MARS - livre préconisé par Claire
Le maître a de plus en plus d’humour - Mo Yan – paru en 1999 et traduit en français en 2005 (Editions du seuil, collection de poche Points)
Après notre séjour en Normandie je me suis mise, comme convenu entre nous, en quête d’auteurs asiatiques. Sur les conseils d’Alberte, au cours d’une baignade mémorable à Etretat ( !) je me suis dirigée vers la littérature coréenne. Je suis tombée à la Médiathèque locale, sur « La chambre solitaire » de l'écrivaine sud-coréenne Shin Kyong-suk… très intéressant, mais pas gai du tout*. A ce moment là, nous commencions à lire « Ru » puis « Notre Héros défiguré », et certaines exprimaient la crainte de ne lire cette année que des romans noirs. Coup de chance le Nobel de littérature est accordé à Mo Yan, auteur rabelaisien dit-on, je me dis qu’il faut aller y voir de plus près. Sur les conseils d’une libraire, je me lance en achetant un petit livre au titre énigmatique « Le maître a de plus en plus d’humour ». Voila. Je l’ai lu. C’est drôle et intelligent. Je vous le propose.
Ce n’est sûrement pas l’œuvre majeure du prix nobel de littérature 2012, mais ce conte a l’intérêt je crois de nous faire voir qui est cet auteur inscrit au Parti, et en même temps critique par rapport au système politique, économique et social de son pays. De quoi s’agit-il donc ? Monsieur Ding (le maître) après 43 ans de bons et loyaux services est licencié de son usine à un mois de la retraite, en même temps que d’autres ouvriers. Chacun tente de trouver des solutions pour subvenir aux besoins de sa famille par des petits boulots de tout genre. Et lui, alors qu’il est près de sombrer dans le désespoir, avec le soutien d’un ancien collègue il retrouve sa joie de vivre grâce à une idée géniale mais peu orthodoxe pour un vieillard respectueux des traditions et des anciennes valeurs chinoises.
Reste une énigme pour moi. Je ne comprends pas bien la fin. Dites moi comment vous l’interprétez.
* on pourrait le lire plus tard… à voir !
Le maître a de plus en plus d’humour de Mo Yan
RépondreSupprimerLecture de mars 2013
Danger, danger du titre. Annoncer la couleur comme ça c’est apprêter son lectorat à une lecture « humoristique ».
Bon, il n’y en a pas tant que ça !
Ma toute première impression est une sensation de gêne.
Je n’ai pas aimé, je crois, l’atmosphère à la fois banale et populaire de ce récit. Peut-être était-ce, en effet comme un conte philosophique qu’il faut le lire, mais il est écrit comme un récit, une histoire qu’on nous raconterait.
La seule idée qui m’ait fait sourire c’est que ce Monsieur Dang pense à une chose pareille : aménager une cabane d’amour pour les amants. Pour le reste, elle est sordide sa cabane ! Sûr, je n’aurais pas aimé qu’un homme m’y conduise, Je préfèrerais encore me faire piquer les fesses par des aiguilles de pin !
Ces lieux qui doivent sentir la vieille capote usagée, pouah, quelle horreur !
Bon, mais ce n’est pas le propos, c’est même assez peu le propos dans ce récit.
Je crois que ce que je n’ai pas supporté c’est l’indigence des vies. Vies de labeur, de camaraderie certes aussi, vies où la femme pour le coup est réduite à peu de chose, vies sans grâce, sans aurores, sans visées .
Tout cela raconté dans un style quelconque, sans relief, même pas celui de la truculence rabelaisienne justement. Une succession de phrases sans recherche.
Je suis très déçue.
Je vais répondre "en direct".
RépondreSupprimerPremière impression:un ou deux petits traits humoristiques, mais j'ai trouvé ce livre glauque, bien que je l'ai lu d'une traite parceque j'avais envie de savoir comment ça allait finir, avec une sorte de curiosité qui vient des fois chez moi pour les livres qui éveillent un désir d'arriver au bout, sans plaisir direct.
