mercredi 1 janvier 2014

JANVIER 2014 - Livre préconisé par Odile

L’ELIMINATION, Rithy Panh avec Christophe Bataille

A notre réunion, j’ai choisi le Cambodge dans l’intention de mieux connaître la culture de ce pays de l’intérieur. J’ai, dans mon vieux passé de formatrice, dans les années 80, travaillé avec de nombreux stagiaires d’Asie du Sud-Est et notamment du Cambodge. J’ai toujours été très impressionnée par le monde construit par les Khmers rouges et le génocide qu’ils ont organisé.

Je connaissais également Rithy Panh de nom et comme cinéaste, mais je n’ai vu aucun de ses films. Je crois cependant que L’image manquante est passé récemment à la télévision. J’avais prévu depuis longtemps de lire ce livre.
Cependant, je redoute un peu de vous le soumettre, car il est particulièrement dur : l’auteur écrit sur le génocide, la disparition des siens et de tous ceux qui sont en camp avec lui, à treize ans ! Il en a aujourd’hui cinquante et a consacré, semble-t-il une bonne partie de sa vie à réfléchir à ce qui s’est passé dans son pays. Il en dit : « Oublier est impossible. Comprendre est difficile ». Dans ce but, il a choisi d’interviewer et de filmer Duch, un des responsables et bourreaux. Ce n’est pas la voie de la facilité. Le livre fait des allers et retours entre son passé et ce présent, tous deux difficiles.

Je termine avec une phrase qui m’a frappée par sa justesse et son actualité : « Seul les politiques s’arrogent le droit de gracier ou de pardonner au nom de tous – ce qui est inconcevable pour un crime de masse ou un génocide. Je ne crois pas à la pacification par décret » et je vous assure que c’est un très beau livre.

29 commentaires:

  1. Anny PJ’ai ouvert ce livre un soir de pleine lune ( souvent cela me chamboule et m’excite !!!) et je l’ai aussitôt refermé en me disant là non ce n’est pas possible !! Mais, foi de pisteuses je ne pouvais pas le ranger sur mes étagères sans culpabiliser !!! Et pis c’est notre Odile la créatrice de ce blog qui nous le propose à la lecture donc faut le lire voilà tout !!! Alors j’ai fais une bonne sieste un jour de décembre et calée sur un mon bon vieux canapé bien confortable , avec la neige qui m’offrait ses gros flocons en décor et j’ai lu , puis lu et cet homme si touchant par sa misérable vie m’a pris au tripe ( c’est ce que tu voulais n’est ce pas Odile ???) et je l’ai écouté la raconter avec une pudeur contenue. Je me suis souvenue que je l’avais vu cet auteur dans l’émission « la grande librairie » comme tout un chacune.D’ailleurs vous savez sans doute qu’on en a fait un film va qui sortira cette année. Et en même temps on parlait partout de Dieudonné et de cette négation de la Shoah et de souffrance et du témoignage, de la parole me revenait sans cesse à la lecture. Ce témoignage pour rendre vivant ce qu’il a vécu , pour que les survivants témoignent , pour que cela ne soit pas banalisé tous ces actes odieux (d’ailleurs le film de Hannah ARENDT est remarquable sur la banalisation du mal ) .On a froid dans le dos, comme lui, quand il attend une parole sincère et qu’il n’a en retour que de la manipulation , de la froideur du DUCH . J’ai été touchée par son retour à la réalité dans PARIS où il se tient aux murs, aux carrelages , n’a plus de repère affectif . Il appréhende de se suicider comme PRIMO LEVI , lui restera t’ il encore de l’amour pour lui-même pour vivre longtemps après tout çà ? On est sans cesse en regard avec les déportés, on se pose tout le temps ces mêmes questions , qu’est ce qui fait tenir ?? « J’étais vivant je n’avais plus rien »!!! Comment avoir une vie affective normale après tout çà ? J’ai beaucoup appréciée la réponse du psy qui lui dit qu’il est libre et n’a pas à avoir peur du DUCH qui le manipule par sa perversité .
    La violence avec laquelle sa vie d’enfant bascule est inimaginable , il perd tous ses repères et sa famille et de l’interdiction d’échanger quand il n’y a plus d’argent , de monnaie …Ce livre est magnifiquement documenté .Et ces séances d’autocritique quelle humiliation !! Ne pas montrer ce qu’on pense …Sa famille disparait en six mois ,il se fait transparent , invisible pour rester vivant il l’est sacrément vivant !!!! Cet homme qui traverse tant d’épreuves on a l’impression qu’il nous broie la main , nous la serre, heureusement qu'il est parfois accompagné par d’autres aussi forts que lui ,on ne peut s’empêcher de penser que tout ce qui a reçu de son père et de sa mère la sacrément aidé. Quand il regarde des photos de gens torturés comme lui on a envie d’aller boire un coup la vérité est un poison pour qui ?L’histoire de sa résurrection grâce à la pénicilline est magnifique d’amour maternel pour sauver son enfant ,comme sa concoction de goyavier qui le sauve de la dysenterie… « Le peuple a un ventre qui mange le peuple qui ne le sait pas »est à méditer .Et l’image de renoncement de cette mère qui se noie après qu’elle est appris que tous se enfants ont été torturés m’a donné mal au ventre Chapeau pour ce choix Odile ! On ne peut sortir indemne de ce livre et je crois que j’en garderais longtemps des images mêmes elles étaient parfois insoutenables .



