
Anita
Nair est une écrivaine indienne, qui après une enfance à Madras,
a voyagé à travers l’Angleterre et les Etats Unis avant de
revenir s’établir à Bangalore en Inde.
Son
héroïne, Akhila, fille ainée d’une famille dont elle a la charge
à la mort de son père, décide de partir seule en voyage pour
l’extrémité sud de l’Inde. Dans ce compartiment pour dames,
elle fait la connaissance de six femmes et va partager avec elles
leur intimité pendant ce parcours. Chacune raconte son histoire et
Akhila, qui est en plein questionnement sur elle-même, va être
amenée à réfléchir sur son passé, sur ses renoncements et ses
sacrifices. Peu à peu, Akhila, en côtoyant le destin de ces six
femmes va comprendre qu’elle seule peut trouver une issue à ses
interrogations « existentielles ».
Les
six récits mettent aussi en avant des questions sur la société
indienne et la place de la femme ainsi que son rôle. Petit détour
indien intéressant car ce sont des voix de femmes qui se font
entendre…Bonne lecture à tous et toutes
Le livre commence par une citation de Rebecca West dont la dernière phrase est :
RépondreSupprimer« Mais nous luttons pour nos droits et nous ne laisserons personne parler à notre place et résisterons à toutes les tentatives de nous priver de notre libre-arbitre. »
Le roman d’Anita Nair est la démonstration de cette citation.
Chaque femme, quelque soit son âge, nous conte avec beaucoup de vie, d’émotion ce qu’elle a du affronter pour gagner sa part de parole, d’existence propre.
Les récits sont chaque fois différents, adaptés à chaque cas, narrés avec plus ou moins de maladresse, d’âpreté, d’amertume, de désespoir ou d’espoir, d’allant ou de résignation, très nuancés somme toute.
C’est cela qui fait mouche pour le lecteur.
En effet, tout l’art d’Anita Nair, je trouve, est de nous faire passer d’une situation classique de confidences entre femmes dans un compartiment de train, à un saut dans le récit à vif d’une de ces vies. Au début ça surprend, on met un petit moment avant de comprendre et après, on attend ça avec gourmandise.
Le seul petit reproche que je ferais c’est que, d’un récit l’autre, on ne se souvient plus des expériences déjà contées. C’est comme si elles s’effaçaient au fur et à mesure, au profit de la seule qui fédère tous ces récits du début à la fin, Akhila.
Mais j’ai beaucoup apprécié d’être plongé dans l’Inde d’aujourd’hui, très réaliste, très contrastée, très travaillée de l’intérieur. Un vrai voyage au cœur des gens, en tout cas, des femmes.
Formidable.
Voilà un livre qui nous fait voyager, puisque nous sommes dans le compartiment pour dames, qui existait en Inde jusqu’en 98, compartiment réservé « aux dames, personnes âgées, et aux handicapés ». Je ne ferai pas de commentaire sur cette distinction, elle parle d’elle-même !
RépondreSupprimerNous faisons donc un voyage en compagnie d’Akhila qui va se trouver avec plusieurs femmes qui vont échanger dès le départ. L’échange va devenir profond, car Akhila attend d’elles un témoignage pour essayer de répondre à sa question : « une femme peut-elle vivre seule ? ».
J’ai été touchée par chacune de ces femmes dont le récit montre bien à quel point il n’y a pas de place dans la pensée de ceux qui les entourent pour une autre vision des choses que celle de les réduire à une fonction de reproductrices et de servantes de l’homme qu’il soit père, mari, ou frère !Terrible ce moment où Akhila perd son prénom car elle est définitivement rangée dans la créneau de ‘sœur’, puisqu’elle est célibataire est ne peut donc pas être ‘ l’épouse de’.
Pas d’ ‘autre’, dans un tel système qui doit piéger autant l’homme que la femme, mais par lequel la femme paie la partie la plus lourde puisqu’elle peut y perdre la vie.
J’ai trouvé ce livre agréable à lire et interessant, car on y apprend sans cesse quelque chose :au cours du récit de la vie de ces femmes viennent des couleurs, des vêtements, des odeurs, des gouts de plats propre à ce pays, et des mots que l’on apprend et qui font sentir toutes les facettes des découvertes d’Akhila qui n’est jamais sortie du trajet bus, boulot, maison. On y découvre également des paysages et des régions de l’Inde.
J’ai aimé la construction du texte qui consiste à entrelacer les témoignages des femmes rencontrées dans le train avec le récit de la vie d’Akhila. Cela maintient l’attention et fait passer par différents moments dans le registre émotionnel. Car Akhila ne connait rien et nous suivons avec elle tous les éléments dont elle va s’imprégner pour choisir sa vie,(suite dans un autre commentaire car le blog n'accepte pas mon texte trop long!)
J’ai retenu quelques pépites :
RépondreSupprimerLe lien qui unit Sheela et sa grand’mère.
Comme c’est fort, et comme on comprend sur quelle pente dangereuse est partie Sheela !
L’histoire de l’œuf.
