LES FUNERAILLES CELESTES de XINRAN
J’ai
bien aimé ce petit livre d’une chinoise amoureuse qui se rend au Tibet pour
retrouver son mari mort à 29 ans « au combat » pendant les années 50
dans le cadre de la « Libération de ce pays ».

C’est dans le même état d’esprit un
peu militaire qu’elle revêt, elle aussi, son uniforme pour aller soigner
les soldats et « libérer » le TIBET : un peu naïvement je trouve
mais libérer de quoi ? On retrouve là l’état d’esprit et le discours de tout
colonisateur et de leur ambivalence.
Toute à son admiration pour lui, elle veut le
retrouver, le voir de prés, le toucher pour y croire et comprendre sa mort et
les circonstances de ce décès.
Shu Wen vivra ainsi trente ans
dans ce souvenir et dans ce pays où tout
lui est étranger mais qu’elle acceptera, comme enfermée dans ces tentes
sur les montagnes : intriguée par ses occupants puis envoûtée ensuite par leur mode de vie. Elle
supportera toutes ces épreuves au détriment de ses sentiments pour sa
famille qu’elle quitte. On se laisse envoûter avec elle par ces régions arides.
Mais elle aura à apprivoiser cette vie de nomade si particulière.
C’est sans doute la spiritualité
omniprésente à travers les prières , les mantras qui habitent ces hommes et ces
femmes qui aura raison de sa ténacité ,vous me direz si vous êtes
d’accord .Comment ces tibétains s’occupent de leur Yaks ,et ramassent
des herbes médicinales , comment ils se couchent et dorment , leur
relation affective(il y a une jolie anecdote là dessus ) , comment ils mangent
, boivent du thé au beurre salé , comment ils s’habillent , et se parent de
colliers somptueux , comment ils se regardent , et la regardent elle : les
enfants et les adultes surprise de leur sérénité…Alors elle oublie sans doute au
vu de leur accueil chaleureux qu’on lui réserve que les tibétains décrits comme
des hommes violents à la guerre sont si paisibles au quotidien.
Sa rencontre avec Zhuoma, une Tibétaine
amoureuse de la Chine
et de son valet Tienanmen sera déterminante dans son périple, elle sera comme
une sorte de sœur sans doute : s’épaulant l’une l’autre, chacune aidant
l’autre à se comprendre (« effet miroir ? » n’est ce pas
Geneviève ?).Elle sera sa traductrice et "sa conseillère en communication" !
Des actes et des échangent verbaux des habitants.
On ne peut lire ce livre sans
être accompagné « des esprits » qui l’animent et ou de ce qu’on
appellerait la foi, des forces occultes à travers la présence des Lamas qui
sont dans les monastères et où les enfants séjournent jeunes. « Le Tibet
est un grand Monastère » alors qu’en Chine la religion est « un code
moral géré par des Laïcs ».
Cette façon de penser et de vivre
va beaucoup aider Wen à affronter la famille de Gela et Ge’er sans savoir aucun
mot de tibétain, cette vie de recluse et d’étrangère, dehors sur les chevaux
puis sous la tente (comme dans une bulle, comme un bébé dans le ventre de sa mère ?!!) où chacun a sa
place et vaque à ses occupations en souriant comme Saierbao.
Tout cela n’empêchera pas Wen de sombrer dans une dépression profonde en désespérant
d’atteindre son but dans ce désert montagneux et n’ayant
plus de notion du temps (il n’y avait pas de calendriers) , ces hommes
ne pensaient que deux saisons : hiver et été …Puis vous verrez comment
elle sort de son mutisme et de cette situation, sans doute portée par la
compassion de cette famille, et comment elle va à la rencontre de Qiangba l’ermite
dans les Montagnes Sacrées où l’on inscrit
un vœu pour qu’il se réalise et « Quand
on met les doigts sur les mots on
sent la présence des divinités » .
Avec cette histoire on traverse
ces 30 ans avec elle, isolée de tout et isolée de la marche du monde : la
révolution culturelle de 1970 avec MAO ZETONG et de la fuite du DALAI LAMA entre autres.
Le monde a tourné vite et sans elle.
Vous découvrirez comment à travers cette phrase somme toute magique
tout se noue et se dénoue « Om mani pedme hum », on a envie avec
elle d’admirer les bannières de petits drapeaux à LHASSA et les lamas qui
jouent de leurs grosses trompes et la foule qui s’y presse.
Et comment avec son humanisme son
mari « se sacrifiera » avec ce rituel « en-vautour-ante » (à vous de comprendre) et aussi forts et cruels que « ces funérailles
célestes » qui le conduit à l’irréparable mais avec en âme et sa conscience
de pur soldat chinois soldat. Certaines scènes auraient pu être plus développées notamment celles de
ce sacrifice.
Puis la fin de ce long parcours d’espérance
de Shu Wen, d’abnégation de soi, de sacrifice fait réfléchir. On peut néanmoins
s’interroger sur cet enfermement qui l’a empêché de revoir les siens plus tôt
mais cela n’est qu’une projection de ma part, en avait-elle envie et elle
n’était pas à l’aire d’Internet !!! Et comme dirait notre amie Geneviève,
elle s’est construite psychiquement autour de la symbolisation de cet amour
pour ne pas mourir.
L’écriture y est un peu rapide, parfois
on aurait aimé plus d’approfondissement, d’explications.
On ne peut s’empêcher de penser à
Alexandra David Niels qui elle est partie elle, volontairement dans ce pays,
aidée financièrement par son mari (très critiquée à ce sujet) déguisée en homme
pour se cacher et être libre d’appréhender les mœurs et mieux comprendre les
tibétains ….. Allez voir ce joli musée à
DIGNES qui résume sa vie.
Bonne lecture.