Deuxième lecture:il y a des traits d'humour dans la façon de décrire comment est traité Ding Shikou, qui vient d'être licencié et se trouve flatté d'être mis en avant et "honoré" alors qu'on se paie sa tête.Ce n' est pas mal vu pour donner un message sur ce dont il faut se méfier.
La suite avec toutes les progression dans la mise en place et le fonctionnement de la solution trouvée par ce pauvre homme pour se faire de l'argent tout en arrivant à se maintenir une haute idée de sa personne, ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, sauf pour mettre tout ça dans une perspective de ce que nous avons lu jusqu'ici, ce qui donne une certaine vision de la mise au pas chinoise et de la vie qui est celle de tous ces gens, au moins pour une certaine catégorie de la population dont nous n'entendons pas parler,autrement que par ce genre d'écrit.
Alors, donner son avis est difficile.Je ne peux pas dire que découvrir ces réalités-là ne m'interesse pas, au contraire, mais en soi, je n'aurais jamais lu ce petit livre jusqu'au bout si ce n'était pour pouvoir donner mon avis aux pisteurs.
Je suis mal à l'aise avec ce genre d'écriture,très "chinoise", un peu lourde(comparaisons fréquentes, comme pour l'homme sur son vélo)qui peuvent en même temps mettre une ambiance d'une certain milieu qui se raconte quelque chose qui peut être drôle , pour cela, d'ailleurs.Mais bon, ce n'est pas ma tasse de thé, j'avais déjà lu un livre de cet auteur, que j'avais mieux aimé, mais j'avais été gênée pour la même raison:il s'agit plus d'un langage parlé, qu'écrit.
Pour répondre à la question de Claire:la fin me parait une bascule comme une autre pour sortir de l'impasse, sans plus, et laisse déconcerté, ce qui doit je suppose donner lieu à un rire supplémentaire!
Il faut lire ce livre dans un certain esprit, qui n'est pas le mien:je ne sais pas lui prêter ce quil faut pour le trouver drôle.L'humour du maître n'a pas su m'entraîner!Et vous?
Une pisteuse me questionne sur "écriture chinoise".Oui, je comptais développer, ou illustrer, puis emportée par mon propos, je regrette de ne pas avoir tout simplement évité ce qualificatif.Car il s'agit seulemnt d'une impression, de certains livres lus, d'auteurs chinois, quand ils sont comme cela dans une forme d'humour que pour ma part je trouve un peu lourde, mais qui relève plutôt du théâtre que de l'écriture de romans , mais là, il s'agit d'une nouvelle, alors je ne peux pas en dire plus!
SupprimerDe Mo Yan, j’avais lu Au pays de l’alcool qui m’avait paru assez indigeste, démonstratif et… pas très convaincant. Quand j’ai vu qu’il avait eu le prix Nobel, je me suis dit que je n’avais sûrement pas lu le meilleur et ça m’a semblé une bonne occasion d’en lire un autre.
RépondreSupprimerJe dirais maintenant que Le maître a de plus en plus d’humour ne doit pas être le meilleur non plus… Mais quel est le meilleur ? Et je retrouve dans ces deux livres la même espèce de lourdeur de narration qui ne me convient pas.
Je suis donc assez d’accord avec les commentaires précédents d’Alberte et Geneviève. Le style est quelconque, mais je suis même surprise qu’Alberte le dise, car le style de Loin de Chandigarh l’était au moins autant, et c’était plus long !
Quant à l’histoire, c’est un genre que je n’apprécie pas trop : le genre conte moralisateur pour démontrer quelque chose de soi-disant décoiffant… mais, finalement assez conventionnel. Cependant, un passage m’a plu : celui de l’apparition du dernier couple… étrange, un peu poétique, et j’ai trouvé que cela allait peut-être orienter autrement le récit. Hélas, le passage en moto du policier est encore plus ennuyeux et la fin ? Pour répondre à Claire, je suis un peu perplexe : j’ai presque l’impression que l’auteur, ne sachant pas comment se sortir de son histoire, utilise une pirouette. Mais ça ne doit pas être ça : c’est quand même un prix Nobel !