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  2. Je pourrais le relire indéfiniment. J’ai l’impression que tout est important. Chaque mot, chaque phrase… et que ma mémoire défaille. Il est posé là. Je pense, je réfléchis à ce que je vais écrire. C’est très difficile. Emotion. Tristesse. Révolte. Questions.
    La torture ? Ce sont des hommes qui torturent. Des enfants. Des gens conscients, des êtres humains et ça la rend encore plus intolérable. Impardonnable.
    Comment survit-on à de telles atrocités ? quand on est un enfant, en plus. Un enfant intelligent… enfant, Rithy Panh n’était pas inconscient, il était loin d’être sot ou ignorant… il avait 13 ans, mais rien ne lui échappait. Et comme pour tous les adultes autour de lui, ce qu’il vivait, était totalement incompréhensible. C’est ça la force de la dictature, ne répondre à aucune question.
    Alors on comprend ce livre. Fait d’allers et retours entre Duch interviewé, ici et maintenant pour le film, et Rithy Panh chez lui, à Paris, le jour, la nuit, ses pensées, ses lectures, ses rencontres, ses rêves, ses cauchemars, ses mouvements, les odeurs… qui font remonter à la surface des séquences de sa vie d’enfant au Cambodge il y a 30 ans…. et qui provoquent malaises, douleurs aiguës, insomnies, évanouissements, troubles de la vue, migraines.
    Un livre inoubliable. Aucune fioriture. Il répond à une nécessité. Mettre des mots sur l’inconcevable, l’insoutenable… il est à certains moments pour moi, difficile à comprendre (en particulier lorsque l’auteur tente une analyse politique, ou des rapprochements avec d’autres auteurs), mais peu importe, je lis et relis. J’écoute Sandrine Bonnaire lisant des extraits du livre.
    Et de nombreux souvenirs me reviennent : étudiante à la fin des années 60, les discussions interminables sur le Cambodge et la révolution des khmers rouges ; « la fin justifie les moyens » ???, éternelle question (la lecture de Soljenitsyne m’a désemparée de la même manière) ; une vingtaine d’années après, l’admirable pièce de théâtre « le roi Sihanouk », d’Hélène Sixous et Ariane Mnouchkine ; un jeune réfugié cambodgien en classe avec mes enfants, racontant qu’il s’était nourri de racines ; plus tard, assise dans l’obscurité d’une salle de cinéma, le film Shoah …
    Je ressens particulièrement aujourd’hui avec « L’élimination », la puissance des mots, la force de la lecture, plus encore que celle de l’image ou du théâtre.
    Bravo Rithy Panh… et merci Odile.

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  3. Il m’a fallu surmonter des mouvements en moi pour continuer à lire ce livre et aujourd’hui tenter d’en dire quelque chose.
    Une immense, une fabuleuse colère me faisait trembler de l’intérieur. Je ne peux pas lire ce genre de récit sagement. Quelque chose se lève de l’ordre de l’indignation, du sentiment du scandale, de l’insoutenable aussi. Je vois rouge, j’éructe de colère et d’impuissance, non seulement contre l’oppresseur (Pol Pot et sa nuée mortelle de Khmers rouges dont fait partie Duch). Mais aussi contre ces instances mises en place après une certaine guerre mondiale n° 2, je veux parler de la SDN d’abord, devenue ONU (« ce machin » comme en parlait le Général De Gaulle), et qui étaient sensées nous garantir que plus jamais NOUS (mais qui c’est NOUS ?) ne laisserions avoir lieu le plus petit commencement de ce qui ressemble à un génocide.

