Des amis - BAEK Nam-Ryong
En septembre dernier il fallait
piocher un livre dans la littérature d’un pays asiatique… un peu au hasard j’ai
choisi de regarder vers la littérature coréenne qui m’était totalement
inconnue. Mais vers laquelle des deux Corée aller ? Je parcourais plusieurs
romans de Corée du Sud lorsqu’une amie bibliothécaire m’a parlé du seul
(l’est-il encore aujourd’hui ?) roman de Corée du nord traduit en
français.

Dans la préface on comprend les
enjeux politiques d’une telle traduction-publication. Tout ça parait compliqué
et pas très distrayant pendant l’été !
Aujourd’hui j’en suis à la moitié
du livre. On est loin de l’enchantement du dernier roman japonais. L'écriture est plus froide, le thème austère. Mais je
trouve quand même le livre intéressant… je vous propose là un petit pas dans un
univers qui je l’imagine vous est étranger, mais sur lequel pour ma part au
moins j’ai un certain nombre de préjugés. Je trouve intéressant de se laisser
déstabiliser.
C’est du divorce, en Corée
du nord qu’il s’agit ici. Le divorce
là-bas n’est pas une affaire privée, c’est un acte social. Et quand une jeune
cantatrice, ancienne ouvrière vient devant le juge pour demander le divorce
d’avec son mari ouvrier, elle trouble l’ordre social établi. Oui, puisque le
système communiste s’appuie sur le mariage et la famille dans laquelle chacun a
un rôle bien déterminé.
Parallèlement à l’enquête on voit
le juge s’interroger sur sa propre vie de couple… je ne vous en dis pas plus.
Il y a des longueurs mais la connaissance de cette société est intéressante
ainsi que le rôle tout à fait surprenant (pour nous, bien sûr !) que joue le juge dans l’enquête.
Anny le 7/07/2014
RépondreSupprimerJe ne lis pas souvent les préfaces : pas le temps, pas toujours envie de savoir le pourquoi du comment de l’écriture et de l’écrivain mais là …. Exception à la règle ! Et j’ai bien aimé ce que l’on sait déjà peut être , que pour toute traduction il faut se méfier .Une bonne traduction ,c’est celle qui renvoie au plus prés « d’un transfert de culture » comme dit l’auteur .Et j’ai senti ensuite ce besoin impérieux de dire les particularités des signes de cette langue de COREE DU NORD , les influences du PARTI et de la famille , son évolution comme celle de la société dans l’histoire de ce pays entre eux et la CHINE , la conscience individuelle et collective des coréens , leur conscience politique etc.…
Cela m’a beaucoup aidé ensuite pour la lecture et la compréhension de ce fonctionnement humain si différent du notre en lien aussi avec le communisme.
J’ai bien aimé l’évolution de ce couple, ce besoin de s’émanciper professionnellement pour Soon-Hwi en tant que cantatrice, d’être ambitieuse au sens noble finalement du terme et ce désir que son tourneur de mari en fasse autant .Pourtant il en a fait autant avec la création de sa machine mais de manière plus modeste en somme ayant avant tout une conscience du travail avant un besoin de récompense sociale.
Entre parenthèse, j’ai trouvé le ton du livre si sérieux, si profond sur cette conscience ancrée du mariage, du couple, que je reconnais en fermant le livre, que les moments poétiques ou de douceur ou de frivolité si tant est qu’il y en a eu je les ai zappés !! Faut dire que Sok-Chun en rajoute beaucoup sur son manque de confiance en lui en tomba amoureux de sa jeune chanteuse puis ensuite en ne réclamant pas plus qu’un vase pour sa récompense !!!
Par ailleurs , j’ai apprécié les réflexions internes du juge , Jong Jin-Woo, ses interrogations sur ce couple qu’il veut défendre en regardant sa vie solitaire mais encore amoureux de sa femme au point de s’occuper de ses plants de légumes en son absence comme si il se serait occuper d’un fils .Son aide quand il va chercher du sable de la rivière pour aider à faire fonctionner la machine est touchante.
On est plongé dans ce sentiment profond chez ces personnages d’appartenir à un groupe, à une collectivité, à une commune, une conscience de citoyen de tout instant.
La subtilité de Jong Jin – Woo pour aider le couple à revoir sa vision de l’autre m’a plu et l’on fini heureux de leur intelligence du cœur à se remettre ensemble et à laisser tomber leurs egos sur dimensionnés finalement.
