pour mourir, le jardin de pierre, la beauté des paysages dans la troisième nouvelle) mais qui sont en négatif. Ils n'interviennent pas. Passage temporaire des vies humaines, mesquinerie des sentiments face à une nature qui n'est pas forcément accueillante pour l'homme.
SupprimerMais comme tu le relèves, il y a des traits d'humour décalé qui sauvent (un peu !) les personnages de leur enfermement : ça m'a paru aussi drôle, extravagant, et ma foi décalé, cette volonté du personnage masculin de la première nouvelle de vouloir finir de lire ce livre de voyages avant d'en "finir". Ce qu'il fait avec un certain plaisir, en oubliant presque le pourquoi il est là...
Je referme ce livre et j'en reste très dubitative car j'ai comme un goût très amer dans la bouche par ce mélange étrange en effet comme vous l'avez dit , de grande cruauté et de cynisme et de poésie ou de douceur curieusement mélangées auquel je n'ai pas vraiment adhéré désolé .
RépondreSupprimerBiz
Alberte s'impatiente... alors je me décide à donner mon commentaire. Oui, je l'ai lu rapidement, il est court. Mais.... il me glace. Il me parle trop de divers sujets qui me touchent, ça m'a rendue muette jusqu'à maintenant.
RépondreSupprimerBon, c'est dit.
A part cela, c'est un beau livre. Une belle écriture. Pure, sans fioriture. C'est peut être le Japon qui veut ça... cette facilité à aborder des questions graves avec recul, et détachement. En fait, ces questions sont graves pour moi, mais peut être pas pour les autres... en tous cas, comme Any, je trouve ces textes très pessimistes, et n'y rencontre pas beaucoup de douceur !
Les lieux s'inscrivent dans notre mémoire. Ils ont une influence sur nous, pour moi c'est évident. Et pendant longtemps certains d'entre eux vont nous parler. C'est vrai pour le paysage mais aussi pour les odeurs, les parfums, le chant des oiseaux, et bien sûr le bruit des vagues.
Dans le livre j'apprécie dans le premier texte, le rôle qu'elles tiennent dans le décor du théâtre de la vie. J'ai l'impression qu'elles incarnent l'éternité, le temps qui indéfiniment s'écoule contre-balançant la mort, la fin, souhaitée par les deux personnages.
Oui, je comprends je crois cette impression glaçante qu'on peut éprouver à première lecture. Je crois que j'ai aussi senti la première fois quelque chose qui s'en approche et que j'ai préféré appeler déception.
SupprimerMais à force de rendre ces personnages et ces situations quasi familières, cela s'est estompé au profit de la construction savante de l'auteur, de son habileté à faire s'interpénétrer gens et paysages et situations de façon à ce qu'il y ait des réverbérations entre eux. Et de la beauté. Et de la grandeur.
Je ne sais pas comment vous expliquer cela.
Et c'est en effet une façon unique que je trouve dans la littérature japonaise et qui m'a subjuguée de longue date.
La littérature nippone d'aujourd'hui ne possède pas systématiquement cette même veine narrative. Ce mélange très particulier de réalisme et de poésie, de beauté.
Maintenant je voudrais aussi dire un mot sur ma manière de lire. C'est vrai , ô combien, que parfois nous sommes touchés dans les livres par des situations parce qu'elles ont un écho en nous d'une manière ou d'une autre.
J'essaye beaucoup (mais je n'y arrive pas toujours bien sûr) de me garder de cet effet miroir. Non pas pour m'endurcir et ne plus rien ressentir à la fin. Mais parce qu'au contraire je souhaite sauvegarder ce qu'il y a en moi de premier, et ne pas le voir superposer avec le ressenti d'un autre. S'il y a des similitudes, elles n'impliquent que ce qu'il y a d'universel en tout être humain, mais pas la construction qu'il en résulte ensuite et qui nous est propre.
Je veux dire, je profite des liens qui se font naturellement entre le livre et moi, mais je ne m'identifie pas, je ne le souhaite pas.
Peut-être que cela me rend un peu froide en apparence, un peu distante, un peu sèche, mais je trouve que ça rend ma lecture plus honnête, moins engluée.
Reste à savoir, pour moi, ce qui me retient au bord de certains livres ?..... Je cherche.
Merci pour ta contribution Claire.
Au travers de ces trois histoires et leur titre bizarre – l’amour, ou son absence – la mort – celle prévue qui n’arrive pas – les vagues ?, j’ai l’impression que l’auteur développe une conception très désenchantée de la vie. On peut être d’accord avec lui sur le fond, et néanmoins trouver ces histoires un peu triviales. Elles nous ramènent à la petitesse des hommes et des femmes, à leurs calculs assez minables, à l’hypocrisie… Rien de bien réconfortant. Lucide ? Certainement, mais avec une certaine complaisance.
