Christine Lavransdatter, de Sigrid Undset
J’ai choisi ce roman écrit au début du XXème
siècle et qui se déroule dans la Norvège du XIVème siècle
parce qu’il me semble qu’il nous fait pénétrer dans un monde nordique un peu
déroutant. On y trouve d’abord la peinture d’un destin de femme entière,
combative et sensuelle, mais aussi un rapport à la nature et aux légendes que
l’on rencontre chez d’autres écrivains nordiques.
Tout cela crée une sensation étrange et
donne un sentiment d’inexorabilité. Le destin de Christine Lavransdatter semble
marqué, dès son enfance, par des accidents, des obstacles, des difficultés et,
parallèlement des moments de grâce, des révélations. On sent que rien ne lui
sera donné, que rien ne se passera facilement.
Ce qui porte le livre, c’est l’énergie de
cette femme, déterminée, ouverte, courageuse. Et ce qui est intéressant pour
nous aujourd’hui, me semble-t-il, c’est de voir s’accomplir ce destin, où la
femme n’est pas forcément sans pouvoir, mais où elle devra payer le prix fort pour
son accomplissement.
Il y a trois tomes, qui balayent toute sa
vie. Je ne vous ai proposé que de lire le premier (il ne faut pas exagérer),
mais j’espère que ça vous donnera envie de lire les trois. Le premier porte sur
sa jeunesse, le second sur sa maturité et le troisième sur la fin de sa vie.
Ce livre m’a emportée, et je l’ai lu jusqu’au deuxième tome, qui m'a plus ennuyée, mais je l'ai terminé, et je lirai sûrement le troisième.
RépondreSupprimerEst-ce parce que je l’ai lu sous la couette un week-end tout gris où je n’étais pas très en forme ? Toujours est-il que j’ai marché dans cette histoire.
J’ai découvert Christine enfant. J’ai aimé son intrépidité, la relation qu’elle instaure avec son père, notamment quand elle est dans la nature, et quand ils font des ballades à cheval.
J’ai aimé que ce livre décrive la nature et ses humeurs, pour soutenir en couleur les évènements de la vie de Christine et sa famille.
J’ai aimé également, la profusion de détails concernant les habitations, la maison, les vêtements, la cuisine, tous ces gestes de tous les jours, qui immergent vraiment le lecteur dans un pays, une époque, une famille.
J’ai trouvé très juste la description de tous les " mouvements de l’âme "qui naissent chez Catherine quand elle est partagée entre sa foi et ses "mouvements de cœur" !
Bien sûr, ça devient lourd, mais cela pèse autant que ce qu’il en est réellement de la façon dont la femme est entravée dans les codes de cette société profondément soumise à la religion ,profondément chrétienne, ce que je n’imaginais pas
J'ai aimé découvrir ce pays, son histoire.Cela m'a mise de bonne humeur pour découvrir les livres à venir, ce qui n'était pas gagné!
Alors, il y a des foules de choses à discuter. Ce livre est tellement dense et rempli de moments variés qu’il faudrait en écrire une thèse!
Bien sûr, il faut marcher avec ce choix d'écriture prolixe à profusion, mais qui ne s'étend pas pour rien:tout est important,il faut faire le choix de se repaitre de tous ces termes, qui font passer par un vocabulaire très riche et qui moi ,m'a fait du bien.