Merci de votre indulgence sur mes phrases longues, longues… Et bonne lecture à vous !
Biz
Quelle découverte!!! Tout d’abord, j’en ai aimé l’écriture (ou la traduction) serrée où chaque mot a son importance ainsi que la poésie en filigrane lors de certaines descriptions de paysage ou dans les moments de flash back. Ce qui m’a aussi intéressé, c’est tout le cheminement intérieur du juge devant prononcer le divorce ou pas. Je me suis alors aperçue, comme cela est écrit dans la préface, du poids des structures de la société où le bonheur individuel n’est pas une priorité ; ce qui importe, c’est la pérennité de la structure familiale pour l’équilibre de la société : divorcer est alors un acte qui pourrait mettre en péril cet équilibre. Les temps de réflexions du magistrat sont intéressants car il essaie de dénouer un écheveau, de comprendre la position de chacun tout en étant renvoyé à une introspection de son propre couple.
RépondreSupprimerCette entrée dans la société coréenne du Nord par l’entrée de la vie quotidienne m’a permis d’entrevoir ce carcan terrible dans lequel toute une société vit, assujettie à un cadre politique sans merci.
Je viens de lire des articles sur cet auteur et sur les réactions que son livre a suscitées : méfiance du gouvernement face à certains extraits du livre, en autres sur la critique de certains responsables et sur la notion de la famille !!!
Livre qui me questionne encore et je serai contente d'échanger avec vous à notre rencontre
Bon été
On m'a donné dernièrement un autre titre nord-coréen "Nouilles froides à Pyongyang"... à voir.
SupprimerJ’ai l’impression d’avoir lu un livre de propagande coréenne visant à démontrer l’intérêt de penser d’abord en termes de dévouement à la nation : le modeste ouvrier est plus valorisé que la femme qui cherche à échapper à l’usine et a un talent de chanteuse.
RépondreSupprimerJ’ai aussi l’impression d’avoir lu un conte : ce n’est pas un juge, c’est une fée, là où il passe tout s’arrange… Ca n’a rien d’un juge français ou occidental, ce serait une sorte de médiateur ou de curé moralisateur… Et tout est bien qui finit bien : tout le monde a fait son autocritique et rectifié son comportement et vive la vie…
Je n’ai pas vu ce qui est annoncé par la préface, la 4e de couverture et les premières lectrices : je ne lis pas que le divorce est un acte social et que c’est ainsi que le juge intervient. On voit, comme partout, les gens changer, évoluer différemment l’un de l’autre dans leur couple, s’éloigner… Il se trouve qu’ils ont affaire à un médiateur compréhensif qui cherche à connaître les motivations de chacun.
Le divorce est à l’ordre du jour : je viens de voir au cinéma « Le procès de Viviane Amsalen », le divorce à l’israélienne, où la femme doit avoir l’autorisation du mari. Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement. La contrainte – pour la femme – est plus forte dans ce que nous montre ce film puisqu’elle a besoin de l’autorisation de son mari ! J’ai l’impression dans « Des amis » que les possibilités restent ouvertes au choix individuel. S’ils maintenaient leur position, les gens pourraient divorcer. La fin à l’eau de rose est attribuée aux « prises de conscience » des individus des intérêts de leur conjoint.
Pour finir, la traduction : la préface ne m’a pas éclairée du tout et j’ai trouvé par moments qu’il semblait même y avoir des contresens dans certaines phrases qui disaient le contraire de ce qu’il me semblait que l’auteur voulait dire… C’est peut-être parce qu’ils sont deux… Ils devraient divorcer !
Des amis de Baek Nam-Ryong (Corée du nord)
RépondreSupprimerAoût 2014
Quelques personnages bien identifiés.
Des lieux resserrés.
Une idée majeure : la paix des familles.
Ce récit m’a un fumet de confucianisme ou je ne m’y connais pas !
Et quand je dis une idée majeure, c’est pour être gentille : c’est l’obsession d’un seul personnage et pas n’importe lequel, le juge en charge des divorces !
Ben ça va être dur de s’émanciper.
Le rôle que joue cet homme, on appellerait ça tout bonnement du harcèlement. D’abord il répand la nouvelle de demande en divorce, ce que je trouve inconcevable : comme ça tout le monde est au courant, bravo !
Ensuite il va tirer les vers du nez de l’entourage, après quoi, il manipule les consciences à petit feu.