Alors, avez-vous d’autres interprétations ?
J'ai entendu dire, et certainement vous aussi, qu'un Nobel de la littérature n'était pas toujours donné en fonction de la qualité de l'oeuvre, mais de son importance par rapport au pays où sortent ces livres.Il est bien possible qu'une petite histoire comme celle-ci soit fort impertinente et très courageuse dans un certain contexte!Peut-être y a-t-il quelqu'un parmi nous qui sait mieux la place de cet auteur par rapport à son pays.Je pourrais chercher sur Internet, mais ,et ce n'est que ma vision des choses, c'est très interessant de l'apprendre par quelq'un du goupe:c'est comme quand nous nous retrouvons et que chacun apporte son plat.Il existe d'ailleurs,écrire cela m'y fait penser, un banquet du livre qui a lieu annuellement!
RépondreSupprimerEt si notre blog était comme un repas , chaque mois auquel chacun amène son idée pour parfaire le menu?Allez, il faut bien plaisanter un peu, et donner de la saveur à nos échanges!
Geneviève, je lis ce matin le message que tu as du déposer cette nuit … tandis que je réfléchissais encore, avant d’écrire quelques mots pour vous dire les raisons de mon choix, et participer au débat. Donc merci à vous Geneviève, Alberte, Odile pour vos commentaires, qui je trouve, se complètent bien.
RépondreSupprimerAlors voila. Il y a quelques mois je discutais avec un ami directeur d’une chambre de commerce, qui revenait de Chine et faisait l’apologie de ce pays : les chinois et le régime politico-écnomique confondus. Imaginez « au moins là bas les gens sont courageux, ont l’esprit d’initiative, tout le monde travaille, on n’a pas peur de faire des ptits boulots, les gens ne sont pas paresseux, ne comptent pas leur temps de travail… on ne critique pas ceux qui s’enrichissent à la sueur de leur front… » comme si il n’y avait pas de syndicalisme, de fermetures d’usines, de grèves… et surtout sous-entendu « chez eux on n’attend pas les aides de l’état, les subventions de tout genre ».
Donc vous comprenez, quand j’ai lu ce petit livre, tout de suite j’ai trouvé que c’était une bonne réponse à ce type de discours ambiant à propos de ces lointains habitants du plus grand pays du monde !
Je pense, mais je me trompe peut être, que Mo Yan tourne un peu en dérision ce règne de la débrouillardise. J’ai l’impression qu’il fallait lire tout au second degré. Si le maître a de l’humour et tant d’humour, c’est qu’il fait n’importe quoi pour gagner quelques sous, et que même à la fin ça ne lui rapporte même pas d’argent puisque les amoureux disparaissent… si vous vous souvenez, quand il décide d’aménager le camion, c’est par ce qu’il a vu des, comme on dit chez nous, « des dames pipi » qui gagnent leur vie à l’entrée des toilettes. » Y’a pas de sots métiers » pourrions-nous dire. Mais pense Mo Yan, est-ce qu’on fait la richesse d’un pays avec ce genre d’activité ?... je n’imaginais pas un instant que vous prendriez cette lecteur au premier degré (dommage que nous n’habitions pas plus près les uns des autres… encore une fois, on voit ici les limites de la communication virtuelle !). Du coup cela m’a beaucoup fait réfléchir à cet exercice qu’est le texte de préconisation. J’aimerais qu’on en parle quand on se retrouvera en septembre.