    Alors cela veut dire que nous sommes soit lâches, soit impuissants ou les deux à la fois.
    Alors cela veut dire que ça n’arrêtera jamais.
    Que nous sommes vains.
    J’écris cela alors qu’en ce moment même une tentative de négociation, la première, a lieu pour faire aboutir sans doute de micro changements dans les positions syriennes diverses, pendant qu’une population civile entière crève de faim, de faits de guerre, de gaz toxiques, pendant que l’autre partie vit déracinée dans des camps de fortune sans avenir.
    Même chose que le cas palestinien, asphyxiée à petit feu…..

    Bon, le livre. Toutes les parties où Rithy Panh parle de sa famille, de son devenir dans les divers camps, de son passé, des liens improbables qui ont fait écho dans sa mémoire, les diverses façons adoptées pour survivre à l’infernale condition, tout cela était bienvenu.
    Les séances de confrontation avec Duch m’ont mise mal à l’aise, à cause du caractère particulièrement retors de ce personnage. Je n’avais pas envie d’en entendre parler. Je trouvais à chaque fois que le travail de Rithy Panh était, si ce n’est inutile, du moins si douloureux que ça ressemblait à du masochisme de sa part. Pourquoi revenir sans arrêt sur l’horreur puisque normalement un tribunal a été chargé de le faire, d’interroger, de clarifier et de juger des actes ?
    Car finalement, si nous sommes incapables d’arrêter les génocides, nous déployons un travail phénoménal (et tardif) par la suite pour juger leurs acteurs.

    Je comprends néanmoins la nécessité pour Rithy Panh d’avoir fait ce travail.
    Et même je le remercie de nous l’offrir, aussi douloureuse soit sa lecture, et infini le doute qu’il suscite dans des esprits comme le mien.
    Ce livre est une plaie ouverte.

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    1. je partage largement cette analyse...Mais faut-il rouvrir les plaies ?

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  4. Que ce livre est bouleversant !
    J’ai l’impression d’avoir eu beaucoup plus de mal à le lire, par rapport à des livres touchant à un sujet semblable, lus il y a longtemps.
    Déjà je trouve ma façon de dire inappropriée : aucun livre ne" touche au même sujet", même si chacun peut me comprendre quand j’écris cela !
    Tout de même, je préfère dire que chacun de ces livres touchant à la suppression d’un peuple est unique dans son écriture, car il est la façon d’essayer de d’écrire, par celui qui est revenu de l’horreur, et l’on sait et l’on voit dans ce dernier ,à quel point l’écriture fait repasser par une souffrance très spéciale : celle de revivre les souvenirs inscrits dans la peau et celle née du doute envers celui qui va lire. Car qui peut croire à une horreur pareille?même pas celui qui nous la raconte, qui sait pourtant qu'elle a existée, en vérité.mais les mots ne sont pas adaptés pour en rendre compte.Rithy Panh a d'abord chosi les images.
    Ici, s’y ajoute la confrontation avec Duch, qui accentue cette dimension. Cet homme à la perversité inouïe,se permet quelques phrases très déstabilisantes qui font croire à la possibilité de sa part, de se sentir coupable, et immédiatement après sa façon si particulière de dénier, ce qui est un retour qui rajoute de la douleur chez Rithy Panh.
    Je pense que ce livre m’a été plus difficile à lire parce que justement, je ressens chez l’auteur une douleur qui fait renaitre l’enfant qui a été persécuté, bien que pour le travail dont il témoigne il ait une force qui laisse sans mot.
    On retrouve d’ailleurs le gamin qui, grâce à ses talents de conteur, quitte la rizière pour être dirigé vers ceux qui font la soupe.Cet enfant qui nous conte l'horreur m'a empêchée de m'identifier à lui, mais m'a amenée à le voir subissant ou assistant à ces horreurs, ce qui rendait pour moi le récit encore plus insupportable:plusieurs fois, j'ai dû poser ce livre et reprendre ma respiration avant de continuer ma lecture.
    Mais je ne me sens pas d’ajouter plus que cela à ce texte qui pour moi ne se commente pas.
    C’est justement pour cela que je me contenterai pour terminer, de citer quelques une de ses phrases, car il est difficile d’écrire après lui, chaque mot devenant dérisoire.
    « Ce qui blesse est sans nom »P14
    « Se révolter c’était d’abord vivre »P103
    « Je ne sais pas si on peut parler convenablement de pardon »p
    Après avoir donné toute une liste de lectures autour de la réflexion sur les camps, il nous dit : « Je respire avec René Char et Prévert ».P133
    « Je ne retrouve pas, je cherche »P213
    « Les khmers rouges avaient donc développé cette langue sans dialogue, sans échange, cette langue dérivée, violente, fondée sur des mots khmers, qui écartait certains et en forgeait d’autre. Aujourd’hui, tout a disparu de cette grammaire où il n’y a pas de place pour l’émotion, le doute, le trouble »p211
    'Duch résume ainsi : « Il y a quatre secrets :je ne sais pas ;je n’ai pas entendu ;je n’ai pas vu ;je ne parle pas . »p226
    Il pourrait y en avoir d’autres.
    Inutile de souligner le procédé d’élimination. Le titre de ce livre es bien trouvé.
    Qui a lu Télérama cette semaine a lu que le film de Rithy Panh est proposé aux oscars.