J'attends vos commentaires pour réagir aux nuances de ce livre
Original de commencer notre année de littérature par ce roman vieux d’un siècle presque. J’ai été un peu désappointée au début, mais très vite je me suis passionnée pour la vie de ces gens si loin de moi dans le temps et dans l’espace (pour l’instant je n’ai lu que le premier tome). J’ai entendu à la radio, sur France-culture peut être, que le roman donne à voir ce que l’œil ne voit pas… ce récit pour moi lectrice, pendant ces deux ou trois semaines de lecture, c’est exactement ça. Plus que le destin de cette jeune fille ce sont les descriptions qui m’ont intéressée. A chaque détail je me disais mais qu’est-ce qui permet à l’auteur d’écrire ça ? comment le sait-elle ? c’était il y a quelques huit siècles quand même ! Eh bien oui, la nature, les plantes, les saisons, la montagne, l’ambiance de brouillard, le dégel, les hommes luttant au corps à corps avec les animaux plus ou moins domestiqués, les sensations de la terre gorgée d’eau dans laquelle les jambes s’enfoncent, l’éblouissement quand on sort de l’obscurité des habitations (eh oui, il n’y a pas d’électricité) dans un premier temps on voit les êtres vivants à l’extérieur quand on sort, en noir, comme à contre-jour… j’ai trouvé ça génial d’observation, d’effort pour rester dans le vrai, en pas tricher… On n’est pas dans le conte de fée. Même les couleurs des robes, rouge celle de mariée, or et bleu celles de fête, les chaussures à boucle en argent… tous ces détails sont ravissants, on croit voir des tableaux de grands maîtres de l’époque.
RépondreSupprimerJ’apprécie d’autant plus cette lecture que pendant de nombreuses années du temps de mes études d’histoire, j’étais sans nuance, et faible lectrice il faut le dire, je bannissais les romans historiques, persuadée que tout était de la pure invention. Et puis la vulgarisation – je me disais - ça conduit nécessairement à des affirmations erronées (les rois mérovingiens paresseux, Charlemagne grand, les gaulois avaient les cheveux longs et étaient incultes … ! j’ai vu qu’à 8 ans, on apprend encore ça à l’école aujourd’hui).
Je pense que si Sigrid Undset a reçu un prix Nobel pour ce chef d’oeuvre, c’est qu’elle a su recréer non pas seulement le cadre, l’environnement d’une époque, mais les mœurs, des traditions et des coutumes patriarcales, les formes de propriété et les manières de transmettre les biens, l’omniprésence de la religion et la permanence en même temps des croyances païennes.
Il me semble que pour les sentiments, les émotions, la peur d’une jeune fille quand elle chevauche seule dans la forêt, la force des liens fille/père, la vie dans le couvent et les relations entre les religieuses, le plaisir, le doute de l’amour de l’autre, la culpabilité et les arrangements avec sa conscience… l’auteur a puisé dans son expérience, une expérience, des sensations, qui traversent les siècles. Elle voulait représenter un destin de femme combative, et c’est vraiment réussi.
J’ai définitivement perdu mes a-priori sur les romans historiques. Merci pour ce voyage dans le grand nord, au Moyen-âge !
Je ne peux que partager totalement les deux avis précédents. Je continue à lire les autres tomes.
RépondreSupprimerJ’adore le fait qu’un texte me marque au point que je m’en sente imprégnée tout le temps, et qu’il me donne un sentiment de bonheur, une sorte de sérénité ! sans trop pouvoir dire pourquoi ! Cette sensation peut-être d’arriver à comprendre les tréfonds d’un temps disparu et d’un pays lointain de mon univers.
Je trouve que l’auteure arrive à la fois à nous faire ressentir cette période de manière très sensitive, très concrète, à travers les lumières, les couleurs, l’odeur et le toucher des choses… et à la fois les tourments psychologiques de l’héroïne. J’aime que ce texte soit long, que l’auteure ait pris le temps de nous immerger dans ce monde.
Ce qui me plaît également, ce sont tous les autres personnages, celui de la mère et du père, celui d’Erlend aussi qui me semble intéressant parce que complexe, comme un représentant de l’avant christianisme, rebelle à plus d‘un titre. Il y a plusieurs rebelles du reste dans cette saga.
De quelle façon aussi l’auteure arrive à nous installer dans l’univers mental de ce christianisme nordique, ça m’a bluffé ! Le temps des saisons ponctuée par les fêtes des Saints - il y a beaucoup de saints, mais les fées et les superstitions demeurent -
Comme aussi la manière dont elle nous fait percevoir l’organisation de ces seigneuries féodales, des solidarités familiales nécessaires à la survie, basée sur un monde qui fonctionne en vase clos, qui abrite petites gens et domestiques, mais ouvert aux autres : les gens circulent, vont au-delà des vallées, à la ville…; basée aussi sur l’autarcie mais non à l’abri des problèmes de disette qui devaient être récurrents à l’époque, et des secrets honteux des familles !