J’ai entendu dire (à la Radio, et sur des sites de différents quotidiens), après la remise du Nobel, que Mo Yan était très critiqué (particulièrement en Europe) parce que ne prenant pas carrément parti pour les écrivains dissidents, privés de liberté en Chine pour leur critique du système et du Parti. Ce petit livre en serait l’exemple. Il critique mais à mots couverts, et tellement couverts qu’il peut continuer à appartenir au Parti et avoir du succès dans son pays. Mais alors me direz-vous, fait-il progresser la liberté, la démocratie, par ce genre de littérature ?
Quant à cette littérature, justement, je n’ai pas la capacité de dire si elle est de bon niveau ?
Quand je lis ce genre de bouquin surprenant, j’aime m’interroger sur les raisons qui ont conduit l’auteur, qui n’est pas un idiot, à écrire ce genre de chose… c’est d’ailleurs les questions que je me suis posées en lisant « Loin de Chandigar » qui avait reçu des éloges alors que nous nous étions plusieurs à ne pas trop l’apprécier.
J’aimerais lire d’autres œuvres de Mo Yan. Mais promis, je ne vous l’infligerai pas une seconde fois !
J’ai quelques réactions par rapport à ce que vous écrivez.
SupprimerQuand Odile dit à propos de l’histoire qu’elle est finalement conventionnelle, il me semble : pas tout à fait. Ce n’est pas complètement banal et conventionnel d’aménager un vieux bus au rencard en maison de rendez-vous, non ? Je trouve même ça assez gonflé. Non, je crois que notre déception vient vraiment du ton sur lequel c’est raconté, lourd et sans grâce.
Et justement Odile me fait remarquer que c’était pareil pour Loin de Chandigarh : style médiocre et sans intérêt. Du coup, ça m’interroge. Si tel est le cas, pourquoi ne m’en suis-je pas rendu compte alors que j’y suis sensible chez Mo Yan ? Je me retire pour un petite débat intérieur si vous permettez, à moins que vous m’aidiez à débattre ! J’en serais ravie.
La remarque de Geneviève me paraît intéressante : ce récit constitue peut-être une prise de risque pour l’auteur, car il y fait une peinture pas très reluisante de son propre pays ! et la censure sait très bien que le livre sera traduit. Mais la Chine n’est semble-t-il plus la Chine de Mao. Ça se libéralise, non ?
Je passe aux propos de Claire. Ils m’ont fait rire parce que ce que son ami lui disait à propos de la Chine, on peut le calquer pour les Etats-Unis : et sans sous-entendus même, cash ! Mais en quoi ce qu’écrit Mo Yan est un contre-exemple . Au contraire, il renforce cette impression de courage et d’initiative. Voilà un presque retraité qui se fait avoir par son usine ; au lieu de râler, il cherche une combine pour arrondir ses fins de mois, compléter sa retraite qui va être une misère . Ça confirme bien l’impression du directeur de la Chambre de Commerce, non ?
Alors pourquoi avons-nous achoppé sur du premier degré ? Mais parce qu’il me semble que le ton est réaliste, plausible ; on les imagine bien, tous, les ouvriers, la femme, les amants de sortie, le paysage même (ces alentours de la ville) , ce que les personnages se disent, tout quoi ! Du coup on a du mal à entrer dans une autre dimension. On voit même la couleur de la peinture. Enfin, on s’y croirait, on y croit, tel quel.
Est-ce que Mo Yan se donne une fonction de redresseur de torts à travers ses écrits ? Je ne le jurerais pas. Pourtant, à sa manière, il dénonce.
Je ne lui ferais pas un procès de non intention. C’est en restant dans la place parfois qu’on fait bouger les lignes.