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  5. Un petit mot de réaction aux quatre commentaires publiés en cette fin de mois : d'abord, je constate que, comme moi, vous êtes submergées par ce récit. Certainement une des raisons qui fait que cela nous touche tant c'est l'âge qu'à Rithy Panh au moment où ça arrive : comme le souligne Claire, 13 ans ! Tant de choses à construire, à apprendre et néanmoins c'est le génocide qui arrive... Quel itinéraire de vie peut se construire après ?
    Je voudrais répondre à quelques observations : non, Anny, mon but n'était pas que ce livre vous prenne aux tripes ; ce qui m'intéresse le plus et ce sur quoi j'ai essayé de lancer des questions, c'est ce qu'il dit du pardon et de l'oubli (impossibles).
    Comme Alberte et Geneviève, j'ai été questionnée par les relations à Duch et son esprit manipulateur : troublant, dérangeant...
    Alors, on attend les suivantes.

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  6. Je n'ai pas fini de le lire car j'étais sur un autre bouquin : le diable tout le temps de Donald Ray Pollock. Peut-être que je vous en ferai part dans les bavardages, l'Amérique profonde y est décrite de manière cauchemardesque.
    Je peux simplement dire que ce témoignage sur le génocide cambodgien est poignant à plusieurs niveaux : l'histoire de ce pays qui efface de sa carte le tiers de sa population en cinq ans, de l'intérieur ; l’enrôlement de ces jeunes khmers rouges, qui ne doivent pas toucher les autres, le récit des tortures et de ces tortionnaires qui sont 24h sur 24 à faire ce qu'on leur a dit de faire, la volonté de l'auteur d'essayer de comprendre, l'effort que je fais en tant que lectrice de comprendre cet écrivain cinéaste qui tente l'impossible dans un déchirement que je ressens très douloureux... poignant, poignant, poignant.
    Mais c'est juste mes premières sensations.

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    1. Salut Velyne !
      passer de l'enfer américain à celui du Cambodge... j'espère que t'as le moral !

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  7. Je ne sais pas pourquoi les commentaires ne "tombent" pas plus vite, alors que le livre est court. Je peux dire qu'après l'avoir lu j'ai, pour ma part, mis longtemps à déposer mon commentaire. J'avais besoin de réfléchir, prendre du recul. Car depuis que nous lisons et écrivons ensemble, je trouve progressivement plus intéressant de réfléchir à ce que l'auteur a voulu dire, comment il s'y est pris.... j'essaye autant que je le peux, de ne pas m'en tenir uniquement au contenu du livre. Et pour cela il faut nécessairement mettre l'émotion un peu de côté.

