FEVRIER - livre préconisé par Evelyne
Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants", de Kenzaburô Ôé.
Je vous propose de lire ensemble (car je ne l’ai pas lu) un ouvrage assez court du japonais Kenzaburô Ôé. Il l’a écrit en 1958, et le récit se passe pendant la seconde guerre mondiale. Cela n’a pas l’air gai du tout, mais j’ai choisi ce livre parce que Ôé, prix nobel de littérature en 1994, est tout sauf un auteur banal. J’avais beaucoup aimé «le jeu du siècle» paru en 1967. Mais comme je l’ai lu il y a plus de 20 ans, je ne m’en souviens pas assez pour le préconiser.
Le titre de celui-ci m’a accroché. Il y avait un autre titre qui m’avait plu : «dites-nous comment survivre à notre folie», mais mon libraire ne l’avait pas.
Peut-être que si celui-ci nous captive, on pourra continuer sur les œuvres d’Ôé. Cela peut être intéressant de poursuivre la lecture d’un même écrivain.
A suivre…
Evelyne
Pourquoi ce livre m'a tellement impressionnée ? Depuis que je l'ai fermé après l'avoir lu presque entièrement deux fois, je m'interroge. C'est peut être parce qu'il s'agit d'enfants victimes des adultes. Et qui plus est d'adultes, comment dire... primitifs, et c'est peu dire. On se demande ce qu'ils ont dans le cerveau ; leur cruauté, leur méchanceté est telle que pour moi ils ne sont pas loin de la sauvagerie.
RépondreSupprimerLa force des évocations, des descriptions est telle que nous sommes emportés avec ces enfants eux mêmes réduits à l'état de petits animaux sauvages par les paysans qu'ils côtoient sur les routes ou dans le temple où ils sont enfermés. Nous ressentons leurs souffrances, les égratignures, leurs blessures, le sol gelé sous leurs pieds nus, la peur de l'obscurité...
Tout dans l'imagination du lecteur prend des proportions énormes. Il m'a fallu une deuxième lecture pour que je constate que les enfants n'étaient que 15 (j'imaginais une colonne d'enfant sur la route, bien plus importante !) et que la vie du du groupe enfermé dans le village déserté par les villageois n'a duré que 4 jours... cela m'avait paru une éternité !
Ce qui est admirable aussi ce sont tous les moments de douceur, de fraternité, de solidarité, d'humour même.
Ces enfants, s'ils étaient enfermés dans une maison de correction, c'est que ce sont des durs, des provocateurs, des êtres agressifs, mais on les découvre sensibles, affectueux, en quête de douceur et de tendresse. Le personnage du petit frère est particulièrement attachant. Mais aussi celui du coréen, et du déserteur.
C'est vraiment un grand roman où transparaissent les convictions de Kenzaburo Oé : refus de la guerre et de la violence ; mais surtout foi, confiance dans la jeunesse (ce jeune adolescent qui était criminel apprend-on à la fin du livre, va jusqu'au bout de ses convictions au prix de sa vie): reconnaissance du courage et de la capacité de compassion des jeunes devant la mort ...
J'aimerais vraiment lire d'autres romans de cet auteur.
Je me suis demandée si le fait que le récit se passe pendant la guerre avait une influence sur le caractère des personnages. Temps certainement très difficiles, en plus en hiver, avec un passif très lourd quant aux relations japo coréennes. Les paysans sont des rustres, ne pensant qu'à sauver leurs propres vies dans une nature hostile. Pas d'atermoiement sur le fait que ce sont des enfants, mais une rudesse aux antipodes de l'hospitalité. L'étranger est un ennemi, les pauvres (et plus pauvres que soi) également, alors des délinquants...
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé aussi le portrait du petit frère, de la fille, du Coréen, ce microcosme qui essaie tant bien que mal de se construire avec humanité.
La fin m'a fait l'effet d'une pièce de théâtre, avec tout au long du récit, l'impression d'une écriture très sensorielle, très visuelle et olfactive (je ne sais pas trop si ça se dit, mais peu importe...). Moi aussi, ça m'a donné envie de poursuivre la lecture de cet auteur.
Ce livre m'a beaucoup intéressée. Je trouve que le thème est passionnant : les exclus chez... d'autres exclus que l'on pourrait qualifier aussi d'autres exclus. J'ai aimé lire une histoire qui nous renvoie à la complexigté du monde, dehors, dedans, les bons, les mauvais, l'envers du décor, bien sûr...
RépondreSupprimerEn même temps, j'ai été désorientée dans le texte : première alerte, Claire, m'a posé une question sur la traduction : bizarre, n'"est-il pas ? J'ai, bien souvent dans la lecture eut l'impression que la phrase était mal construite, qu'il fallait la relire deux fois pour être dans le sens ? Est-ce voulu par les traducteurs ?
Mais pour en revenir au sens, j'ai aimé les questions que pose ce livre : abandon, défense, soumission, tout cela est passionnant. Moi aussi, comme Claire, qui ne connaissait pas cet auteur, je vais essauyer d'aller plus loin...
Ce livre est comme un coup de poing reçu dans mon estomac.
RépondreSupprimerQuand j'écris cela on pourrait croire que c'était désagréable. Ambiguïté de la sensation.
Son réalisme est tel que j'ai eu du mal à penser que c'était une fiction.
Quelle écriture ! forte, précise, choquante. Et curieusement, malgré le réalisme dont ce récit fait preuve, de temps en temps se glisse une veine poétique, voire onirique et/ou symbolique. Exemples : le glissement de ce wagonnet que je n'ai pas très bien compris, l'enfermement dans un "extérieur", la neige, les arbres de la forêt et leur odeur, les chants d'oiseaux (en hiver ?), les moments d'entente et de ralliement...