RépondreSupprimerDes trois histoires, celle que j’ai « préférée », c’est la dernière, l’histoire des deux radins, toujours à contretemps ; elle est presque optimiste : aussi miteux soient-ils, ces deux-là, ils sont néanmoins merveilleusement assortis et le talent de l’écrivain consiste à nous les montrer à tour de rôle, ayant envie de consommer, puis revenant à leur nature, l’un convainquant l’autre… J’ai trouvé ça drôle.
Les deux autres histoires m’ont moins intéressée ; aucun suspens, comme le dit Catherine, dans la première : pas de suicide, c’était à prévoir. Dans la deuxième, je n’ai pas vraiment réussi à accrocher avec les personnages.
J’avais lu d’Inoué « Le fusil de chasse » dont j’avais apprécié la construction et « La favorite », plus historique, et je dois remarquer que cet écrivain a une palette très variée. Ces livres ne se ressemblent pas…
Et la dernière réflexion que je ferais, c’est que tout cela est conté d’une manière très matérialiste. Ces Japonais qui paraissent si raffinés nous apparaissent là très triviaux, qu’ils soient près de leurs sous ou complaisants avec eux-mêmes…
Et bien finalement, je me suis retrouvée avec deux heures devant moi et ce petit livre à ma disposition!
RépondreSupprimerJe dois dire que je ne me suis pas du tout ennuyée à lire ces nouvelles qui décrivent pourtant un monde froid, lisse, et bien loin de ce que j'aime dans le quotidien!...En fait je me suis tout de suite mise à suivre le récit comme s'il s'agissait d'une règle du jeu et je suis bien entrée dans ces histoires, avec le registre qui est donné d'emblée..
J'avais la "consigne "d'Alberte de s'attacher aux vagues...drôle de formulation car y a-t-il quelque chose de plus incertain que des vagues?
Et bien, cela à marché pour la première histoire, que j'ai vraiment aimée:
Je me suis attachée à ce personnage de Sugi, qui , aussi lisse soit-il , avait effectivment les vagues qui l'entouraient!
Au début, elles sont d'un indigo profond avec des écailles brillantes:Sugi, malgré ce qui est dit de lui, y est sensible.
Puis la mer est uniformément bleue,après son installation.On nous dira alors qu'il "est abandonné de tous"P15.Cet indice permet de voir de qui il s'agit vraiment, derrière ce personnage qui veut se suicider et ne semble pas vouloir autre chose, avec une totale insensiblilité;mais si lui reste dans le même état s'esprit,il nous est dit:"Il y avait quelque chose de différent dans le bruit des vagues"..Vient alors la jeune femme et la situation prend de l'ampleur:le mer devient sombre, puis deviendra rouge au matin, comme pour souligner la tension qui pourrait envahir Sugi, mais qui ne voit cela que dehors.Pourtant, il ne m'a pas paru indifférent au fait de savoir que la jeune femme est en train d'aller vers le lieu de son suicide, puis en est revenue en se terrant chez lui.Et c'est quand le ciel s'embrase que Sugi choisit d'obturer la fenêtre pour qu'elle ne voit pas la scène qui lui ferait violence!
Enfin, il est question de désir et alors,les vagues sont évoquées!
Oui, j'ai bien aimé cette histoire , plutôt d'ailleurs la façon dont elle est contée, avec ce souci de laisser au paysage, donc à ce qui est à l'extérieur de cet homme, la fonction de parler pour lui:seul, il semble avoir perdu toute représentation possible de lui-même, et ne peut, c'est logique, que vouloir mourir.
On peut entendre par là:" plus rien dans le miroir"(c'est moi qui parle,), ce qui est une situation des plus inconfortables pour un être humain.Heureusement, le miroir du paysage se charge de continuer de vivre pour lui:il n'est pas possible de survivre sans avoir un lieu pour que se déroule notre imaginaire...cette histoire le dit bien, puisque enfin, tout au bout du récit, vient l'image d'un visage:celui d'une autre que lui, et c'est la vie qui renait!
Dans la deuxième, j'ai aimé ce "Jardin de pierre", qui lui aussi fait office de miroir:pour l'homme reviennent les souvenirs et l'ambiguité des sentiments de l'homme à l'égard de sa femme, tandis que cette dernière y lit le fait qu'elle est dans une certaine représentation à l'égard de son mari qui lui fait comprendre qu'elle n'est pas elle-même dans cette relation.Que de force dans ce type de construction!