Dans mon échelle de valeurs, ce roman arrive pour moi à la hauteur de Stefan Sweig, qui est un de mes auteurs fétiches..
Il est certain que Krristin fait maintenant partie de mon univers littéraire!!!
RépondreSupprimerSigrid Undset a créé un personnage qui a pris vie, qui a résonné en moi comme peuvent le faire tous les grands personnages de la littérature.
Ce roman m'a emportée, car au delà de kristin tous les autres personnages qui gravitent autour d'elle sont décrits avec finesse, nuance. Les profondeurs de l'âme ne sont pas réservés à l'héroïne.
deux exceptions toutefois pour Arne et Eline qui meurent tous deux dans des circonstances violentes. La mort d'Arne en particulier m'a gênée. Vite mort, vite oublié, vite disparu de la narration.
Eline aussi est peu analysée, sinon de façon caricaturale, il est difficile de comprendre la position d'Erlend, le seul argument de sa jeunesse rend difficilement compréhensible cet amour puis ce désamour, alors que la passion est bien présente dans la mort d'Eline.
J'ai aimé, dans ce livre ce souci de l'auteur de décrire avec minutie les lieux, les codes de la vie sociale. Les rapports hiérarchiques m'ont beaucoup intéressé, d'autant plus que je me suis souvent sentie déstabilisée entre mes connaissances du XIVe siècle français et ce même siècle mais norvégien que je ne connais pas!
J'ai aimé aussi cette narration du voyage: de la montagne à la plaine puis à la ville, ces descriptions de l'espace ouvert des rues, des chemins, de la nature puis l'espace fermé des maisons, du couvent. Ces espaces marqués par le froid, la pluie, la neige sont presque devenus familiers au long des pages, j'y étais un peu chez moi!
Par contre, la place très importante donnée à la religion est devenue pesante pour moi.Certes, le christianisme envahit la sphère sociale au Moyen Age mais était-il nécessaire qu'il envahisse tant le temps du roman?
Mais ces quelques réserves faites, cela a été une très belle découverte, des heures délicieuses à suivre les découvertes, les émotions, la force de vie de Kristin. J'attaque le tome suivant!!!
Je suis en train de le lire, et ce que tu dis sur la religion est vraiment très présent dans le tome deux ! la question du péché, de la repentance, du salut, etc, envahit totalement le roman, au point que je ne m'y retrouve plus dans le personnage de Kristin qui me semble "engluée" dans cette religion comme dans de la poix. J'espère qu'elle s'en sortira à un moment...
SupprimerOui.Dans le deuxième tome,j'ai eu du mal avec le personnage de Kristin et les pensées qui la mettent dans une culpabilité et un autoflagellation que j'ai trouvés exagérés, étant donné certaines de ses réactions et prises de position auparavant.Je n'ai pas lu le livre d'assez près pour comprendre,mais au premier abord cela me parait contradictoire avec la façon dont l'auteur l'a fait vivre jeune..A moins qu'avec le contexte historique je n'aie pas vu les conséquences pour elle de ce qu'elle a osé?Qu'en pensez-vous?
SupprimerEn tous cas, Nicole, bravo pour ta lecture très précise autour des personnages que je vais aller retrouver, car je n'ai pas enregistré tout ça.Tu lis les choses de très près.Merci!
C'est je trouve très compliqué. Elle ressent le besoin de se purifier par rapport à "sa faute" avec Erlend, à son attitude envers son père, et du fait qu'elle a voulu et entraîné la mort d'Eline. Mais j'ai l'impression que c'est surtout par rapport à l'attitude de son père qui ne l'a jamais reniée, au contraire, qu'elle se sent le plus coupable...
SupprimerC'est certain.Tout se passe par rapport au père qui a , ou qui n'a pas, encore découvert(je ne sais pas si c'est dans le tome 1ou2)qu'elle était enceinte à son mariage...mais ça n'en finit pas!...