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  8. Comme je l'ai écrit, j'ai mis très longtemps a lire ce livre car je devais m'arrêter à chaque paragraphe, comme pour me récupérer ,touchée au plus profond par le dire de Rithy Panh.
    Le pardon? j'ai l'impresion que pour pardonner, il faut avoir un témoin coupable.J'ai du mal, pour ma part avec les "pardons" de masse.Où beaucoup plus tard, quand l'histoire s'emparera vraiment de ces évènements ,et permettra de scander par un pardon collectif, le déroulement du temps.
    Or, justement,notre auteur a trouvé un interlocuteur pris autant que lui, mais de l'autre côté,parmi les gens qui ont traversé cette période terrible, et il cherche à tous prix à lui faire témoigner de la vérité de ce dont il se souvient, et qui est dans le registre de l'impensable.
    Mais en face de lui, il a un menteur, ou du moins quelqu'un qui ne dira jamais "oui" à une question qui comprend l'interrogation à propos d'un fait.Pas de coupable, pas de faits réellement reconnus comme ayant eu lieu!
    Alors, le malheur reste l'affaire de ceux qui l'on subi et ne peut être débrouillé de leurs affects, ce qui est normal mais terrible.Et il faudra plusieurs génération pour qu'on en fasse déjà "des histoires", comme Rithy Panh essaie de le faire à propos de faits isolés, mais qui font renaitre sa colère.
    On sent cette vague de douleur supplémentaire dans le texte, après des réponses de Dutch, qui relancent le processus..
    C'est tellemnt insensé, ce qu'il s'est passé,que même celui qui essaie de s'en extirper semble avoir l'impression que ce qu'il veut dire n'est pas crédible!
    D'autant plus que les traces sont plus que rares...Le titre du livre montre très bien quel en est l'objet:un peuple a été éliminé,mais les traces également, et cela était à l'oeuvre dans le processus même des horreurs commises:tout le monde perdait son nom , c'est dire!
    Finalement, en écrivant, je pense définitivement qu'il ne peut y avoir de pardon"en général". Mais je pense, et on le voit bien ici,que c'est la douleur que cela fait vivre, qui fait naitre la création:ici, ce livre et le ou les films.
    Et quelle force difficile à vivre porte notre auteur!Sa créativité le tient sur le fil du rasoir:il peut continuer sans fin, et trouver un chemin de création qui ouvrira son champ pour vivre cette horreur un peu moins "en direct".mais pour l'instant le moindre évènement, une parole, quelque chose écrit dans la presse peuvent le faire basculer.C'est terrible.On ne peut que lui souhaiter beaucoup de courage.

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  9. anny P Bonsoir les filles !
    Une suggestion :Peut être que quand le film sortira en salles nous devrions aller le voir ensemble et nous payer ensuite un bon petit blanc-casse ( blanc cassis !!!) avec quelques gougères ...Et on pensera aussi aux autres copines d'ailleurs !!!
    Sinon j'ai été émue par ton ressenti geneviève donné avec beaucoup d'émotion et de tripes qu'entraine ce livre c'est vrai .

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    1. Moi aussi, j'aime beaucoup ce que dit Geneviève sur le pardon et sur l'auteur.
      quant au film, j'avais compris qu'il était déjà sorti (dans l'introduction que j'ai en livre de poche, il est dit qu'il a déjà fait 3 films : "les gens de la rizière" ; S21 - la machine de mort khmère rouge" ; et enfin "l'image manquante" en 2013. C'est de celui-ci dont tu parles Anny ?
      Si c'est à l'image du livre, vous devriez prendre plusieurs blanc casse après (ou avant, ou les deux !!)

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  10. Le tournage du film dont il est question dans L'élimination est bien "L'image manquante". Je viens de voir sur le site d'Arte, qu'il a été diffusé le 25 novembre et le 6 décembre, au milieu de la nuit, ou au petit jour... Je regrette de ne pas l'avoir vu. Mais je vois qu'il est disponible en DVD. On peut en voir des extraits sur le site d'Arte.