Et je ne crois pas, Claire, que tu ne puisses pas être sensible à la tonalité d’un texte…
Bien sûr que l'écriture de Mo Yang n'a rien à voir avec celle de l'auteur de Chandigarh!Dans ce dernier livre, même si je l'ai critiqué , il y avait de magnifiques passages concernant les paysages, les trajets jusqu'à la maison, avec la description de tous ces gens qui étaient au bord de la route, et plus loin des sensations qui s'éprouvaient en fonction également du cadre et du luxe fou, tournant à la débauche, de la femme venue en Inde avec son nouveau mari;rien à voir avec le style de Mo Yan, précis, desriptif, dans le minimalisme, rempli d'humour un peu lourd;Allez, on va pas se prendre la tête, tu as très bien donné ton ressenti, en ce qui me concerne!
SupprimerMoi, j’ai trouvé le texte bourré d’humour, et plein de finesse pour dire des choses fondamentales mais difficiles à exprimer simplement, en quelques pages : le rapport de la femme à l’homme, de l’apprenti au maître, la vision de la police et de l’administration (avec la suite truculente du maire, maire adjoint, directeur d’usine, et leurs marques de voiture respective), la vieillesse bien sûr (j’ai beaucoup aimé tout au long du livre, les touches apportées sur le problème qui doit être tabou de la sexualité à un âge où en principe on n’en a plus), le coût de la santé ; et puis il aborde aussi élégamment la question cruciale de la survie dans l’économie chinoise d’aujourd’hui sans avoir d’enfant sur lequel s’appuyer, en posant le problème du jusqu’où peut-on aller pour gagner sa croute. Jusqu’à quelles extrémités ? Apitoyer les gens, ou ramer comme triporteur, comme vendeuse de fraises, comme loueur d’une cabane pourrie ? En fait, chacun se démerde comme il peut, et ça peut être triste ou joyeux, à chacun d’y voir. La parole de l’apprenti est intéressante à cet égard.
RépondreSupprimerJe pense qu’il se situe plus sur le registre de l’amertume, du « vaut mieux en rire qu’en pleurer ».
J’ai trouvé ce texte plein de détails truculents sur la question du bonheur : heureuses les personnes âgées qui promènent leur oiseau en cage, heureuses la femme qui achète les porcelets à sa fillette, heureux le couple distingué qui se fait balader en triporteur par l’apprenti qui lui « dégouline de sueur », heureuse cette poignée de main avec les maires et directeur, heureux celui qui d’un métier d’ajusteur ne trouve plus à s’embaucher que pour pousser un triporteur, heureuse l’ancienne magasinière à qui il ne reste plus qu’un bras, heureuse sa femme qui doit porter un corsage avec un « gros tournesol aux couleurs défraichies » dans le dos plus tout à fait de son âge ?
Chaque page est bourrée de détails, et du coup je trouve que le style que vous avez trouvé fade, révèle d’autant plus ces indices de la société chinoise actuelle, l’air de ne pas y toucher.
Faire cela en quelques pages m’a semblé un exercice assez difficile et réussi.
Toi aussi, ta lecture me fait avancer.je me dis que, prise dans les "tempêtes" du blog, je n'ai pas pris le temps de me laisse m'imprégner par cette lecture.merci!geneviève
SupprimerEn fermant la dernière page du livre, je suis restée interrogative, dubitative sur cette courte histoire. Tout d'abord, je crois que je n'ai pas saisi la fin...ou bien, je m'attendais à autre chose, une autre chute. J'ai eu la sensation que cela se terminait sans fin réelle. Par conséquent, cela a "gâché" un peu mon plaisir du texte que j'ai, par ailleurs, lu avec plaisir. Certaines descriptions sont sympa (les voitures des dirigeants), d'autres cocasses (la caravane aménagée) Mais je n'ai pas ressenti de pointes d'humour, ni compris où était la critique de la société. La réflexion de Geneviève me semble pertinente car peut être est ce très osé d'écrire ce qu'il écrit.Mais comme toujours, c'est aussi le plaisir de découvrir un auteur.