Supprimeroh ! là là me sens juste un peu décalée de n'avoir pas pu rentrer dans ce livre ,peut être que je n'étais pas disponible du tout avec cette vie de petite fille et tous ces détails à en plus finir ... Mais à la retraite peut être je m'y replongerais !!! Ce n'est qu'en octobre , on se sera revues vous n'aurez à nouveau boostée.
RépondreSupprimerEn tout cas j'ai eu grand plaisir à lire vos commentaires
Biz Anny
Christine Lavransdatter de Sigrid Undset
RépondreSupprimerJanvier 2015
J’ai lu ce livre il y a plusieurs années déjà et ne me sentais pas de reprendre intégralement cette lecture.
Je suis en revanche allée consulter l’exemplaire de la bibliothèque de prêt pour me remettre en mémoire, si ce n’est toutes les péripéties de l’histoire, du moins le ton et l’atmosphère du livre.
Et en effet j’y ai retrouvé la vivacité des scènes, leur réalisme, les paysages si bien accompagnés par les saisons, devenant aussi mobiles que les personnages, tout le mouvement engendré par ces scènes, les péripéties, les dialogues ; oui, quelque chose d’extrêmement vivant et qui avance sans cesse.
Et puis, et puis, le personnage très fort de Christine L. qui affronte la vie avec détermination. Figure féminine touchante dans ses élans, ses émois, la traversé des épreuves qui, dès son enfance, jalonnent sa vie. Et, ce qui donne une telle vigueur au personnage, me semble-t-il, c’est la permanence des personnages masculins autour d’elle et leur importance dans sa vie. De même qu’elle ne trouve pas toujours l’aide là où elle l’attend, de sorte qu’elle est obligée de s’en remettre à elle-même, à sa conscience, à sa connaissance du milieu dans lequel elle vit.
J’ai apprécié également ces contrées nordiques, leur beauté et leur âpreté, le combat qu’elles exigent de leurs habitants.
L’atmosphère de ce Moyen-Âge des confins, inféodé au christianisme mais où tout le monde bouge beaucoup, qui n’est pas figé du tout. Avec cette conscience du péché exacerbée qui m’a fait réfléchir.
Mon seul bémol est un peu confus. Et c’est déjà cela qui m’avait habitée comme impression à la première lecture. L’ensemble du livre serait comme une forêt trop épaisse dans laquelle il est difficile d’avancer.
En disant cela je ne mets pas en cause l’écriture, précise, claire et fouillée à la fois, telle qu’on n’en fait plus et c’est dommage. Je veux parler du tout, l’ensemble du récit de la vie de Christine Lavrandatter qui à la fois enchante, force l’admiration mais aussi sature comme un gâteau trop riche.
Le fait qu’il y ait trois parties et que Odile, prudemment, ait donner à lire la première est une bonne idée.
J’ai été TRES impressionnée par ce livre que j’ai dévoré avec enthousiasme, j’étais vraiment triste hier soir de l’avoir fini (mais heureusement il y a encore deux tomes), je suis d’accord avec Evelyne et avec beaucoup d’entre vous c’est un livre remarquable, un chef d’œuvre.
RépondreSupprimerCertes c’est de la fiction, ça se passe au XIV siècle, dans un pays dont je ne connais rien et pourtant je me suis sentie l’héritière de Kristin. C’est ce qui me trouble et m’enchante : Kristin est bien plus qu’un personnage de roman. Il me semble que c’est grâce à des figures comme elle (et qui ont réellement existé !) que les femmes ont fini par s’affranchir de la domination des parents, des hommes et de la religion. Kristin part dans la vie avec un lourd fardeau : la mort de deux frères, une mère dépressive et assez froide, une sœur aimée gravement accidentée et mourant jeune, des parents dont on apprend à mots couverts leur part d’ombre, leurs frustrations, leurs amours déçus et leur volonté farouche de tenir le cap de leur mariage au nom de la religion et de l’obéissance aux règles. Le poids de la religion est immense et imprègne toute son éducation, c’est terrifiant : virginité, honneur, obéissance…et absence de contraception ! C’est beaucoup ! Et là je me suis dit OUF je suis née au 20 siècle et j’ai échappé à ÇA! Kristin m’est alors apparue comme une amie, une sœur qui trace à sa manière la voie de la liberté des femmes. Elle réussit malgré tout à s’affranchir de ces entraves et à braver son père, souvent elle doute aussi mais elle continue à avancer. Il faut être solide pour braver les interdits en envoyant balader quelques convenances étouffantes ! Oh que j’ai aimé son tempérament indomptable, courageux, déterminé qu’elle a sans doute puisé dans la relation forte qu’elle a avec son père. Ses deux frères morts il m’a semblé qu’elle avait une place un peu exceptionnelle et privilégiée auprès de lui. Bon son Erlend ne m’a pas vraiment convaincu mais ça c’est autre chose ! La passion ne s’explique guère.