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  11. Un livre terrible, une épouvante.
    Un témoignage capital mais dont la lecture a été par moment, pour moi, insupportable. Livre indispensable pour le devoir de mémoire, mais impossible à « aimer »(j'aime ce qui me fait du bien, ce qui est beau, ce qui m'attendrit, etc.) tant il renvoie à la part la plus obscure de l’humain.
    Oui j’ai du mal avec ces livres qui décrivent l’horreur, mais j’ai lu l’élimination par solidarité et empathie avec Rithy Panh et avec tous celles et ceux qui ont souffert sous le régime de Pol Pot. Ce livre m’a fait le même effet de sidération que Nuit et Brouillard, et l’auteur en parle : « A dix-huit ans, je découvre Nuit et brouillard d’Alain Resnais. Je suis surpris. C’est pareil. C’est ailleurs. C’est avant nous. Mais c’est nous. P149-150 ». C’est ça….c’est terrible mais c’est nous, humains.
    Lecture solidaire vs lecture plaisir.
    Je me suis sentie dégoûtée de l’humain, estomaquée devant l’impensable. Toute cette folie des khmères rouges, toute cette imagination puisée dans l’horreur, tout ça est pour moi impensable et ce livre comme celui de Primo Levi aide à penser cet impensable. Si ce livre avait été un roman je crois que j’aurais stoppé ma lecture (je n’avais pas pu lire au début de ma participation aux pisteurs le livre « Allah n’est pas obligé » qui me donnait la nausée). Avec l’élimination je me disais c’est à lire, c’est sa vie, c’est un témoignage et c’est encore et toujours la preuve que l’histoire ne « sert » à rien, le pire se reproduit (le Rwanda, La Syrie, etc.), on en a des exemples quotidiens et voilà dans ce déferlement de monstruosités, sur ces cadavres d’enfants, sur ces tas d’humains mutilés il faut continuer à croire en l’humanité et à s’accrocher aux belles choses…à s’accrocher à la vie comme le fait Rithy Panh.
    Et que dire de ce Dutch qui met son intelligence au service de la perversion « Pol Pot, Khieu Samphan, Ieng Sary, Ieng Thirith ont vécu à Paris pendant plusieurs années où ils ont étudié Rousseau et Montesquieu, les Lumières et la Révolution française, parfois Marx, certains textes de Staline ou de Mao » (p. 93). Au moins c’est un argument de plus pour ceux qui pensent que l’éducation, la culture sont des remparts absolus contre la violence….hélas non…
    Montrer ce cauchemar dit Rithy Panh. Je l’ai vu, je ne l’oublierai pas. Une question m’est venue «est-ce que Dieudonné et tous ces adeptes ont lu ce livre, ont-ils vu Nuit et brouillard ? ont-ils lu Si c’est un homme ?
    A l’instant sur le site de Tobie Nathan je viens de trouver ces mots qui répondent à mes questions :
    « Un livre ? Un coup de poing dans l’estomac, plutôt ! Vous le prenez là, vous vous pliez en deux et ensuite vous réagissez… ou pas ! Mais alors, tant pis pour vous, parce que ce livre vous travaille, pénètre les méandres de votre âme et s’assoit là, tout au fond, comme un léopard à l’affût. »
    « … pourquoi lire de tels témoignages, quelquefois à la limite de l’insupportable ? La description de ces violences extrêmes nous apprend, non pas seulement sur les capacités des humains — et notamment les enfants — à survivre au pire ; non pas sur ce qu’on a appelé avec naïveté "la banalité du mal", mais sur les stratégies politiques réelles, telles qu’elles viennent s’incarner ; telles qu’elles viennent s’incruster à l’intime de l’être. La psychologie, ce n’est au fond que de la politique incarnée ».
    Rithy Panh a le courage incroyable de mettre des mots sur l’indicible, son combat pour la mémoire de son peuple de sa famille de toutes celles et ceux est exceptionnel d’humanité à l’inverse de ses bourreaux. Courage Voilà je n’ai pas voulu détourner le regard devant la barbarie parce que
    Le pire est de savoir que la folie totalitaire ne s’arrête jamais, des génocides ont suivi, se déroulent en ce moment d’autres suivront…et des livres s’écriront. Catherine

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  12. Bonjour Catherine
    si ce livre avait été un roman je n'e l'aurais pas lu, dis-tu... et tu rappelles ton refus de lire "Allah n'est pas obligé", il y a quelque six ou 7 ans, au début des Pisteurs. Ton commentaire d'aujourd'hui me fait mieux comprendre ta réaction au livre que j'avais moi-même proposé. A l'époque je n'avais pas compris, mais, c'était la règle du jeu j'avais accepté, même si j'en étais un peu "frustrée" !
    Et tu me fais mieux comprendre la place et le rôle des autobiographies dans la littérature.
    Pour ma part je retiens non pas que RP écrit pour qu'on se souvienne, pour la mémoire etc... mais qu'il écrit pour lui. Pour tenter de repérer l'humanité du criminel, comprendre son tortionnaire, l'éliminateur, il met des mots... il écrit au sens propre. La contribution du livre à l'inscription dans l'Histoire, est seconde. Par contre les livres précédents, moins autobiographiques, les films, eux ont cette fonction d'inscription dans l'histoire. Enfin, c'est mon point de vue...