Oui, j'aime ce genre de récit, qui a pour parti pris de "penser" les choses et faire croire qu'on ne ressent rien,alors que s'inscrit dans cette culture la necessité de saisir la poésie d'un jardin de pierres!
La dernière histoire est remplie d'humour.Je me suis doutée de ce que serait la chute!Et quoique bien croqué, ce registre de pingrerie où rien ne sauve ces deux personnages, n'a pas ma préférence, bien que ce soit une caricature plus que réussie.
SUITE
RépondreSupprimerJe suis peut-être bavarde mais cette lecture courte m'a donné beaucoup de plaisir et m'a amenée à des reflexions que j'avais écrites, mais que notre support ne m'a pas autorisée à imprimer, mon nombre de lettres étant estimé trop grand!
Alors que je remerce simplement Alberte pour cette lecture , nous aurons bien l'occasion de reparler de ce livre!
Je n'avais pas lu vos commentaires, pour ne pas être influencée!Et, en plus,j'ai écrit en direct, ce qui rend mon propos confus.Pardonnez mon impulsivité, quand il s'agirt de "rendre" quelque chose sur internet.
RépondreSupprimerBien sûr ce livre est sombre, et je ne me suis pas demandé comment un auteur faisait pour écrire comme cela!
Mais c'est vrai que j'ai prêté à ce livre le fait d'avoir à transpirer sur des papiers de riz pour faire de la calligraphie chinoise, depuis quelque temps! Et j'ai lu ce livre avec ce que je découvre:rien n'est donné d'emblée.Dans les paysages en peinture chinoise, il y a souvent un texte en calligraphie sur le bord.Il faut savoir croiser l'adesse du trait du paysage, la façon dont le pinceau a couru, aussi bien dans le paysage, que pour l'écriture;ça prend énormément de temps, ça demande un état très particulier, mais toutes les "passions" peuvent être apaisées dans ce genre de cheminement., et en même temps y être présentes.
Alors j'ai lu ce livre avec ces représentations.Ce qui me frappe, c'est l'importance du regard, aussi bien dans les oeuvres d'art, que dans les textes que nous lisons, et celui-ci particulièrement;on dirait que la pensée chinoise est clivée comme chez les gens ayant subit un traumatisme.a une nuance près, elle st énorme, c'est que la partie de la personne qui est consciente raisonne avec de la logique...qui peut mener à mon avis à certains textes crus et obscènes parfois, auxquels nous nous sommes attelés.
Je ne pense pas que nous ayions à accrocher avec les personnages:nous assistons à un récit mis en scène avec des références et des modes de penser qui ne sont pas les notres.Y rentrer permet une rencontre avec "l'étranger" qui est dans le texte, et ...en nous, me semble-t-il.
Petit livre pour un voyage en train. Figurez vous que je me rendais à un mariage ... Inoué pourrait nous faire douter de l'amour, ou alors tout simplement laisser flotter comme cela cette idée que la rencontre amoureuse n'est qu'illusion, ou sur des bases bien peu attrayantes. Disons que je suis un peu plus optimiste que lui!
RépondreSupprimerInoué a ce talent d'une concision suggestive, très haïku finalement, l'émotion se laissant deviner par la façon dont les personnages se trouvent peu ou prou en harmonie avec un paysage.
J'aime depuis longtemps l'écriture japonaise. Je ne connais pas Inoue, j'apprécie la découverte.
Ma nouvelle préférée est celle du jardin de pierres, parce que la jeune mariée n'est pas dupe de l'égoïsme de son conjoint, et qu'elle le plante là d'une manière jubilatoire à mes yeux. J'aime assez les femmes qui défient les conventions, cette Mitsuko me plait beaucoup!
Oui, je vois bien que selon le regard qu'on pose, le ressenti est différent.
RépondreSupprimerJe trouve intéressant que Odile signale qu'il y a plusieurs manières d'écrire d'Inoué et donc que ce livre-là n'en donne pas une idée définitive.
Et j'aime bien aussi que chacun essaye de dire sa nouvelle préférée en disant pourquoi. Que Marie-Anne trouve Mitsuko jubilatoire et Odile les vieux radins désopilants.
Quant aux variations de Geneviève sur un même thème, c'est ..... étonnant.
J’aime bien ce que dit Geneviève sur le miroir..l'absence de miroir... le paysage qui joue ce rôle... C'est intéressant.