Mais quelle histoire dure et désespérante ! Je n'y ai vu aucune échappatoire. Les rapports humains, même ceux qui sont comme une rémission, sont toujours âpres, oui, c'est ça, tout est écrit sur le tranchant d'une lame et chaque scène nous imprime des cisaillements tout au long de la lecture. On ressort de là mutilé, scarifié de la pire des façons, avec un peu de sel par dessus la blessure.
Livre, tu me fais mal et tu me fascines, tu me plaies, j'aime te lire, j'aime ton langage qui me secoue, me choque, me réveille, j'aime ton écriture virile et dure, je déteste l'histoire que tu me racontes mais je ne voudrais pas ne pas l'avoir lue.
Livre je devrais me dire que tu n'es qu'un livre mais je ne le peux pas, tu es plus que ça et tu le sais.
Merci Monsieur Kenzaburo Oé de ne pas avoir tergiversé pour écrire ce récit.
Voilà que je m'y colle, pour être dans le temps d'échanges.
RépondreSupprimerBien sûr que ce livre est un livre marquant, et même inoubliable.Il m'a fallu le lire deux fois pour avoir un peu de recul, tellement j'étais immergée dans l'atmosphère du texte.
Et du coup, oui j'étais paralysée par l'horreur et la peurde ce froid qui fait des blessures aux doitgts et aux pieds,cette marche qui n'en finit pas alors que chacun attend au moins un repas!
Et finalement l'horreur de ce que nous allons découvrir:oui, je n'y croyais pas , à cet abandon par des gens tellement terrorisés par la peur de la maladie, qu'ils en oublient l'élémentaire de l'humanité!Au cours de ma lecture j'étais dans l'idée qui murmurait"ils ne vont pas le faire, tout de même"!
Et pire, même!ils ont prévu de faire surveiller les "issues" de secours,pour repartir du village.Et quand il reviennent la folie meurtrière remplie de perversité qui est la leur, les fait sortir innocents de leur geste et les enfants coupables d'avoir pris les moyens de survivre!Terrible et magnifique à la fois;car comme c'est bien écrit!
Oui, moi aussi j'ai relevé des fautes surement de traduction, mais ce n'est pas l'essentiel:les images, les ressentis, les liens entre ces enfants sont écrits de façon étonnante!
Ce qui, après avoir pointé les personnages interessants que vous avez relevés, m'a fait penser aussi au personnage qui raconte l'histoire:Quel style, quelle finesse, quel sens du groupe a ce garçon qui à plusieurs reprises se positionne pour éviter les débordements du groupe.Il doit montrer qu'il ne croit pas au dommage de la maladie,tout en disant qu'il n'y croit pas du tout!
Puis cette 'aventure' avec celle qui est le seul personnage féminin, je ne vais pas tenir compte de la femme qui va mourir, bien sûr.C'est au ras de la peau que ça se passe et pourtant le texte n'est pas avare de mots et d'expressions...
J'ai beaucoup aimé la magie et l'air de fête amené par la neige.
Je l'ai revécue, cette magie, dans ce livre, car enfant, il neigait tellement peu et pas longtemps,dans mon pays,que la maitresse arrêtait immédiatement la classe, dès les premiers flocons, par crainte que nous ne manquions la neige qui risquait de ne pas tenir jusqu'à la récréation ou la sortie du soir!
Et oui, c'était fort ce sentiment.Et j'ai été étonnée de pouvoir m'attribuer ce qu'il passe dans ce livre, tellemnt ces enfants, à priori,sont différents de ceux qui m'entouraient et de moi-même.
Différents?Peut-être, parcequ'ils sont en train de vivre l'horreur.Mais pas différents du tout dans leurs réactions!Il faut dire qu'eux aussi ne semblent pas connaitre la neige, comme nous le dit le narrateur dans son échange avec la "fillette".
Un livre fort, donc, que j'ai aimé, avec ces "schémas" sociaux vis à vis d'un groupe de gamins qui sont "les mauvais" et dont aucun n'espoir n'est possible pour les sortir de cette image, alors qu'on ne peux pas vraiment, et même pour certains pas du tout penser à priori qu'ils soient coupables de quoique ce soit.
Oui, ça donne envie de lire cet auteur qui laisse des témoignages de ce qu'était au moins la société de l'époque;
J'ai pensé à "Une odeur de gingembre", qui se passait dans le même pays et à la même époque.
Avez-vous vu des traits communs,où plutôt des différences, si ce n'est que la femme est dans une grande ville et ces gamins confrontés à la rusticité de paysans.
Désolée pour l"anonymat"que j'ai cru moins radin en nombre de lettres, au point de me faire supprimer la fin de mon commentaire, j'ai horreur de ça!
RépondreSupprimerEt puis, il ne me semble pas que ce soit toujours le cas?Je ne me souviens plus, car certains blogs sont comme ça!
Dur, dur...j'ai eu du mal à lire ce livre sombre mais intéressant au niveau des rapports entre humains, où chacun s'emploie à exclure l'autre. Quelques moments plus "tendres" dans la relation entre le petit et le grand frère, la rencontre avec la petite fille. Livre rapide dans lequel s'enchaine les scènes s'enchainent, rapides, sans concession.Peu de lignes de commentaire car je suis encore trop impressionnée par ce livre.
RépondreSupprimerOh comme je regrette de ne pas avoir pu me procurer ce livre (cf. mon mail envoyé il y a deux jours) car vos commentaires sont magnifiques et donnent une envie très forte de lire cet ouvrage malgré l'horreur qu'il contient. Les mots que vous employez pour en parler me touchent énormément.
RépondreSupprimerAh que c'est intéressant ces échanges sur les livres !!!!!! Merci à vous
Catherine