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  13. Je suis désolée, mais je n’y arrive pas.
    Je promène l’élimination dans le bus, à la bibliothèque, sur mon lieu de vacances. Rien. Ou plutôt, tout ou trop, une sorte de vertige et de de béance de l’effroi anticipé. J’ai commencé à lire vos commentaires, mi janvier pour me donner de l’élan, à nouveau en cette fin janvier. Cela ne m’est toujours pas possible.
    Je ne peux que prier Odile et chacun-e de bien vouloir m’en excuser, il me semble percevoir que je ne suis pas assez forte ces temps ci pour faire face à l’élimination et aux émotions que cette lecture provoqueraient.
    J’ai parfaitement conscience de donner peut être l’impression de ne pas jouer le jeu de notre cercle littéraire.
    Toutefois, je m’interroge. Qu’est ce qui se passe là ? Je mesure que mon quotidien professionnel d’éducatrice me confronte déjà à une part d’insupportable et que la question de ce que je peux métaboliser en plus se pose à moi.
    Finalement, reste ce trouble : comment faire face à l’horreur ? Avec quelle énergie -du désespoir peut –être- se convaincre qu’il nous reste à « chercher l’or du temps » ? Avec quel optimisme de la volonté garder le cœur, et les yeux, ouverts ?
    Et si je peux me permettre cette allusion très « guerre des étoiles », comment se protéger du côté obscur de la force ?
    Il me semble que « L’élimination » nous confronte à ce défi. Mais, il faut être prêt-e à le relever. Sans se laisser submerger.

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    1. Comme je te comprends.
      Tu mets d'autres mots sur le malaise que j'ai exprimé dans mon commentaire.
      Claire dit "je pourrais le relire indéfiniment" (pour ma part j'en mourrais !), toi tu dis "le lire est au dessus de mes forces"...Quel livre !!

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    2. je te comprends complétement Marie Anne... cette lecture à quelque chose d’insupportable. Mais l’insupportable n'est pas le même pour chacun...

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  14. Merci pour ton témoignage qui me touche beaucoup et fait écho chez moi..

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  15. marie-anne bonjour
    j'ai appris avec les pisteuses que l'on peut donner son ressenti très fort sur un livre ,sur son malaise et le lire plus tard c'est aussi autorisé tu sais enfin j'espère l'accord des copines !!
    et merci à catherine pour sa petite photo moi qui ne la connais pas !
    biz
    Anny P

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  16. bonjour à chacun-e, merci pour vos retours. Probablement effectivement, je lirai "l'élimination " + tard, ms alors plutôt en été dans une chaise longue sous mon cerisier.... car la douceur de certaines heures permet souvent d'aller là où ça résiste.

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  17. J’ai mis beaucoup de temps à lire ce livre. Impossible d’enfiler les pages comme un roman, ça prend à la gorge. Pour le supporter il me fallait en parler souvent à différentes personnes et pourtant j’avais du mal à trouver les mots. J’avais beau connaitre ce moment terrible de l’histoire cambodgienne, je n’avais pas à l’esprit tous les rouages quotidiens de destruction d’un peule et de l’individu, son affect, son intimité, son corps, sa parole, qui était au centre de cette logique d’Etat des Khmers « rouges ». Vous avez toutes dit beaucoup de choses et je n’aime pas la répétition, je suis sensible à vos propos concernant les rapports entre l’auteur et son bourreau. Je n’en dirai qu’une seule chose, Rithy Panh est pour moi est un Grand Homme qui par sa lutte permanente nous permet, avec pédagogie, sensibilité, rigueur, de nous donner à voir, ressentir, tenter de comprendre, et surtout ne jamais oublier l’horreur humaine toujours possible.
    Merci Odile.

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    1. Le commentaire ci-dessus, est celui de Marie.
      Claire

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  18. Rith PANH
    L’élimination
    De la part d’olaf


    On ne peut dire que c’est un livre réjouissant… On se demande même si l’auteur n’a pas écrit ce livre comme une catharsis : se libérer de son passé en écrivant. Mais la tragédie de ce pays est telle qu’il faut des témoins -même si cela me (nous ?) dérange -.

    Je m’explique un peu plus.

    La folie Khmères rouges fait partie de ces époques que l’on ose qualifier et qu’on connu tous les nations du monde à des moments différents : l’Allemagne en 39, la Russie au début du siècle dernier, et comme toujours nous restons en grande partie aveugle devant le phénomène (bien sûr au moment où il déroule, personne ne bouge) mais également au moment d’écrire l’histoire.

    Duch, questionner sans relâche par l’auteur, est un homme ordinaire. L’auteur ne cesse de le repeter et pourtant il a fait des choses peut ordinaires. Il est sans doute un instrument d’un parti ou d’une révolution (mais alors où est la Liberté individuelle ?). A la page 134 de mon édition (je cite) « La vie est étrange, je suis devenu khmer rouge mais j’aurais pu être dans le clan de Lon Nol. Alors j’aurais été exécuté par les Khmers rouges » Rêveur (conclue l’auteur)… Duch réécrit sa vie. (Fin de citation). Et si il y avait là du regret que l’auteur ne veut pas entendre…
    Et si il y avait dans chacun d’entre nous du « Duch » : dans nos non choix, dans notre passivité en face des événements, dans notre aveuglement sur certains sujets et que tout cela ne se voit pas compte tenu de la situation confortable que nous vivons dans un pays « démocratique ». Que ferions nous en cas de grandes tensions ?