RépondreSupprimerBizarre de prendre une chambre d'hôtel et un livre à lire avant de se suicider, on voit tout de suite que cela n'est pas la bonne méthode.On sait donc évidemment depuis le début comment cela va finir mais on se laisse prendre au jeu et on suit avec plaisir le long cheminement des personnages qui leur permet de trouver une autre solution que la mort.Ce n'est pas par amour qu'il veut vivre mais l'amour réveille en lui l'idée d'essayer de vivre.Une rencontre, un amour naissant et finalement la vie, ce n'est pas si pessimiste non? Après cet endroit qui donne l'envie de penser plutôt à la vie qu'à la mort, en voici un autre, le jardin des pierres où s'imposent les exigences d'une haute spiritualité : Uomi avoue à Rumi qu'elle lui déplaît, Mitsuko renonce à faire des compromis, elle croit en l'amour unique et véritable.Ce texte donne une haute idée des sentiments amoureux.Pour moi la dernière histoire est une jolie histoire d'amour, ils s'entendent bien, et j'ai trouvé comme Odile que c'était presque drôle par moment.J'ai passé de bons moments avec ce livre, merci Alberte-Marie !!!
RépondreSupprimerJe n'avais pas perçu (malgré le jardin de pierres) la haute volée des personnages, mais plutôt leur inconstance, leur irrésolution. Aussi je te remercie de compléter pour moi le portrait de leur personnalité profonde et de le rendre positif. Je sentais ça confusément mais je n'arrivais pas à le formuler si clairement.
SupprimerInoué a effectivement une palette assez subtile je trouve.
Yasushi INOUE
RépondreSupprimerLa Mort, l’amour et les vagues
Je vais passer rapidement sur la seconde et troisième histoire :
la troisième parce que lorsqu’on est « radin », il faut se contenter de pas grand-chose. Et si, de plus, le fait de ne pas dépenser rend les « radins en couple » heureux, on ne peut que s’en réjouir. Ils ne sauront jamais ce qu’est une nuit dans le luxe…
la seconde : emmener sa bien aimée sur des lieux où l’on se souvient de ce qu’on a vécu est une conduite un peu « spéciale »… Il ne faut pas s’étonner alors que la « belle » s’envole… Elle a dû « sentir » les choses…
La mort, l’amour et les vagues… j’ai vraiment aimé ce court récit où les sentiments, la poésie, les hésitations, la mort, la vie se mélangent dans un cocktail éblouissant. Il fallait y penser. Un bout de terre abandonné, deux êtres si différents, une histoire loufoque et le tout raconté comme un roman policier. Et tout ce récit (en quelques jours) pour nous faire réagir et nous dire « pourquoi je vis ? » ou plutôt, ce qui est encore mieux « pourquoi j’ai envie de vivre ? ». Quelle belle fin : « et si j’essayais de vivre ». Cette question est si courte pourtant ? Notre vie pourrait ressembler à une mort, souvent… Et si l’on regarde les années qui ont passées, nous avons quelque fois l’impression de ne pas bien avoir vécu… ou plutôt d’avoir fait semblant de vivre… Pour ma part, je ne m’attendais pas à cette question en fin de livre. Au delà du désir de mort, au delà de la nuit, au delà des sentiments qui naissent entre deux êtres qui ne se connaissent pas, d’autres questions auraient pu surgir : « ne perdons pas de temps maintenant », « des regrets aussi », « et pourquoi pas faire autrement »…
Et quelle écriture . Un exemple parmi tant d’autre :
« Sugi pouvait admirer l’indigo de la mer si profonde qu’on n’en pouvait deviner le fond et de laquelle il ne se relèverait pas, lorsqu’il la prendrait dans ses bras pour la dernière fois ». Inversion complète de la phrase : ce n’est pas la mer qui va engloutir le suicidé, mais c’est lui (si petit, si frêle) qui étreint la mer de ces bras.
Impossible de ne pas penser là encore, en dérision, la chanson de Renault: « c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme… ». Dans le cas de notre auteur, c’est l’homme si fragile qui va comme « engloutir » la mer qui pourtant va le tuer…
Et bien, Olaf, je suis ravie de lire ton commentaire parce qu'il correspond à ma propre lecture. Tu as été sensible à cet écheveau entremêlé de réflexions, de poésie et de bizarreté qui rend ce récit si sensible, si intelligent, si fluide et non dénué d'humour pour finir.
RépondreSupprimerEt j'aime beaucoup la manière dont tu l'exprimes, assez personnelle et également exemplifiée.
Il demeure plaisant de lire des avis différents parce que ça enrichit, mais lorsqu'on a l'impression de partager une lecture dans la même sensibilité (ce qui n'est jamais complètement la même sensibilité bien sûr!) ça enrichit et ça conforte, c'est un vrai plaisir.