C’est du joli !
Bon, ça c’était le commentaire à peine caricatural du livre dont on se demande pourquoi il s’appelle Des amis.
En réalité, j’en ai fait une autre lecture.
D’abord j’ai trouvé qu’il se lisait bien.
Ensuite j’ai été stupéfaite de ce que ça raconte et comment.
Car contrairement à ma petite provocation du début, je n’ai à aucun moment essayé de comparer. J’ai pris les choses dans leur contexte et comme elles sont narrées.
Et la réflexion tourmentée du juge Jong Jin-Woo sur l’idéal du couple, donc l’idéal de la société, donc l’idéal de la production, etc., la comparaison qu’il établit avec son propre couple, oscillant entre compréhension et amertume de se sentir délaissé, tous ses allers et retours entre les personnages concernés, me l’ont rendu à la fois touchant mais un peu énervant, idéaliste mais persévérant, juste souvent quoique insistant.
Contrairement à Odile, je trouve qu’il traite à égalité hommes et femmes. Il essaye juste de trouver la faille pour que la personne soit capable d’y remédier.
Il manque finalement un psychologue et une assistante sociale et ça irait mieux.
Voilà, ça ne se passe pas comme chez nous et ça surprend.
Et quand même, le petit côté redresseur de torts m’énerve à tous les coups. Il se prend pour le Bon Dieu des Coréens ou quoi ?
Je ne sais pas si je peux croire dans ce récit. Mais j’ai aimé être surprise par le contexte inhabituel.
Un joli passage :
« Dès que Jong Jin-Woo sortit dans la rue où scintillaient des néons, il put se calmer un peu.
Dans les environs, la nuit s’infiltrait. Un vent léger apportait l’odeur douce et fraîche des feuilles. Les petites feuilles poussées sur les arbres en bordure de la rue brillaient sous les néons. Dès le camion-citerne passé, bus, voitures et camions chargés de marchandises filaient légèrement dans la rue effleurée par les lumières des appartements. »
Une autre impression : je trouve tous les personnages assez solitaires pour finir. On dirait qu’ils ne se rejoignent jamais.
Un peu triste.
Je ne comprends pas non plus pourquoi ça s’appelle « des amis » ce roman. Ce sont, comme le fait remarquer Alberte, des personnages plutôt seuls. Je trouve qu’ils sont tous décrits avec profondeur, hommes et femmes, et ça m’a permis de lire avec un certain plaisir ce livre. C’est ce que j’ai trouvé de plus positif.
RépondreSupprimerConcernant le contexte, j’ai trouvé d’abord intéressant de lire « le » seul roman traduit en français provenant de la Corée du Nord, mais décevant par rapport à ce que laisse entendre la 4ème de couverture. Comme Odile, je n’ai pas vu ce que cela nous apportait sur la vie quotidienne dans ce pays. Ils ont du travail, que cela soit dans le domaine industriel, culturel, agronomique ? Des comités d’entreprise ? Il y a des pots de vin, mais quand c’est dénoncé, tout revient en ordre ? La vie est difficile ? Il y a des arbres dans les villes ? Des appartements en duplex ? Des conditions de vie encore plus dures dans les montagnes du nord ? Ils ont qu’un enfant par famille ? Les couples se vouvoient ? Le système de politesse est encore en vigueur entre les personnes d’âges différents ? Bon j’arrête, mais franchement je reste sur ma faim.
J’y ai vu , comme dans les romans des vieux régimes communistes des années 60 /70 en ex URSS et Europe centrale, que la censure est prégnante et l’importance accordée par le Politique aux valeurs morales transmises par l’écriture toujours très forte. Travail, famille, patrie, tout y est, mais peut-être avec une sorte de naïveté déconcertante qui transparaît dans le personnage du juge, sorte effectivement d’assistant social, médiateur de couple…Ca me fait frémir son ingérence dans la vie privée et publique des personnes, et en même temps, il est « humain » ce monsieur.
Et la question des tâches domestiques laissées aux hommes, alors que ces dames se consacrent à leur travail, j’ai trouvé ça marrant. Cela date un peu pour nous occidentales libérées de ce joug ancestral, mais bon, ya pas longtemps, et peut-être encore pour certaines maintenant…(et je ne pense pas qu’aux vieilles dames)
Bon, si quelqu’un-e pouvait expliquer ce titre énigmatique ?