Quel (s)portrait (s)! Et quelle écriture ! De la dentelle, tant pour décrire la psychologie des personnages que les paysages et les éléments naturels. C’est incroyablement visuel. De plus l’auteure a su avec brio et subtilité nous faire vivre et partager le quotidien des personnages (brasser la bière, traverser les montagnes à cheval, filer et tisser,...). Un livre sublime
PS : merci à Geneviève qui dans son commentaire appelle à un moment l’héroïne Catherine au lieu de Kristin !
Catherine
Et oui!Figure-toi que je n'ai cessé d'appeler cette femme Catherin!...
SupprimerNous sommes Nicole et moi ensemble en Creuse, bien au chaud devant un paysage hivernal, et nous débattons, débattons sur Kristin... le commentaire de Catherine a relancé notre débat d’hier, et a ouvert de nouvelles réflexions.
RépondreSupprimerPour nous deux, ce qu’elle dit du personnage de Kristin - son affranchissement, son caractère indomptable... - est vrai jusqu'au moment où Kristin impose son amour pour Erlend à son père. Il y a la vie de Kristin jusque-là, et la vie de Kristine après. Dans cet après, nous n'avons plus du tout perçu Kristin de la même manière. La culpabilité l’emporte totalement sur sa jouissance de la vie, cette jouissance totale qu’elle a pendant son enfance et adolescence. Après c’est une autre affaire ! Kristin développe à partir de là une culpabilité - on s’est bien retrouvé dans les remarques de Catherine sur les données de cette culpabilité - qui fait disparaître sa force, cette force qui lui permettait d’agir sur sa vie, et de remettre en question les choix faits par d’autres qu’elle.
D’où notre interrogation par rapport à la position de Catherine qui voit en Kristin un symbole de l’émancipation féminine, ce que nous ne partageons pas. Au contraire nous retrouvons chez Kristin les difficultés des femmes face à l’emprise sociale et familiale dont elle ne se sort finalement pas, bien qu’elle ait gagné son combat pour le mariage avec Erlend. Le volant dépressif s’impose dans son quotidien, plus d’autre projet que la recherche du salut par la religion, et le surinvestissement dans ses enfants !
Quelques mots sur une personne qui nous a fait beaucoup parlé : Lavrans. C’est un personnage totalement atypique pour cette période ! Attentif, tendre, présent, tolérant et dans l’acceptation des choix de sa fille. Il nous semble vraiment adulte et parent, car protecteur pour sa fille et adulte dans les analyses sociales. Un des rares personnages du livre qui n’est pas emporté par l’affectif. Il est capable de dire le désaccord qu’il a avec les autres. C’est un homme raisonnable, qui nous semble « révolutionnaire » par sa remise en question des codes familiaux traditionnels, mais il y perd une part de la complexité de l’âme humaine, il est un peu trop « lisse » à notre goût.
Par contre, Erlend est un enfant capricieux, inconstant mais entier, agaçant mais touchant et fascinant, il apporte l’insouciance et l’ouverture sur le monde extérieur, et en ce sens il est lui aussi « révolutionnaire » dans sa transgression des codes sociaux.
Ce qui nous a aussi intéressé, c’est le regard que nous impose l’auteure à travers tous ces personnages. Quels rôles ont-ils par rapport à la religion qui est si prégnante, et qui s’impose encore plus dans le tome deux ?