C’est également un moment fabuleux ! J’ai beaucoup apprécié qu’un tout petit détail comme celui-là puisse illustrer avec une telle force l’organisation de cette société !
La guerre de Margaret contre son mari.
Elle décline toutes les expériences chimiques qui peuvent le caractériser et qui deviennent des métaphores. Elle enseigne cette matière, et elle est réduite dans ce lycée à cette fonction : elle va donc utiliser les éléments qui sont les siens, comme une explosion (c’est le cas de le dire) remplie de vengeance jouissive pour insulter son abominable mari !
L’histoire des mains qui se baladent sur le corps d’Akhila.
Cela pourrait agacer, car on peut le prendre comme un tripotage où la femme est instrumentalisée, mais comme souvent dans ce livre, on va vite comprendre qu’il ne sert à rien de s’offusquer car c’est l’occasion de permettre à Akhila de découvrir qu’elle a un corps voluptueux, qui peut être éveillé par les mains de quelqu’un d’autre et finalement à rencontrer un homme.
L’histoire d’amour de Janaki.
Elle m’a touchée par ses petites touches très fines autour de la relation homme-femme, permettant de penser que les choses peuvent parfois se passer pas si mal que ça dans un contexte aussi rigide, et durer longtemps ma foi !
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, car ce livre est truffé de d’évènements qui pourraient d’ailleurs être souvent jugés de notre part comme un nouveau piège pour ces femmes mais qui, en fait, rebondissent dans le sens d’une découverte de ‘plus de vie’ pour Akhila qui s’est risquée à mettre le nez dehors. Bien sûr le passé est lourd de malheurs petits et grands, mais ce livre nous met dans un mouvement qui nous entraine dans l’avenir.
Cependant, ces moments de d’élan vital nous font aussi saisir comment un système social élaboré de la sorte peut amener les femmes à être des mortes vivantes.
Et j’ai apprécié que ce livre ne donne jamais de leçon sur le sujet mais permette au lecteur d’en faire la découverte, ce qui est beaucoup plus parlant que de longs discours
Finalement cette lecture nous lance à la découverte du bonheur et cela m’a mise de bonne humeur ! Merci pour cette lecture, Véronique
Je partage complètement les points de vue et d’Alberte et de Geneviève… cela vaut la peine d’être dit, car ce n’est pas toujours le cas. Je ne rajouterai donc que quelques lignes.
RépondreSupprimerJe viens de terminer le livre. Je me suis accrochée, car chaque fois que j’y revenais j’avais l’impression de plonger dans un nouveau livre. Heureusement, chaque portrait a de l’intérêt. Nous sommes encore une fois baignés dans un monde totalement différent du nôtre… c’est fou de voir combien les traditions, les coutumes, la religion pèsent sur la vie de ces femmes. Chez nous, les féministes sont passées par là… nous avons notre littérature sur le sujet.
Ici, le livre est très descriptif. On se régale de couleurs, de soieries, de mets délicats, d’anecdotes cocasses, mais aussi d’émotions, de recherche de relations vraies, d’amour de respect et de considération. C’est agréable et souvent poignant !
Merci Véronique !
Juste pour vous dire que je serai très en retard, mois d'avril très chargé, j'ai commencé mais un tout petit peu....
RépondreSupprimerVoilà un livre quasi-documentaire qui nous donne à voir la condition de la femme en Inde. Pas très joyeux, pas très facile de s’en sortir quand on est une femme dans ce pays ! Asservissement, dévouement, oubli de soi, il n’y a que cela au programme.
RépondreSupprimerJe l’ai lu avec intérêt malgré quelques réserves : d’abord, j’ai failli renoncer au début devant la platitude ou la banalité du style. J’ai bien fait de ne pas abandonner car, plus tard, j’ai été agréablement surprise par la finesse de certaines remarques. Cependant, je n’ai pas aimé cette « fausse manière » de faire parler les personnages ; elles ne racontent pas leur vie ou leurs choix ou leurs difficultés à Akhila, ce sont des genres de monologues intérieurs. Pourquoi pas ? Mais ce n’est pas très clair. D’autant que toutes parlent de la même façon, ce qui est dommage.
Ces histoires se lisent comme des nouvelles, presque indépendantes les unes des autres et de la narratrice, si ce n’est le thème – la condition de la femme – mais, comme Alberte, si ces histoires m’ont intéressée l’une après l’autre, je les ai oubliées très vite en passant à une autre.
Pourrais-tu dire, Odile, ce que tu entends par "dans le même style"?
SupprimerBien sûr, la façon de parler est bien identique, mais j'ai bien enregistré, pour ma part,le discours de la femme mariée depuis longtemps et qui s'est débrouillée pour que ça dure, dans un quasi bonheur, par rapport à celle mariée avec son principal de mari, qui aligne les "metaphores"(mais est-ce le mot juste?peux-tu me le dire?)...chimiques, la jeune qui s'est plus ou moins sauvée, je suis sans le livre, pour le moment, et la première femme qui ouvre et ferme le livre.
J'ai l'impression que j'en oublie une?