RépondreSupprimerClaire précise que le commentaire ci-dessus est celui de Véronique
SupprimerMoi je l’aime bien ce vieux monsieur qui tente de s’en sortir pour sauver la face, qui a un peu mauvaise conscience mais pas le choix, j’aime bien aussi la verdeur qu’il retrouve à force de rencontrer des couples qui veulent un endroit pour copuler (verdeur qui surprend (agréablement) sa femme).
RépondreSupprimerJ’aime bien aussi la relation avec le jeune apprenti. Elle est déterminante, il arrive à le convaincre et le déculpabilise.
Cet ouvrier modèle qui a consacré sa vie entière à son usine et à la société, on le couvre de distinctions mais son licenciement à quelques jours de sa retraite le met dans une situation impossible car il n’a pas d’enfants, pas d’argent et doit subvenir aux besoins de sa femme et de lui-même sinon il sait que c’est la grande misère qui le guette et qu’il perdra toute sa dignité d’homme. Il est honnête, hésite, veut sauver la face et finalement n’a guère le choix. Ses convictions sont ébranlées, son pays ne l’aidera pas, il se lance poussé et aidé par ce jeune apprenti. J’ai vu ce récit grinçant et court comme une critique sur la façon dont le capitalisme à la chinoise fait sa place au sein de la société communiste.
Avec les questions sur les relations de couple, sur la moralité et la sexualité, on voit à travers les yeux du maître que la modernité vient percuter la conception désuète de la société chinoise fondée sur le respect des règles et des convenances.
Son idée astucieuse (et amorale) va le sauver.
La fin semble laisser le lecteur sur sa faim mais j’y ai vu le symbole de la moralité ancienne dont il ne se départit pas. Est-ce que ce couple qu’il croit mort ne représente pas sa culpabilité à gagner autant d’argent, nourrie par son attachement aux valeurs du passé ? Est-ce que son imagination ne lui joue pas des tours ? Le jeune apprenti qui a un pied dans le futur ne le sort-il de ce mauvais pas avec cette phrase « décidément le maître a de plus en plus d’humour » ? Comme si l’humour finalement était une réponse face à ce poids.
J’ai aimé ce récit court, émouvant, avec la dose de grivoiserie qu’il faut et qui en quelques pages montre (suggère plutôt) la difficulté à faire cohabiter l’ancienne Chine avec la Chine moderne et individualiste
C’est triste et cocasse à la fois. Un petit livre que j’ai trouvé édifiant.
Catherine
Merci pour ta lecture plus fouillée que la mienne.
SupprimerJ'aime aussi ce que tu ouvres comme questions quant à la fin, décevante à première vue.
Oui, j'avais pensé qu'il y avait le culpabilité qui jouait de gagner si "facilement" de l'argent, par rapport à l'usine.Mais je n'avais pas pensé que cela pouvait avoir des conséquences quant à la conclusion.Tu nous amènes pas mal de choses par rapport à la société chinoise, c'est interessant;Geneviève
MO Yan : le maître a de plus en plus d’humour
RépondreSupprimerVolontairement, je rédige mes impressions avant même de lire vos contributions dont je sais l’existence à travers les courriels échangés.
Je le dis avec joie, ce livre m’a globalement emballé…ce qui veut dire que j’ai une réticence sur un point…
En premier lieu, l’histoire est insolite, joyeuse malgré le contexte rude de cette perte d’emploi, mais en chine cela ne prend pas la même importance me semble t il que chez nous…sans doute un pays lointain où je ne vois pas le travail comme dans notre pays…il y a tellement de gens qui travaille chez eux !!! Joyeux parce que nous passons d’un étonnement à un autre et que l’histoire nous emporte là on n’avait pas imaginé aller…Pleurer n’est pas pleurer, c’est avoir un grain de sable dans l’œil : çà change tout. Et la scène de vente des cochons qui fait remonter dans le cœur du vieillard « des sentiments joyeux qui l’avaient quitté depuis longtemps », ces cochons lamentables qui deviennent des Licornes animal noble s’il en ait. Et puis enfin ce métier de tenancier de maison close où l’on apporte « son manger ».