Nous avons ressenti un certain prosélytisme religieux de la part de Sigrid Undset et ne pouvons nous empêcher de penser que chaque personnage participe d’une conviction religieuse qu’elle veut nous faire partager. Elle tente de nous imposer une vision religieuse du monde ? Nous avons lu par ailleurs qu’elle s’était convertie deux ans après l’écriture de cette trilogie au catholicisme. C’est peut-être sa « conversion en marche » qui s’écrit dans le roman ?
Mais, si le tome trois est autant religieux, nous allons craquer toutes les deux !!
Merci Évelyne et Nicole pour votre réaction. Je dois préciser que je n'ai lu que le tome 1 qui s'arrête au moment du mariage de Kristin avec Erlend. Pour moi cette clôture montre qu'elle a en partie «gagné» et a su aller jusqu’au bout même si déjà, devant les difficultés qui l’attendent, le doute s'installe et que sa fougue de jeunesse s’est adoucie...M'étant renseignée sur les 2 autres tomes j'ai effectivement très peur que ma vision d'une fille qui s'émancipe ne tienne plus, j'hésite à les lire car je sais que le poids de la religion y est très lourd (et j’ai lu comme vous que l’auteure sur le tard a été prise d’une grande ferveur religieuse). J’ai lu ce premier tome comme un livre centré sur le thème de l’asservissement des femmes (dans la famille, au convent, en société, auprès de leur mari, etc.). [Il y aurait beaucoup à dire aussi sur l’asservissement des hommes, sur les règles auxquelles ils doivent se soumettre selon leur rang, sur l’obéissance sociale dont ils ne peuvent guère se défaire …mais pour les femmes c’est encore bien pire !]. Kristin est très jeune et a un côté frondeur et courageux. Il ne faut pas oublier de replacer tout ça dans le contexte du 14ème siècle ! Elle ne se contente pas de suivre ce que ses parents attendent d'elle, ni de se conformer aux règles que la religion impose aux filles, au risque de se retrouver dans une situation dramatique en entraînant le déshonneur de sa famille. J'ai adoré sa détermination, sa capacité à composer pour arriver à ses fins (par exemple pour rencontrer son ami d'enfance dans la nuit avant son départ et lutter contre l'agression de ce jeune ivrogne dont j'ai oublié le nom). Je maintiens ma vision des choses : dans ce premier tome Kristin m’apparait comme un symbole de l’émancipation féminine, elle fait bouger le carcan qui lui est imposé, elle entraîne son entourage immédiat (son premier fiancé Simon, son père, …) vers une autre vision des choses. Par contre j’ai bien peur que les deux autres tomes soient une démonstration inverse. Est-ce que l’auteure ne montre pas Kristin comme une rebelle pour mieux ensuite l’enfermer dans un rôle de mère puis de bigote (si j’ai bien lu les résumés des deux autres tomes…) et montrer que le salut des femmes serait là ? Mes recherches sur internet concernant l’auteure me confirme cette intuition … elle n’est pas féministe et affirme que la femme ne peut s’épanouir pleinement que dans son foyer à s'occuper de ses enfants et à louer Dieu (mais bon apparemment elle écrivait la nuit…). Du coup je me demande si je ne vais pas en rester là, à cette image de Kristin et de sa jeunesse fougueuse et libre, l’idée qu’elle se retrouve coincée dans la maternité et la religion me déprime totalement !! A moins que j’arrive à faire fi de ce retournement et que je me fixe sur la qualité indéniable de l’écriture de l’auteure.
RépondreSupprimerPS : oui je suis d’accord la figure du père est tout à fait intéressante !
De retour d'une belle ballade dans le grand froid nous avons lu avec grand plaisir tes interprétations et analyse. Nous avons fini le tome II et attaquons le tomeIII avec les craintes que tu évoques. Mais cela nous intéresse finalement de découvrir les contradictions de l'auteure et donc celles de Kristine.