Leurs univers sont bien différents, les types de discours aussi, et le style?Ca m'interesse que tu en dises un peu plus, toi qui est "pro"!Merci d'avance!
Dès le commencement de ma récente participation aux pisteurs de livres j’ai pris l’option de ne pas lire les commentaires avant d’avoir terminé un livre. En découvrant le tien, Alberte-Marie, j’ai été enchanté d’une telle proximité de ta perception … pour me laisser finalement pantoise !
RépondreSupprimerNe voyant pas ce que je pourrais dire de plus, au risque de paraphraser, et en espérant que vous ne me tiendrez pas rigueur de cette délégation, je m’abstient. Un grand merci Alberte-Marie de tes mots si justes à dire de ce que j’ai ressenti en lisant cette narration d’Anita Mair.
Anny le 12 mai 2014
RépondreSupprimerJ'ai eu beaucoup de mal à renter dans ce livre tellement j'avais mal pour ces femmes coincées (en tout cas c'était ma perception en début de lecture !) dans les interdits de leur culture .Cela me renvoyait à mon enfance puis adolescence du style : "des fais pas çi , fais pas ça" ... Puis une d'entre nous m'a suggéré de ne pas abandonner et de le lire en vacances par exemple , prés de la mer , par exemple ... Ainsi je l'ai poursuivi et j'ai aimé ces confidences si sincères de toutes ces femmes finalement proches de nous dans ce besoin d'attachement à la :mère l' enfant , ou le mari mais aussi à la liberté. J'ai beaucoup apprécié le chapitre sur le plaisir de manger un œuf à la coque puisque défendu par la religion et le chapitre HUILE au VITRIOL des portraits version chimie pleins d'humour et la façon dont cette femme réduit à néant son mari par la gourmandise . La fin m'a émue car Akila ose une relation sexuelle réfléchie mais drôlement assumée .
Voilà et si nous aussi on partait tous et toutes en train ? Biz
Que voilà une bonne idée!
RépondreSupprimerNous serions tout(e)s allongés pour discuter!G
J'ai lu ce livre en vacances et je l'ai beaucoup aimé.La dernière histoire m'a semblé être un peu le bouquet final comme dans un feu d'artifice, peut être un peu trop... J'ai préféré les autres récits, plus simples, plus vrais.Le retour dans les camps de rééducation dans le prochain livre me fait un peu peur mais on verra ...
RépondreSupprimerCe livre m’a tenue en haleine parce que les cloisonnements de la société indienne qu’il décrit ont été « un choc culturel » pour moi, non que je les ignorais mais de les appréhender à travers Akhila leur donnait une autre dimension que celle lue dans des ouvrages ou vue dans des reportages. J’ai attendu avec impatience tout au long du livre qu’Akhila s’affranchisse de ses chaînes familiales et culturelles, qu’elle se révolte enfin.
RépondreSupprimerLes confidences des femmes croisées dans ce train sont inégales mais ce qui comptait pour moi c’est qu’Akhila y trouve la force d’avancer. Cette alternance entre l’histoire d’Akhila et la vie de renoncements, de frustrations de chacune des cinq autres femmes peut donner par moment un sentiment d’artifice (comme le souligne Odile) mais en même temps ces histoires croisées permettent à Akhila, progressivement, d’oser se défaire de ces chaînes terribles qui la contraignent depuis que son père est mort.
Choc culturel devant le poids de la famille, les préjugés de caste, l’emprise du collectif. L’ainée si le père meurt doit le remplacer à vie auprès de la mère et des frères et sœurs. Travailler, être condamnée à la solitude, renoncer à être mère et femme c’est ce qui se passe pour Akhila. Si son père était resté en vie elle se serait marier (avec un homme de son âge ou plus vieux) et aurait dû se soumettre à un homme…finalement les deux alternatives se valent. Pour une femme c’est ou se soumettre à la famille ou… se soumettre au mari (et à la famille du mari, ah la place des belles-mères, très intéressante également dans ce livre !)
On est loin de notre désir occidental de liberté, d’égalité et d’accomplissement individuel mais pourtant l’actualité nous montre qu’il n’est pas besoin d’aller en Inde pour voir des femmes qui n’ont pas le choix, et qui doivent encore se battre…
Ce livre traite, en finesse, d’un sujet qui me préoccupe, celui de l’asservissement des femmes.
J’ai étouffé par moment en lisant ces histoires, étouffé d’imaginer qu’en tant que femme, si j’étais née en Inde (ou ailleurs, l’Inde n’ayant pas le monopole des femmes dominées) mon sort aurait pu être celui là. J’ai jubilé devant la révolte de certaines. J’ai jubilé aussi en lisant les dernières pages de la "libération" d’Akhila. Quel soulagement !
L’histoire d’Akhila permet au-delà des particularités de la société indienne de nous sensibiliser à des questions que toute femme peut se poser : comment nous débrouillons nous face aux contraintes de la société et au poids de la tradition ? Comment réussissons-nous à bâtir notre vie en fonction de nos désirs, sans renoncement ? Akhila m’est apparue comme une « sœur » (de lutte) qui ouvre la voie. Merci pour cette belle rencontre.