    Ce qui rend le livre « lisible », c’est sa construction sur les 4 niveaux : un film, des souvenirs de la période Khmer, des recherches historiques et le livre lui-même. C’est ces quatre niveaux entrelacés en permanence qui nous font avancer dans le livre. Sans elles, je crois que le seul récit de Rith Panh n’aurait pas suffit. Le passage d’un niveau à l’autre est particulièrement réussi car nous nous laissons prendre sur ces différents registres et nous suivant l’auteur au grès de ses réflexions.

    Au terme de cette lecture deux questions me traversent :

    1. un livre est-il capable de faire oublier à son auteur l’enfer de sa jeunesse ? Je croirais plus volontiers que l’écriture d’un journal intime aurait ce pouvoir. Pourquoi publier alors ?
    2. Pourquoi Odile nous a-t-elle recommandé ce livre ? Dans la reco, que je viens de relire, je trouve des arguments plus « intellectuels » (réflexions sur l’oubli et le pardon notamment) que personnels. Attirance pour la personne ? Empathie pour cette histoire de pays qui en rappelle d’autres plus personnelles ? Mais je ne sais pas, au fond, pourquoi, elle nous a emmené dans cette lecture.

    Rennes, le 15 février

    NB : en retard sur ce livre, mais le suivant est déjà entamé…

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  19. Et bien chapeau Olaf tu nous épates !! Enfin tu nous cause à travers tes avis !!! Et saches qu'ici dans ce club on parle peu de soi alors si tu ouvres la brèche et bien je trouve çà très bien, il y a en effet parfois peu de hasard sur le choix d'un livre et:en ce qui me concerne la violence de l'auteur par les khmers rouges m'a renvoyé à celle très peu dite à mon goût encore des français en Algérie contre les magrébins .
    Biz
    Anny P

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    1. Tu as raison, sur ce rapprochement... Nous avons tous, forcement, quelque chose qui nous rapproche d'un livre...que nous proposons...

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  20. Voilà, j'ai enfin compris pourquoi mon commentaire ne se publiait pas...donc voici quelques réactions à propos de ce livre car tout le monde s'et largement exprimé. Je l'ai lu par petites touches pour supporter l'horreur de ces lignes. Pourtant je savais car j'ai une amie qui a vécu au Cambodge à cette période et a traversé des moments assez terrifiants qu'elle m'a souvent racontés.Cette lecture comme tant d'autres sur ces génocides me posent cette question: Qu'aurais je fait dans une telle situation? Comment aurais je tenu le coup face à la famine, aux violences en tout genre? Quand j'y pense, cela me fait froid dans le dos et je me fais peur en imaginant que peut être que je ne pourrais pas respecter mon intégrité intérieure.
    Mais ces livres sont nécessaires pour que l'humanité sache...bien qu'il y ait des prises de conscience d'un certains nombres de personnes, régulièrement d'autres dictateurs prennent le pouvoir. Peut être est ce du côté de la "folie" qu'il faut y trouver une explication...

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  21. Bonjour à tous,

    Pour ne pas clore cet échange, je vais répondre à la question d'Olaf, qui est peut-être la principale : pourquoi ai-je préconisé ce livre ? J'en ai dit deux mots dans la préconisation, car j'étais un peu inquiète de votre enthousiasme à une lecture pareille. La première, c'est un intérêt pour le Cambodge et les Cambodgiens que j'ai croisé dans mon passé professionnel : quand on croise des réfugiés, tout ne se dit pas, il y a des traumatismes qui ne peuvent se mettre en mot, qu'on soupçonne... Comme mon père, et bien d'autres, prisonniers... Et ceux des camps. Et une interrogation m'obsède : qu'aurais-je fait ? Aurais-je compris ? Aurais-je su lire derrière les apparences ? Aurais-je résisté à cet enthousiasme collectif ? ... Etc... Je ne sais rien de tout cela et je pense qu'on ne le sait pas tant qu'on ne l'a pas vécu. Du coup, je me refuse à me gargariser de grands mots après coups.... Puisque nous étions vivants et là au moment où ça s'est passé.
    Et Rithy Panh fait une autre chose qui me terrorise : rencontrer son bourreau... On ne peut jamais cesser de réfléchir à des questions comme celles-là.
    Voilà mon dernier mot sur ce livre.

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