Pour moi c'est un titre parfaitement idéaliste, du genre "ça serait bien que tous soient amis". L'auteur fait de la morale. Il faut dépasser les égoïsmes personnels. Et je crois aussi comme on le lit dans la préface, que la nouvelle littérature nord-coréenne veut sortir du thème de la lutte des classes. Ne soyons plus ennemis de classes, mais tout bonnement "amis" !!!! Anny parle de "consciences de citoyen", Baek pousserait plus loin, il militerait pour que tous soient amis... Bon, c'est une interprétation, peut être en aurez-vous d'autres.
SupprimerJe trouve ton explication très convaincante, je n'y avais absolument pas pensé. Merci Claire
SupprimerAnny Mais à force de vouloir tous être amis le sont'ils (?) vraiment devenus comme si devenir amis ça voulait dire en effet penser pareil , vivre de la même façon , aplanir les différences pour les fuir finalement un petit peu quand même .Et vous m'avez ouvert les yeux sur ce besoin en effet du juge à réconcilier le couple pour le banalisé et qu'il rentre dans le moule .Car quand même être dans l'empathie c'est bien mais trop projeter ses fantasmes c'est pas bien hi !hi!hi .Donc le juge qui évoque sa femme si lointaine à votre avis s'est 'il posé la question de divorcer lui aussi .Une seule interrogation :le juge a ou avait un fils qu'en penez vous ?
RépondreSupprimerOui le juge avait un fils.
SupprimerOui, il n'applique pas pour lui ce qu'il préconise, puisque lorsque sa femme lui propose un dimanche un peu sympa, il est pris!D'accord, il n'avait pas le choix de la date, puiqu'il veut essayer d'aider les autres à marquer leur anniversaire de mariage,mais tout de même, moi j'ai pensé qu'il risquait de nous avouer qu'il voulait divorcer!
J’ai lu ce livre en appréciant, moi aussi, de lire la préface, ce que je fais rarement. Je crois que je l’ai fait parce que la couverture ne m’inspirait pas grand-chose , ni le titre. Alors j’ai apprécié toutes les nuances autour de l’écriture même, qui nous sont données, et j’étais plus positive en commençant cette lecture !
RépondreSupprimerTrès vite je me suis demandé s’il fallait ranger ce livre dans la série de « contes contemporains » où simplement dans la catégorie des lectures mises sous influence d’un régime politique ; je pense qu’il s’agit d’un mélange des deux.
J’ai apprécié d’avoir un écrit venant de la Corée du Nord, qui donne une idée de la société de ce pays si fermé.
J’ai trouvé cette lecture facile et distrayante et je me suis attachée, au bout d’un moment, à ces personnages bien qu’il n’y ait aucune possibilité de s'y identifier. Bien sûr, cette histoire est idéale et donne bien la consigne selon laquelle le divorce est dû à un malaise social, que l’on peut et doit éviter si l’on y met du sien !Ce pauvre juge en fait des tonnes pour nous montrer que le travailleur en usine a droit à beaucoup d’égards et peut voir son statut évoluer , comme pour les autres professions.
C’est à la fin que j’ai eu l’impression d’avoir trouvé la raison du titre : le juge agit en tant qu’ami, bien que tout cela soit parti de sa fonction. De même, si les collègues de travail sont attentifs aux problèmes de chacun, les choses iront mieux ! Quelle notion étriquée de l'amitié!Et quel idéal !Tout parait pouvoir être identique pour chacun .alors que la nature et les entiments prennent bien leur place, à la fin, ça fait un peu froid dans le dos!
J’ai été attentive à la façon dont les éléments de la nature ont leur rôle à jouer à chaque moment de la vie pour chacun. Le rôle du vent, par exemple, en fin de récit, devient une métaphore de rebellion, qui fournit l’occasion d’expliquer comment on peu avoir envie de se rebeller, donc reconnaissance de ce sentiment, mais que cette « force », ce terme est le mien, peut être lui-même contrôlée !
La dimension politique est devenue pesante pour moi dans le dernier tiers du récit, mais sinon la vie de ces gens m’a intéressée, et me donne une idée de la vie dans ce pays.
J’ai aimé aussi le moment où corps et esprit sont étroitement associés, comme dans la médecine chinoise. Cela fait partie de la façon de penser qui est donnée, comme allant de soi. Cela, au moins pourrait être intéressant chez nous où la dichotomie est encore souvent pratiquée !Merci pour cette lecture, Claire !