SupprimerEvelyne et Nicole
Oui, quand j'ai lu ce livre, je me suis dit"Oh là,là! Que de condimentaires cette Christine va soulever du fait qu'elle essaie de tenir face aux difficultés pour épouser l'homme de son cœur!...oui, elle parait un modèle de libération de la femme, surtout à l'époque où ce passe ce récit;Mais il est vrai qu’hélas cette jeune femme ne tient pas son projet jusqu'au bout...Mais est-ce qu'il s'agit de ne pas tenir ce qui était sa position jusque-là (elle l'aime et tiendra jusqu'au bout sur cet aspect des choses),mais plutôt tomber dans une douleur qui prend comme objet la culpabilité de sa "faute" mais qui peut être due , en fait, à sa découverte , sans qu'elle n'arrive à se l'avouer de suite,, que son homme ne mérite pas ce qu'elle a fait comme choix ?
RépondreSupprimerC'est quand même un sacré personnage que cet homme, son amoureux au sens basique du terme, innocente qu'elle est , dans son couvent !
Il aura les "atours " du beau chevalier pour lequel elle s'enflamme,mais il a de sacrées casseroles, quand elle le rencontre,et cet homme ...et l'histoire continue, qui nous montre à quel point le mari de notre Christine s'avère être quelqu'un qui s'éloigne de plus en plus de ce qui est la vie qu'il est censé construire avec elle.
Je me suis d'ailleurs dit que l’on peut (du moins, moi) s'identifier à Christine et du coup mettre un certain temps pour prendre du recul et voir apparaitre cet homme sur un mode bien différent de ce que l'on pourrait en attendre..et peu à peu,j'ai eu en mémoire ce qu'il avait dit de sa vie jusque-là et de la femme avec qui il a eu des enfants...mais comment l'a-t-il dit, et quand?
Vous dite que l'auteure n'est pas un modèle de féminisme et ?...pour ma part je n'aime pas aller voir sur internet ce que l'on dit de l'auteur car ça oriente ma lecture...mais si tout simplement,notre auteure avait des hommes une image pas très positive?..sauf quand ils sont dans une position de père, comme celui de Christine?...
En tous cas, on peut tout de même dire que Christine a voulu construire une famille avec cet homme-là, et malgré tout ce qu'il se passe, c'est son idée de l'amour qu'elle a, ou a eu pour lui,qui la fait tenir et passer par les tourments qui nous sont décrits:car après tout, à cette époque et "bien éduquée" comme cela semble et respectueuse de ce que veulent dire les rites religieux, il m'a paru pensable qu'elle puisse se sentir mal du fait de porter le "couronne" alors qu'elle est enceinte...Bien sûr,on se dit que notre époque a, du moins on l'espère, un peu avancé de ce côté-là.
Encore un mot.
RépondreSupprimerj'ai eu bien du mal en écrivant quand il s'agit de la liberté féminine et "construire une famille", qui peut être mièvre, si cela s'inscrit dans un discours où l'on a enfermé des filles..Vous avez bien compris qu'il s'agit pour Christine de combiner deux dimensions:son amour pour Erlend et celui qu'elle voue à son père.Au fond elle y est pas mal arrivée.mais quand on fait cohabiter des objets d’amour aussi antagonistes, et bien,s'amène la suite de troubles disons "émotionnels"!
Oui, j'aurais pu me contenter de ça, écrit en trois minutes,alors que j'ai transpiré plus d'une heure pour le reste: j'ai la grippe!
Alors,le blog aujourd'hui m'a fait sortir un moment de mon lit...j'aime bien quand certaines racontent le contexte de leurs réflexions:la Creuse en plein hiver...Ca donne quoi?
J’ai tardé à participer à la conversation car j’ai attendu que s’expriment des opinions variées et puis, ensuite, j’ai voulu réagir à ce que vous dites sur le féminisme et le catholicisme « tardif ». Pour cela, j’ai relu une biographie de Sigrid Undset par Gidske Anderson, une Norvégienne, biographie publiée aux Editions des Femmes.