J’aime aussi la figure de l’apprenti, sorte de mauvaise ou bonne conscience qui encourage, rassure souvent avec des arguments qui illustrent bien le coté un peu rétro de Ding Shikou, en contradiction -sans doute seulement apparente- avec la jeunesse d’esprit de son apprenti.
Bravo au traducteur, car on a le sentiment d’un livre écrit en français, bien construit, au style fort, au phrasé bien balancé. Bref on ne s’ennuie pas et quelques heures passées en compagnie de ce couple improbable fait plaisir…
Alors pourquoi une réticence ? Pour la fin. Je me suis laissé tellement entraîné par le récit qui monte en intensité, en imagination que je trouve la chute assez mauvaise pour un tel projet. Oui, je suis déçu de cette dernière chute, je me suis senti trahi… J’ai suivi et voilà qu’on se moque de moi… Alors je suis aller voir ce que voulait dire « avoir de l’humour »… ET j’ai compris que l’humour véritable est pour celui qui le fait, par pour celui qui le subit… Alors Mo Yan est pardonné. Oui, c’est moi qui manque d’humour !!!
Que cela fait plaisir d'avoir un commentaire de ta part!D'autant plus que ta lecture est très différente de la mienne, et donne à ce livre plus de "pep".Tu as rit là ou le livre en parle, à travers ses personnages et je n'ai pas retenu ces propos , ça me permets de me les réapproprier.
SupprimerTu dis que c'est bien écrit, comme en français, là je suis un peu plus réservée!
Bon, à suivre!geneviève
Le commentaire précédent est celui d'olaf
RépondreSupprimerJulie Otsuka
RépondreSupprimerCertaines n'avaient jamais vu la mer.
De la part d’olaf
Pour tout dire et le dire rapidement, j'ai beaucoup aimé ce livre et m'y suis jeté avec une grande délectation.
D'abord, parce que je ne connaissais absolument pas cette histoire. Quelle lacune. Ce qui est étonnant, c'est que l'époque n'est pas clairement évoquée, il faut la chercher, mais cela n'a pas d'importance. Cet esclavage moderne est de toute éternité.
Ensuite, je me suis laissé « bercer » par cette lamentation en continue, cet sorte de choeur antique qui psalmodie des situations dont on ne sait au début si celles d'une personnes ou de plusieurs...En fait, ce chant rassemble le malheur de toutes ces japonaises, les accumulent quelque fois jusqu'à l'écoeurement (voir le chapitre sur la première nuit qui nous emmène jusqu'à l'écoeurement). Mais quand on y réfléchit chaque phrase est vraie, miroir d'une histoire qui s'est déroulée.
Enfin, il y a quelques perles de style qui sont comme des fleurs poussées sur un fumier. Je n'en cite qu'une seule, mais elle m'a touché profondément. Quand les blancs viennent détruire le travail des étrangers et qu'il faut veiller toute la nuit dans l'espoir qu'on apercevra les voleurs ou ceux qui viennent mettre le feu aux cabanes, saccager les plantations, la veille est longue et souvent silencieuses « jusqu'à l'aube. Parfois, un bruit nous reveillait en sursaut, mais ce n'était rien -quelque part dans le monde, sans doute, une pêche était-elle tombé d'un arbre- ». Magnifique.
Mais il y a le revers de la médaille. Au bout d'un certain temps, on a compris, on aimerait bien avoir d'autres styles de récit, quitter cette répétition permanente qui finit par lasser. Cette psalmodie est efficace quand on est bien réveillé, mais comme dans la tragédie grecque, le chœur peut nous endormir...ou bien précipiter notre lecture pour chercher autre chose, quitte à ne pas peser chaque mot. Dommage.
Merci pour cette belle préconisation. Quelques heures de bonheur dans ce printemps pluvieux, mais tout compte fait le temps est à l'image de ce livre : nuageux et sombre.