RépondreSupprimerCe que je note tout d’abord, c’est que la vie de Christine et celle de Sigrid Undset ont plusieurs points communs, mais qui se jouent différemment, au moins dans le temps. Tout d’abord, le nom : Sigrid a vécu à Kristiana, l’ancien nom d’Oslo… Il y a une forte complicité entre Sigrid et son père, Ingvald, qui mourra quand elle a 11 ans. Avec lui, elle se promène et développe son sens de la nature. Il est archéologue et important pour elle.
Elle n’ira à l’école qu’à 8 ans 1/2, une école moderne, libérale, mixte mais elle s’y ennuie, du fait de l’éducation libre reçue auparavant, notamment dans ses lectures. Elle y développe un sentiment d’opposante, ce qui me parait être une constante dans sa vie et la rapprocher de Christine L. Elle travaillera jeune, lira des sagas, publiera un 1er livre qui commence par « J’ai été infidèle à mon mari », plutôt érotique… en 1909 et, à 27 ans, après 10 années de bureau, obtiendra une bourse pour voyager en Europe où elle rencontre un peintre, Svarstad, plutôt égoïste (autre rapprochement) et qui se révélera antisémite à partir de 1918. Le couple ne dure pas mais elle a néanmoins 3 enfants dont un premier fils qui échappe de peu à la mort et une fille handicapée mentale (là aussi, la maladie des enfants). Elle assume les enfants, devient polémiste et adhère au féminisme du XIXème siècle.
C’est en 1919 qu’elle adhère au catholicisme et c’est à cette époque qu’elle écrit Christine L. en 3 ans. Là aussi, il y a un côté « contre », car elle vit en pays protestant.
Lorsqu’elle reçoit le Nobel, elle le répartit en dons pour les faibles d’esprit, les catholiques démunis et les écrivains. A la fin de sa vie, elle écrit sur son enfance, s’éloigne du catholicisme, trop étroit, et se mobilise en patriote. Elle est évoquée, lors de son exil aux Etats-Unis, comme « brusque et chaleureuse ».
A propos du féminisme, je dirais que c’est une combattante, dans cela comme dans d’autres choses : l’école, la religion, le patriotisme. Et, combattante, c’est bien une caractéristique du féminisme. Elle a aussi un fort sens de la responsabilité, dans sa vie de famille et Christine L. assume dans le deuxième tome les responsabilités de son domaine, et les entraves à sa liberté, comme le dit Geneviève. Mais il me semble aussi que, pour bien des femmes, le poids des responsabilités domine l’âge de la maturité.
Pour ce qui est du catholicisme, ça me semble plus complexe que ce que le fait que ce soit une bigote. Et ça ne durera pas vraiment, si j’ai bien compris.
Sur la remarque d’Alberte – un sentiment de malaise, de forêt touffue – peut-être bien est-ce dû à tout ce qui est fourré dans ces trois livres, des mouvements contradictoires et complexes, comme dans la vie…
Je m’arrête là, je vous ai déjà assommés, je ne voudrais pas vous achever !
Pas facile de mettre un commentaire après tout ce que vous avez écrit.
RépondreSupprimerJ'ai eu le livre tard et depuis, je le "dévore"!!! (je lis la suite). J'ai aimé le déroulement des saisons, la glace qui craque, les premières pousses dans les champs, le fleuve qui gonfle et se dégonfle selon les mois, les fêtes et les travaux de cardage de la laine ou la fabrication de la bière ou du pain. Nous sommes dans le grand Nord avec un père d'une grande intégrité intérieure qui ne souhaite que le bonheur des siens, avec Kristin qui ose affirmer ce qu'elle souhaite pour elle même et qui dans le même temps se questionne sur sa relation avec Erlend comme si elle sentait confusément que de vivre avec lui ne serait pas simple, avec la religion qui règle les us et coutumes mais qui présente aussi de bel figure comme celle du frère Edvin. Bref, ce livre m'a touché...
J'ai aussi lu la bibliographie de cette auteure qui m'a permis de me distancier du livre (j'étais pris par cette histoire) et comprendre qu'elle avait projeté des moments de sa vie dans les personnages qu'elle décrit. J'appréhende la suite avec un autre regard et je m'exaspère un peu de la difficulté de Kristin à ne pas être heureuse tant la culpabilité la ronge. Mais c'est le second livre...